Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 janvier et 28 décembre 2016, la communauté d'agglomération Lorient Agglomération, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 novembre 2015 ;
2°) d'annuler la décision implicite née le 18 janvier 2012 par laquelle le préfet du Morbihan a rejeté sa demande tendant à ce que l'unité de production d'eau potable de Langroise lui soit attribuée ;
3°) de mettre à la charge du syndicat départemental de l'eau (SDE) du Morbihan la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier car insuffisamment motivé au regard de l'article L. 9 du code de justice administrative, d'une part, en tant qu'il écarte l'exception d'illégalité de l'arrêté préfectoral du 22 juillet 2011 comme irrecevable, d'autre part, en tant qu'il se prononce sur la prétendue compétence du SIAEP d'Hennebont/Port-Louis en matière de production d'eau ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que l'exception d'illégalité de l'arrêté préfectoral du 22 juillet 2011 était inopérante, alors que la décision contestée du préfet a été prise pour l'application de cet arrêté ;
- c'est également à tort que le tribunal administratif a estimé que le SIAEP d'Hennebont/Port-Louis était compétent en matière de production d'eau : ses statuts ne lui ayant jamais conféré une telle compétence, il ne pouvait transférer celle-ci au syndicat départemental de l'eau et ce dernier ne peut revendiquer l'usine de production d'eau de Langroise ; l'interprétation extensive de ses statuts méconnaît le principe de spécialité des établissements publics rappelé par l'article L. 5210-4 du code général des collectivités territoriales ;
- la cour ne pourra qu'annuler le jugement attaqué et, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, et au vu des moyens soulevés en première instance par Lorient Agglomération, elle annulera également la décision contestée du préfet refusant de lui attribuer l'usine de production d'eau de Langroise ;
- les biens liés aux compétences production et transport de l'eau, dont l'usine de Langroise, ont été attribués par arrêté préfectoral du 29 avril 2016 aux communes membres de l'exposante, lesquelles les ont mis à disposition de cette dernière, mais le syndicat de l'eau du Morbihan a contesté cet arrêté notamment en ce que l'usine de Langroise ne lui a pas été attribuée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2016, le syndicat de l'eau (SDE) du Morbihan, dit EdM, représenté par MeC..., conclut, d'une part, au rejet de la requête, d'autre part, à ce que soit mis à la charge de Lorient Agglomération le versement d'une somme de 3 500 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en l'absence de décision, la demande de première instance est irrecevable ;
- les moyens soulevés par Lorient Agglomération ne sont pas fondés.
Une mise en demeure a été adressée le 24 août 2016 au ministre de l'intérieur.
Par ordonnance du 28 novembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 29 décembre 2016.
Un mémoire, enregistré le 24 mars 2017, a été présenté pour la communauté d'agglomération Lorient Agglomération et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Loirat,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant la communauté d'agglomération du pays de Lorient, et de MeA..., représentant le syndicat départemental de l'eau du Morbihan.
