Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 février 2018, le 12 mars 2018, le 4 mai 2018 et le 22 juin 2018, la SCI Henri, la SCI EDCLA et M.D..., représentés par MeC..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 6 décembre 2017 ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) d'enjoindre au président de la communauté urbaine de Caen-la-Mer d'abroger le plan local d'urbanisme en tant qu'il classe une partie des parcelles cadastrées section NS 105 et NS 113 en " coeurs d'îlots verts ", dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, défaut, de procéder à une nouvelle instruction de leur demande d'abrogation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de la communauté urbaine de Caen-la-Mer une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le président de la communauté urbaine n'était pas compétent pour rejeter leur demande d'abrogation ;
- le règlement graphique n'est pas conforme au plan de zonage figurant dans le rapport de présentation ni aux prescriptions strictes et précises de ce rapport relatives à l'implantation des coeurs d'îlots verts ;
- le classement est, compte tenu de son ampleur et de la configuration des lieux, entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la surface des parties des parcelles classées en coeurs d'îlots verts est disproportionnée de sorte qu'elle méconnaît les articles 13.3.2 et 13.2.1 du règlement de la zone UB ; le classement empiète de surcroît sur la bande de constructibilité en méconnaissance du même règlement.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 avril 2018 et le 18 juin 2018, la communauté urbaine de Caen-la-Mer, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le moyen tiré de la non-conformité du règlement au rapport de présentation est inopérant ;
- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- et les conclusions de M. Derlange, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le conseil municipal de Caen a, par une délibération du 16 décembre 2013, approuvé le plan local d'urbanisme de la commune. La société civile immobilière (SCI) Henri, la SCI EDCLA, propriétaires des parcelles cadastrées, respectivement, NS 105 et NS 113, situées rue de Québec et M. B...D..., qui a la jouissance de ces parcelles, ont sollicité l'abrogation du plan en tant que celui-ci a délimité sur ces terrains des " coeurs d'îlots verts " au titre des espaces et secteurs contribuant aux continuités écologiques et à la trame verte et bleue mentionnés au i de l'article R. 123-11, alors en vigueur, du code de l'urbanisme. Par une décision du 24 mars 2017, le président de la communauté urbaine de Caen-la-Mer, établissement public créé le 1er janvier 2017 et devenu compétent pour connaître des questions relatives aux plans locaux d'urbanisme des communes membres, a opposé un refus à leur demande. Ils relèvent appel du jugement du 6 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du président de la communauté urbaine de Caen-la-Mer du 24 mars 2017.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, si le rapport de présentation du plan local d'urbanisme de Caen comporte des extraits de son règlement graphique, portant sur les coeurs d'îlots verts situés rue Robert Tournières et rues Lépine et Gringoire, ces insertions ont pour seul objet d'illustrer les principes sur lesquels les auteurs du plan se sont fondés pour délimiter les coeurs d'îlots verts et sont dépourvues de valeur normative. Les requérants ne sauraient ainsi utilement soutenir que la délimitation d'un coeur d'îlot vert sur leurs parcelles n'est pas " conforme au plan de zonage du rapport de présentation ". En outre, alors que la délimitation des espaces considérés et les finalités de cette délimitation, consistant en la préservation de continuités écologiques, est nécessairement subordonnée à la configuration des lieux, la circonstance que la forme que revêt le coeur d'îlot vert sur les parcelles NS 105 et NS 113 diffère de celle des espaces figurant, à titre d'exemple, dans le rapport de présentation ne révèle, par elle-même, aucune contradiction manifeste entre le coeur d'îlot vert contesté et le rapport de présentation. Par ailleurs, il ressort du rapport de présentation que les auteurs du plan local d'urbanisme ont entendu situer les coeurs d'îlots verts à l'arrière des terrains, ce qui correspond généralement aux espaces de jardins implantés à l'arrière des constructions, tout en préservant la possibilité d'extension du bâti existant. Recherchant " les éléments de continuité dans le tissu urbain constitué pour créer des continuités écologiques ", ils ont également entendu désigner en tant que coeurs d'îlots verts des espaces caractérisés par la " confluence de fonds de jardins privés ". Le coeur d'îlot vert litigieux est implanté sur les espaces situés à l'arrière des parcelles NS 105 et 113, accessibles depuis la rue de Québec ainsi que sur la portion de la parcelle NS 105 qui permet d'assurer une liaison entre ces espaces et, par suite, la continuité écologique. Cette portion permet, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le regroupement d'espaces végétalisés d'un seul tenant. La circonstance que la parcelle NS 105 soit également desservie par l'allée de l'acacia de sorte que depuis cette voie, le coeur d'îlot vert se situe en partie en milieu de terrain et devant la construction n'entache pas la délimitation d'illégalité. Enfin, à supposer que, en soutenant que le coeur d'îlot vert institué sur leurs parcelles ne peut être regardé comme compris dans une zone de confluence de fonds de jardins privés prévue par le rapport de présentation, la SCI Henri et les autres requérants aient entendu faire valoir que ces parcelles n'étaient pas reliées à d'autres jardins privés, il ressort du rapport de présentation que le réseau de biodiversité que les auteurs du plan local d'urbanisme ont souhaité consolider peut prendre la forme de " pas japonais ". Il suit de là que le coeur d'îlot vert contesté ne présente, en tout état de cause, aucune contradiction manifeste avec le0 rapport de présentation.
