La Rivière Saint-Sauveur a implicitement rejeté son mémoire en réclamation et de fixer le décompte général et définitif du marché à la somme de 7 269,41 euros TTC et de condamner la commune à lui verser la somme de 5 711,69 euros TTC, outre les intérêts moratoires courant à compter du mémoire en réclamation.
Par un jugement n° 1301610 du 10 décembre 2015, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 février 2016, M. A..., représenté par la SELARL Vargues et Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 10 décembre 2015 ;
2°) de condamner la commune de La Rivière Saint-Sauveur :
- à titre principal, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, à lui verser la somme de 19 731,08 euros TTC, outre les intérêts moratoires courant à compter de novembre 2009 pour le règlement de l'ensemble des prestations qu'il a fourni en exécution du contrat conclu le 23 janvier 2009 avec ladite commune ;
- à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité quasi-contractuelle, à lui verser la somme de 5 711,69 euros TTC, outre les intérêts moratoires courant à compter du 14 octobre 2009, au titre de l'enrichissement sans cause dont a bénéficié ladite commune ;
- à titre encore plus subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, d'annuler la décision du 6 août 2013 par laquelle le maire de la commune de
La Rivière Saint-Sauveur a implicitement rejeté son mémoire en réclamation et de fixer le décompte général et définitif du marché à la somme de 7 269,41 euros TTC et de condamner la commune à lui verser la somme de 5 711,69 euros TTC, outre les intérêts moratoires courant à compter du mémoire en réclamation ;
3°) de mettre, en tout état de cause, à la charge de la commune de La Rivière Saint-Sauveur le versement d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le contrat est entaché de nullité et doit être écarté :
- le jugement attaqué, qui refuse d'écarter l'application du contrat, est entaché de contradictions de motifs ;
- la procédure de passation du marché a méconnu les principes généraux de passation des marchés publics ;
- les premiers juges ont donné une portée excessive au principe de loyauté des relations contractuelles, alors pourtant que la commune reconnaissait la nullité du contrat faute de clauses relatives à la résiliation ;
- la circonstance, à la supposer établie, que les parties auraient eu librement consenti à l'absence de publicité et mise en concurrence préalable à la conclusion du contrat, est inopérante dès lors que le choix des modalités appropriées de passation d'un marché public appartenait à la seule personne publique ;
- en tout état de cause, le requérant, s'il avait eu connaissance en temps utile des informations permettant de pressentir que sa mission OPC ferait doublon avec la mission confiée à l'architecte, n'aurait pas présenté sa candidature ;
- par suite de la nullité du contrat en cause, la commune devra lui verser, sur le fondement de sa responsabilité quasi-délictuelle, la somme de 19 731,08 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à la date contractuellement prévue, soit novembre 2009, pour l'ensemble de ses prestations ;
- subsidiairement, au titre de sa responsabilité quasi-contractuelle, elle devra lui verser une somme de 5 711,69 euros TTC au titre de l'enrichissement sans cause, assortie des intérêts moratoires à compter du 14 octobre 2009 ;
- subsidiairement, sur le fondement de la responsabilité contractuelle :
- il n'a commis aucune faute contractuelle en l'absence de clause s'opposant à une résiliation unilatérale sans préavis ;
- la commune ne justifie d'aucun préjudice résultant de cette résiliation alors, d'une part, qu'il a déclaré rester à sa disposition pour la conseiller en tant que de besoin et lui a permis de disposer du planning prévisionnel qu'il avait établi le 14 septembre 2009, et alors d'autre part et surtout, que la commune est à l'origine de la situation l'ayant contraint à rompre les relations contractuelles ;
- en conséquence, la cour annulera la décision rejetant sa réclamation du 6 août 2013, fixera le décompte général définitif à la somme de 7 269,41 euros TTC et condamnera la commune à lui verser le somme de 5 711,69 euros TTC restant due, assortie des intérêts moratoires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2016, la commune de La Rivière-Saint-Sauveur, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête, à titre principal comme étant irrecevable, à titre subsidiaire, comme étant infondée, et demande à la cour de mettre à la charge de M.A... le versement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande formée devant le tribunal administratif était irrecevable car tardive, la réclamation du 6 janvier 2011 ayant cristallisé la demande ;
- le contrat n'est pas entaché de nullité et son application ne peut dès lors être écartée ;
- en tout état de cause, à supposer établie la nullité du contrat, seules peuvent être indemnisées les dépenses utiles pour la collectivité publique, tel n'est pas le cas des réunions organisées au titre de la mission OPC entre fin avril et mi-octobre ;
- la résiliation, manifestement fautive, a entraîné un préjudice pour la commune en termes de surcoût financier et retard de chantier ;
- la somme réclamée de 2 170,75 euros n'a aucun fondement, alors que le contrat prévoyait une facturation mensuelle au prorata de la durée du contrat ; le règlement par la commune de 1 557,72 euros TTC correspond à : (17 800 euros x 3 semaines) / 41 semaines.
Un mémoire, enregistré le 14 mars 2017, a été produit pour la commune de La Rivière-Saint-Sauveur, il n'a pas été communiqué.
Par ordonnance du 28 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 21 mars 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Loirat,
- et les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.