1. Considérant que, par un arrêté du 25 juillet 2011, le préfet du Morbihan a complété et modifié les statuts de la communauté d'agglomération du pays de Lorient, dénommée Lorient Agglomération ; qu'en vertu de l'article 1er de cet arrêté, la communauté d'agglomération Lorient Agglomération est compétente, à compter du 1er janvier 2012, pour la gestion de la ressource en eau, ce qui comprend la production par captage ou pompage, la protection du point de prélèvement, le traitement, le transport, le stockage et la distribution d'eau destinée à la consommation humaine ; que l'article 5 du même arrêté constate en outre qu'à compter du 1er janvier 2012, les communes de Caudan, Gâvres, Hennebont, Inzinzac-Lochrist, Locmiquelic et Riantec, membres de Lorient Agglomération, se retirent du syndicat d'alimentation en eau potable (SIAEP) de la région d'Hennebont Port-Louis, qui reste constitué à cette date des communes de Kervignac, Merlevenez, Nostang, Plouhinec et Sainte-Hélène ; que le SIAEP d'Hennebont-Port-Louis est membre du syndicat départemental de l'eau (SDE) du Morbihan, dont les statuts ont été modifiés par un arrêté préfectoral du 22 juillet 2011 pour en faire un syndicat mixte regroupant les communautés de communes, syndicats intercommunaux d'alimentation en eau potable (SIAEP) et communes compétentes en matière d'eau potable, ayant pour compétences de base à l'égard de l'ensemble de ses membres les services liés à la production, au transport et au stockage de l'eau potable et comme compétence optionnelle la distribution de l'eau ; que, par un recours gracieux du 15 novembre 2011, reçu le 18 novembre suivant, la communauté d'agglomération Lorient Agglomération a demandé au préfet du Morbihan de lui attribuer l'unité de production d'eau potable de Langroise, nécessaire selon elle à l'exercice de sa propre compétence en matière de gestion de l'eau ; que la communauté d'agglomération Lorient Agglomération relève appel du jugement n°1201050 du 26 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite née le 18 janvier 2012 par laquelle le préfet du Morbihan a refusé de lui attribuer cette unité de production ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, que l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale ; qu'eu égard à leurs objets réciproques, la décision implicite par laquelle le préfet du Morbihan a rejeté la demande de la communauté d'agglomération Lorient Agglomération tendant à ce que l'unité de production et de traitement de l'eau de Langroise lui soit attribuée ne constitue pas une mesure prise pour l'application de l'arrêté préfectoral du 22 juillet 2011 approuvant la modification des statuts du syndicat départemental de l'eau du Morbihan ; que cet arrêté n'en constitue pas davantage la base légale, en l'absence de lien juridique nécessaire entre ces deux actes ; qu'il suit de là que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de l'arrêté du 22 juillet 2011, est inopérant à l'encontre de la décision implicite de rejet contestée ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 des statuts du SIAEP d'Hennebont Port-Louis, dans leur rédaction issue de l'arrêté du préfet du Morbihan du 21 février 2011 approuvant leur modification, ce syndicat a pour objet : " - l'étude des projets d'alimentation, de production, de transport et de distribution en eau potable, - la réalisation des travaux d'extension, de renouvellement et de renforcement du réseau sur les communes du syndicat (...), - la construction et l'entretien des bâtiments de génie civil (usine de production, châteaux d'eau, barrage, surpresseur), - la mise en place et le suivi des périmètres de protection des prises d'eau et de captages, ainsi que la gestion coordonnée des ressources " ; qu'ainsi, le SIAEP disposait des compétences d'étude, de réalisation de travaux, d'entretien des équipements, de protection et gestion de la ressource en eau permettant de le regarder comme disposant de la compétence en matière de production, transport et distribution d'eau potable ; que, par suite, le SIAEP d'Hennebont Port-Louis pouvait légalement transférer celle-ci au syndicat de l'eau du Morbihan ;
4. Considérant en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 5216-7 du code général des collectivités territoriales : " I.-Lorsqu'une partie des communes d'un syndicat de communes ou d'un syndicat mixte fait partie d'une communauté d'agglomération, par création de cette communauté, par fusion d'établissements publics de coopération intercommunale pour constituer une communauté d'agglomération ou par transformation d'un établissement public de coopération intercommunale en communauté d'agglomération, (...) cette création, cette fusion ou cette transformation vaut retrait du syndicat des communes membres de la communauté pour les compétences visées aux I et II de l'article L. 5216-5 que le syndicat exerce. Ce retrait s'effectue dans les conditions fixées à l'article L. 5211-25-1 et au troisième alinéa de l'article L. 5211-19. A défaut d'accord entre l'organe délibérant du syndicat et le conseil municipal concerné sur la répartition des biens ou du produit de leur réalisation et du solde de l'encours de la dette visés au 2° de l'article L. 5211-25-1, cette répartition est fixée par arrêté du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements concernés. / (...) II.