Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré 22 octobre 2015, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 octobre 2015 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M.E..., M. G... et Mme I...devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- la commission de recours n'était pas irrégulièrement composée lors de sa séance du 28 novembre 2013 alors que les requérants n'ont, en tout état de cause, apporté aucun élément de nature à établir cette irrégularité ;
- la décision contestée est bien-fondée ; que le jugement supplétif présenté par les requérants pour établir le lien de filiation a ainsi pu être régulièrement écarté en application de l'article 47 du code civil dès lors qu'il est irrégulier au regard des articles 106 et 107 du code de la famille congolais et qu'il n'est pas établi que M. E...prendrait effectivement en charge les demandeurs de visas.
M. B...E..., M. B...G...et Mme C...I...ont été mis en demeure de présenter leurs observations par courriers du 31 mars 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- -l'arrêté du 4 décembre 2009 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. L'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. B...G...et Mme C...H...ont déposé le 29 août 2012 une demande de visa de long séjour en qualité de descendants à charge d'un ressortissant français, M. E... ; que cette demande leur a été refusée par une décision du consul général de France à Kinshasa du 16 août 2013 ; qu'à la suite d'un recours déposé par M. E..., le 17 octobre 2013, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a confirmé ce refus par une décision du 29 novembre 2013 ; que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 octobre 2015 qui a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen des demandes de visa présentées par les intéressés ;
Sur la légalité de la décision contestée :
2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 1er de l'arrêté du 4 décembre 2009 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, la commission " délibère valablement lorsque le président et deux de ses membres au moins, ou leurs suppléants respectifs, sont réunis " ;
3. Considérant que le ministre produit pour la première fois en appel la feuille d'émargement de la séance du 28 novembre 2013 au cours de laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a examiné le recours de M.E... ; qu'il ressort de ce document que la commission de recours réunissait le président et trois de ses membres, de sorte que le quorum fixé à l'article 1er de l'arrêté du 4 décembre 2009 était atteint ; qu'aucune disposition législative ou règlementaire, ni aucun principe général, n'imposait à la décision contestée de porter mention de la composition de la commission lors de cette séance ; que le moyen tiré de ce que la décision de la commission aurait été adoptée au terme d'une procédure irrégulière manque ainsi en fait ; que c'est, par suite, à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que la régularité de sa composition n'était pas établie, pour annuler la décision du 29 novembre 2013 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les requérants devant le tribunal administratif de Nantes ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Par dérogation aux dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, les décisions de refus de visa d'entrée en France, prises par les autorités diplomatiques ou consulaires, ne sont pas motivées sauf dans les cas où le visa est refusé à un étranger appartenant à l'une des catégories suivantes et sous réserve de considérations tenant à la sûreté de l'Etat : (...) 2° Conjoints, enfants de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendants de ressortissants français et partenaires liés à un ressortissant français par un pacte civil de solidarité (...) " ;
6. Considérant que la décision du 29 novembre 2013, après avoir visé les dispositions des articles L.211-2, R.211-2 et L.314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, décrit les considérations de fait sur lesquelles elle repose ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que, lorsqu'elle est saisie d'un recours dirigé contre une décision diplomatique ou consulaire refusant la délivrance d'un visa de long séjour à un ressortissant étranger qui fait état de sa qualité d'enfant à charge d'un ressortissant français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France peut légalement fonder sa décision de rejet sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son ascendant dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son ascendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins ou ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire ;
8. Considérant que pour rejeter le recours formé contre les refus de visa de long séjour opposés aux demandes présentées par M. B...G...et Mme C...I..., en qualité d'enfants majeurs à charge d'un ressortissant français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est notamment fondée sur ce que les demandeurs ne justifiaient pas être sans ressources, ni bénéficier d'une prise en charge de M. E...qui, au demeurant, ne disposait pas des moyens suffisants pour subvenir à leurs besoins ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'a déclaré, au titre de l'impôt sur le revenu entre 2004 et 2010 que des revenus très modestes, oscillant entre zéro et 8 300 euros, alors que le montant des pensions alimentaires qu'il a déclaré avoir versées au titre de ces mêmes années dépasse le montant des revenus perçus ; que la preuve de la prise en charge des intéressés par M. E...ne saurait résulter de la seule attestation établie par ce dernier qui n'est accompagnée d'aucune pièce justificative ; que M. B...G...et Mme C...I..., âgés respectivement de 33 ans et 30 ans à la date de la décision contestée, n'établissent pas être dépourvus de toutes ressources dans leur pays d'origine dans lequel ils ont toujours vécu ; que, dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que les éléments produits par les demandeurs ne permettaient pas de les regarder comme étant à la charge d'un ascendant français ;
9. Considérant, en troisième lieu, que M. B...G...et Mme C...I..., qui sont nés respectivement en 1980 et 1983 en République démocratique du Congo, ont toujours vécu dans ce pays dans lequel ils disposent d'attaches familiales ; qu'en outre, le refus de leur délivrer des visas de long séjour ne fait pas obstacle à ce qu'ils puissent rendre visite en France à M. E...; qu'il ne ressort pas, enfin, des pièces du dossier que l'état de santé de ce dernier nécessiterait une assistance médicale qui ne pourrait être assurée que par des membres de sa famille ; que, dans ces conditions, le refus de délivrance de visa ne porte pas à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi par cette décision ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
10. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif tiré de l'absence de prise en charge des demandeurs par un ascendant français ; que les moyens tirés de ce que la commission aurait commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en écartant comme non probants les documents de l'état civil que ceux-ci avaient présentés pour établir le lien de filiation sont par suite inopérants ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 29 novembre 2013 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 octobre 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M.E..., M. G...et Mme I...devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E..., à M. B...G..., à Mme C...I...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M. L'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 avril 2017.
Le rapporteur,
M. L'HIRONDELLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT03244