3. En deuxième lieu, d'une part, il résulte du règlement du plan local d'urbanisme que les espaces situés dans le périmètre d'un coeur d'îlot vert " doivent être préservés et mis en valeur par leur végétalisation et leur maintien en pleine terre. ". Sont ainsi seul autorisées l'implantation d'installations ou de constructions légères et démontables de 12 mètres carrés d'emprise au sol au maximum, lorsqu'aucune autre construction existante n'est située dans ces espaces ainsi que la restauration sans extension des constructions existantes à la date d'approbation du plan. D'autre part, les dispositions du 3 du 2 de l'article 13 du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone UB, au sein de laquelle les parcelles NS 105 et NS 113 sont classées, prévoient que " Dans le secteur UBa et ses sous-secteurs / 30 % de la superficie du terrain située au-delà de la bande de constructibilité principale doivent être traités en espaces verts. ". En vertu des dispositions du 2 du 3 du même article, propres aux coeurs d'îlots verts, la superficie de ces derniers " entre dans le décompte des espaces libres et espaces verts prévus " par cet article.
4. La circonstance que la superficie correspondant aux portions des parcelles NS 105 et NS 113 comprises dans le périmètre du coeur d'îlot vert litigieux excèderait largement la proportion de 30 % d'espaces verts prévue par les dispositions précitées 3 du 2 de l'article 13, lesquelles ont pour objet d'imposer à l'ensemble des terrains situés en zone UBa, qu'ils soient ou non par ailleurs inclus dans un coeur d'îlot vert, un minimum d'espaces végétalisés ne rend aucunement le règlement graphique du plan local d'urbanisme contradictoire avec son règlement littéral. De même, la circonstance, à la supposer avérée, que le coeur d'îlot vert empièterait sur la bande de constructibilité principale, appréciée depuis l'allée de l'acacia, n'entache pas l'institution de cet espace d'illégalité. Le moyen tiré de la " disproportion manifeste " ne peut ainsi qu'être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 123-11, alors en vigueur, du code de l'urbanisme : " Les zones U, AU, A et N sont délimitées sur un ou plusieurs documents graphiques. / Les documents graphiques du règlement font, en outre, apparaître s'il y a lieu : / (...) / i) Les espaces et secteurs contribuant aux continuités écologiques et à la trame verte et bleue ; / (...) ". Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir sur le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer, notamment, la liste des espaces nécessaires à la préservation de la biodiversité, des écosystèmes et des milieux nécessaires aux continuités écologiques. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
6. Si le périmètre du coeur d'îlot vert contesté recouvre une part importante des parcelles NS 105 et NS 113, d'une contenance respective de 4 033 et 1 240 mètres carrés, il ressort des pièces du dossier qu'il correspond à des espaces végétalisés dont la surface permet précisément d'assurer la consistance nécessaire à la fonction des coeurs d'îlots verts. Ses contours sont, par ailleurs, justifiés par le souci de faciliter les connexions écologiques. Si le coeur d'îlot vert est implanté en zone U dont la vocation est d'être constructible, cette vocation doit nécessairement être conciliée avec l'objectif de préservation et de remise en bon état des continuités écologiques assigné aux documents d'urbanisme par l'article L. 121-1, alors en vigueur, du code de l'urbanisme et décliné dans le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme qui prévoit de " Mettre en valeur et protéger les espaces verts privés qui confèrent à CAEN un caractère de ville verte. ". Dès lors, la délimitation du coeur d'îlot vert sur les parcelles NS 105 et NS 113 n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 153-19 du code de l'urbanisme : " L'abrogation d'un plan local d'urbanisme est prononcée par l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou par le conseil municipal après enquête publique (...) ". L'institution du coeur d'îlot vert dont les requérant ont demandé l'abrogation n'étant pas illégale, le moyen, tiré de ce que la décision rejetant leur demande d'abrogation est entachée d'incompétence faute d'avoir été prise par l'organe délibérant de la collectivité doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Henri et les autres requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande. Leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la communauté urbaine de Caen-la-Mer, laquelle n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ces derniers la somme de 2 000 euros au titre des frais de même nature que la communauté urbaine de Caen-la-Mer a supportés.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI Henri et des autres requérants est rejetée.
Article 2 : La SCI Henri et les autres requérants verseront à la communauté urbaine de Caen-la-Mer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Henri, la société civile immobilière EDCLA, M. B... D...et la communauté urbaine de Caen-la-Mer.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, président,
- M.A...'hirondel, premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 juin 2019.
Le rapporteur,
K. BOUGRINE
Le président,
C. BRISSONLe greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00442