-Lorsqu'une partie des communes d'un syndicat de communes ou d'un syndicat mixte est associée avec des communes extérieures à ce syndicat dans une communauté d'agglomération, par création de cette communauté, par fusion d'établissements publics de coopération intercommunale pour constituer une communauté d'agglomération ou par transformation d'un établissement public de coopération intercommunale en communauté d'agglomération, cette création, cette fusion ou cette transformation vaut retrait du syndicat des communes membres de la communauté d'agglomération pour les compétences transférées et dans les conditions prévues au premier alinéa du I. Elle vaut substitution de la communauté d'agglomération aux communes pour les compétences transférées et dans les conditions prévues au second alinéa du même paragraphe. " ; que le troisième alinéa de l'article L. 5211-19 du même code dispose que : " Lorsque la commune se retire d'un établissement public de coopération intercommunale membre d'un syndicat mixte, ce retrait entraîne la réduction du périmètre du syndicat mixte. Les conditions financières et patrimoniales du retrait de la commune sont déterminées par délibérations concordantes du conseil municipal de la commune et des organes délibérants du syndicat mixte et de l'établissement public de coopération intercommunale. A défaut d'accord, ces conditions sont arrêtées par le représentant de l'Etat. " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 5211-25-1 de ce code : " En cas de retrait de la compétence transférée à un établissement public de coopération intercommunale : 1° Les biens meubles et immeubles mis à la disposition de l'établissement bénéficiaire du transfert de compétences sont restitués aux communes antérieurement compétentes et réintégrés dans leur patrimoine pour leur valeur nette comptable, avec les adjonctions effectuées sur ces biens liquidées sur les mêmes bases. Le solde de l'encours de la dette transférée afférente à ces biens est également restituée à la commune propriétaire ;... " ;
5. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées précitées au point 4 qu'en cas de retrait d'une commune d'un syndicat de communes ou d'un syndicat mixte en raison de la création d'une communauté d'agglomération, il appartient à la commune et à l'établissement ou, à défaut d'accord, au représentant de l'Etat dans le département, de procéder à la répartition, d'une part, de l'ensemble des actifs dont l'établissement est devenu propriétaire postérieurement au transfert de compétences, à l'exception des disponibilités nécessaires pour faire face aux besoins de financements relatifs à des opérations décidées avant la date de la répartition et non encore retracées au bilan de l'établissement public, d'autre part, de l'encours de la dette contractée postérieurement au transfert de compétences ; que cette répartition doit être fixée dans le but, d'une part, d'éviter toute solution de continuité dans l'exercice, par les personnes publiques, de leur compétence, d'autre part, de garantir un partage équilibré compte tenu de l'importance de la participation de la commune dans le syndicat de communes ou le syndicat mixte ; qu'il suit de là que seules les communes retirées du syndicat intercommunal sont intéressées à la répartition des biens résultant de ce retrait ; que, par suite, la communauté d'agglomération de Lorient ne peut utilement invoquer la règle de partage équilibré entre les communes et le syndicat intercommunal dont elles se retirent pour fonder sa demande d'attribution à elle-même, et non aux communes, de l'usine de production et traitement d'eau de Langroise ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le syndicat départemental de l'eau du Morbihan, que la communauté d'agglomération Lorient Agglomération n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat départemental de l'eau du Morbihan, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que la communauté d'agglomération Lorient Agglomération demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
8. Considérant, en revanche, qu'il y a lieu de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Lorient Agglomération la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le syndicat départemental de l'eau du Morbihan et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la communauté d'agglomération de Lorient est rejetée.
Article 2 : La communauté d'agglomération de Lorient versera au syndicat départemental de l'eau du Morbihan une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération de Lorient, au syndicat départemental de l'eau du Morbihan et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 avril 2017.
Le rapporteur,
C. LOIRATLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.