Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 20 février 2018, les 7, 14 et 21 février 2019, la commune d'Yquelon, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 29 décembre 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme E...devant le tribunal administratif de Caen ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme E...la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les orientations d'aménagements (OAP) du PLU (plan local d'urbanisme) " Les prairies du bourg ", en raison de leur teneur et indépendamment de leur retranscription, étaient opposables à l'autorisation en litige ;
- les dispositions de l'article 1AU3 du PLU ont bien été respectées et leur application n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation ;
- à titre subsidiaire, elle sollicite que le motif de la contrariété du projet en litige avec les dispositions de l'article 1AU3 du PLU soit substitué à celui fondé sur les OAP.
Par des mémoires en défense enregistrés les 11, 19 et 21 février 2019, M. et MmeE..., représentés par MeA..., concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Yquelon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que les moyens soulevés par la commune d'Yquelon ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Giraud,
- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la commune d'Yquelon, et les observations de MeB..., représentant M. et MmeE....
Une note en délibéré présentée par la commune d'Yquelon a été enregistrée le 22 mai 2019.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D...E...ont déposé le 29 juillet 2016 une demande de permis d'aménager un lotissement nommé " la Butte cavée " composé de cinq lots sur les parcelles cadastrées AB nos 156 et 205 situées chemin de la Chevalerie et d'une superficie respective de 314 et 2 298 m². Par un arrêté du 21 octobre 2016, le maire d'Yquelon leur a opposé un refus. La commune d'Yquelon relève appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 29 décembre 2017 par lequel celui-ci, à la demande de M. et MmeE..., a annulé cet arrêté.
Sur la légalité de la décision contestée :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. / Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation ". Il résulte de ces dispositions que les travaux ou opérations d'urbanisme doivent être compatibles avec les orientations d'aménagement et de programmation ( OAP).
3. Aux termes du règlement applicable à la zone 1AU : " La zone 1AU est une zone non ou insuffisamment équipée, réservée à l'urbanisation future. / (...) / Toutes opérations de construction ou d'aménagement décidées dans un secteur concerné par une orientation d'aménagement devront être compatibles avec celles-ci. / La zone 1AU comprend : - le secteur 1AUc situé en centre-bourg. Il est destiné à recevoir des constructions à usage d'habitation, ainsi que les activités et les services nécessaires à la vie sociale (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que les orientations d'aménagement du plan local d'urbanisme (PLU) d'Yquelon fixent notamment comme objectifs pour le secteur des Prairies du Bourg classé en zone AUc, où se situent les parcelles en litige, que celui-ci soit réintégré dans le fonctionnement du bourg, qu'y soit créée une nouvelle voie qui irriguera les terrains et qu'y soient poursuivis les cheminements piétons avec la création de nouveaux cheminements. Le chemin de la Chevalerie qui dessert les parcelles des requérants est présenté comme " une liaison piétonne à maintenir ou développer ". Cette indication de l'orientation d'aménagement liée aux Prairies du bourg, par sa teneur et sa précision, ne constitue pas une simple prévision non opposable à une autorisation d'urbanisme. Si les articles 1 et 2 du règlement de la zone 1AU, qui énumèrent respectivement les occupations et utilisations du sol interdites et celles qui sont soumises à des conditions particulières, ne mentionnent pas la construction de nouvelles maisons d'habitation, ils disposent que celles-ci doivent être compatibles avec les orientations d'aménagement et de programmation et en particulier avec le maintien du caractère piétonnier du chemin de la Chevalerie. Les orientations qui visent à favoriser le développement urbain de cette zone, tout en maintenant le caractère piétonnier de certaines liaisons existantes, ne sont pas, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeE..., contradictoires. De plus, il ressort des pièces du dossier qu'aucun permis de construire, contrairement à ce qui est allégué par les requérants, n'a été délivré par le maire sur des parcelles se situant en zone AUc et uniquement desservies par le chemin de la Chevalerie. Ainsi, en estimant par la décision contestée que la construction d'un lotissement de 5 maisons qui ne pourrait être desservi, en l'état des voieries existantes, que par le chemin de la Chevalerie, était incompatible avec les orientations d'aménagement de la commune, le maire n'a pas commis d'erreur de droit.
5. En second lieu, si l'article 1AU 3 du règlement du PLU relatif à la voierie prévoit que les voies doivent présenter en principe une chaussée d'au moins 3,50 mètres, laquelle peut être réduite si les conditions techniques, urbanistiques et de sécurité le permettent, ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet d'imposer à la collectivité de transformer en une voie ouverte à la circulation automobile, toute liaison qui présenterait ces caractéristiques.
6. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner la demande de substitution de motifs sollicitée par la commune d'Yquelon, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté contesté.
7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les demandeurs devant le tribunal administratif de Caen.
8. En premier lieu, aux termes de R. 423-23 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction de droit commun est de (...) c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager ". Aux termes de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme: " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction (...) le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : a) Décision de non-opposition à la déclaration préalable ; b) Permis de construire, permis d'aménager ou permis de démolir tacite. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis d'aménager a été formulée le 29 juillet 2016 et qu'une réponse expresse a été notifiée le 21 octobre 2016 au pétitionnaire. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, aucune décision implicite d'acceptation n'a pu naître pendant la période d'instruction. Ainsi, le moyen tiré de ce que la procédure contradictoire prévue à l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme n'a pas été mise en oeuvre, n'est pas utilement invocable.
10. En deuxième lieu, si les requérants soutiennent que des autorisations de construire ont été délivrées sur des parcelles situées dans la même zone, il ressort des pièces du dossier que ces parcelles étaient desservies par la voie publique et pas seulement par le chemin de la Chevalerie. Si le permis de construire délivré en 2015 pour deux maisons porte sur un terrain qui n'est desservi que par le chemin de la Chevalerie, il ressort des pièces du dossier que le terrain en cause ne se situe pas à l'intérieur de la zone AUc, ni au sein de l'OAP. Ainsi le moyen tiré de ce que la décision aurait méconnu le principe d'égalité doit être écarté.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme : " L'autorité qui délivre l'autorisation de construire, d'aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l'évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés. Les obligations imposées par l'alinéa ci-dessus s'étendent au branchement des équipements propres à l'opération sur les équipements publics qui existent au droit du terrain sur lequel ils sont implantés et notamment aux opérations réalisées à cet effet en empruntant des voies privées ou en usant de servitudes ".
12. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, ces dispositions qui permettent à la collectivité de mettre à la charge du pétitionnaire certaines dépenses de raccordements aux réseaux n'ont ni pour objet, ni pour effet d'imposer à la collectivité la délivrance d'une autorisation d'urbanisme à chaque fois qu'un raccordement ou une extension d'un réseau est nécessaire. Dès lors le moyen tiré de ce que les dispositions précitées auraient été méconnues doit être écarté.
13. Enfin, le détournement de pouvoir allégué par M. et Mme E...n'est pas en l'espèce caractérisé.
14. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Yquelon est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 9 février 2017.
Sur les frais liés au litige:
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Yquelon, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. et Mme E...demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers le versement à la commune d'Yquelon de la somme de 1000 euros au titre des mêmes dispositions..
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 29 décembre 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme E...devant le tribunal administratif de Caen, ainsi que leurs conclusions présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : M. et Mme E...verseront à la commune d'Yquelon la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Yquelon et à M. et MmeE....
.
Une copie sera adressée à la communauté de communes Granville Terre et Mer
Délibéré après l'audience du 20 mai 2019, où siégeaient :
- M. Perez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. Giraud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 juin 2019.
Le rapporteur,
T. GIRAUDLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18NT00766