1. Considérant que la commune de la Rivière-Saint-Sauveur (Calvados) a décidé de passer un marché de travaux en vue de la construction d'une école maternelle et a confié à cet effet, une mission d'ordonnancement, pilotage et coordination (OPC) au bureau d'études techniques ASTEIC Ingénierie, représenté par M.A... ; que le contrat attribuant cette mission, conclu le 22 janvier 2009, prévoyait un forfait de rémunération de 17 800 euros HT, assorti d'une TVA à 19,6%, et des modalités de règlement par situations mensuelles au prorata de la durée globale d'exécution des travaux du chantier fixée au planning général, de onze mois ; que par une lettre recommandée avec accusé de réception du 15 octobre 2009, M.A... a signifié au maire de la commune qu'il mettait fin à sa mission OPC en raison d'un grave différend avec l'architecte, tout en assurant rester à sa disposition pour le conseiller et lui laisser le bénéfice du nouveau planning d'exécution des travaux établi le 14 septembre 2009 ; que par une seconde lettre recommandée avec accusé de réception du 15 octobre 2009, M. A...a transmis au maire son décompte final, sous la forme d'une facture n°1617/09 d'un montant " pour solde de tout compte " de 5 711,69 euros, soit un total dû de 7 269,41 euros compte tenu de la somme de 1 557,72 euros reçue en paiement de la facture n°1602/09 du 5 mai 2009 ; que par une lettre du 22 octobre suivant, le maire de la commune de la Rivière-Saint-Sauveur a demandé à M. A...de poursuivre les relations contractuelles ; que par des courriers successifs des 10 mai, 6 septembre et 20 décembre 2010, M. A...a sollicité le paiement de la facture n°1617/09 et que, par lettre du 6 janvier 2011, le maire a refusé expressément de faire droit à cette demande au motif que l'intéressé avait rompu unilatéralement le contrat ; que par une lettre recommandée avec accusé de réception du 31 mai 2013, le conseil de M. A...a formé en son nom une réclamation motivée tendant au règlement des prestations effectuées par le bureau d'études techniques ASTEIC Ingénierie avant la rupture des relations contractuelles ; que M. A...relève appel du jugement du 10 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur la responsabilité quasi-délictuelle et quasi-contractuelle de la commune :
2. Considérant que lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ; qu'ainsi, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige ; que, par exception, il en va autrement lorsque, eu égard d'une part à la gravité de l'illégalité et d'autre part aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat ;
3. Considérant, en premier lieu, que s'il est constant que la conclusion du contrat du 22 janvier 2009 entre le bureau d'études techniques ASTEIC Ingénierie, représenté par M.A..., et la commune de la Rivière-Saint-Sauveur n'a été précédée d'aucune publicité et que le marché a été passé de gré à gré en méconnaissance des dispositions de l'article 28 du code des marchés publics alors en vigueur, cette irrégularité, par elle-même sans incidence sur la licéité de l'objet du contrat, ne révèle en l'espèce aucun vice ayant affecté le consentement des parties au contrat ; qu'ainsi, M. A...ne peut se prévaloir de ce manquement aux règles de passation pour écarter l'exécution du contrat ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que M. A...soutient que l'absence de clauses contractuelles relatives à la résiliation affecterait la validité du contrat conclu avec la commune de la Rivière-Saint-Sauveur ; que toutefois, d'une part, ce silence du contrat ne fait pas obstacle à ce que la personne publique puisse prononcer la résiliation du marché public pour un motif d'intérêt général ou aux torts exclusifs de son titulaire en cas de faute grave commise par celui-ci ; que, d'autre part, un tel pouvoir de résiliation ne peut en revanche, s'il n'a pas été prévu par le contrat, être reconnu au bénéfice du cocontractant ; que le requérant n'établit pas que l'absence de clause de résiliation au profit du profit du BET ASTEIC Ingénierie aurait été, dans les circonstances de l'espèce, de nature à vicier son consentement à conclure le marché en cause, par lequel la commune a confié au BET ASTEIC Ingénierie une mission OPC sur une opération de travaux de construction d'une école maternelle d'une durée prévue de 11 mois ;
5. Considérant, en troisième et dernier lieu, que si M. A...soutient que le consentement du BET ASTEIC Ingénierie a été gravement vicié du fait de son absence d'information sur les chevauchements entre ses missions contractuelles et celles confiées à la société Aurore Architecture, il n'établit aucunement l'existence de tels recoupements, qui ne résultent pas de l'instruction, et ne saurait ainsi se prévaloir de ce que la commune maître d'ouvrage aurait mal évalué ses besoins au titre de la mission OPC en définissant le contenu de celle-ci ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le litige entre M. A...et la commune de La Rivière Saint-Sauveur doit être réglé sur le fondement du contrat ; que M. A..., qui est ainsi lié à la collectivité maître d'ouvrage par un contrat, ne peut exercer à l'encontre de celle-ci, en raison de la créance dont il se prévaut, d'autre action que celle procédant de ce contrat ; que ses conclusions fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle ou la responsabilité quasi-contractuelle de la commune ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;
Sur la responsabilité contractuelle :
7. Considérant, en premier lieu, que le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d'en assurer l'exécution, sauf en cas de force majeure, et ne peut notamment pas se prévaloir des manquements ou défaillances de l'administration ou d'autres intervenants pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles, notamment en prenant l'initiative de résilier unilatéralement le contrat ; que s'il est toutefois loisible aux parties de prévoir dans un contrat qui n'a pas pour objet l'exécution même du service public les conditions auxquelles le cocontractant de la personne publique peut résilier le contrat en cas de méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles, d'une part, le cocontractant ne peut procéder à la résiliation sans avoir mis à même, au préalable, la personne publique de s'opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d'intérêt général, tiré notamment des exigences du service public, d'autre part, lorsqu'un motif d'intérêt général lui est opposé, le cocontractant doit poursuivre l'exécution du contrat et un manquement de sa part à cette obligation est de nature à entraîner la résiliation du contrat à ses torts exclusifs, enfin, en l'espèce, le contrat conclu entre M. A...et la commune de La Rivière Saint-Sauveur ne comportait en tout état de cause aucune clause permettant sa résiliation unilatérale par le cocontractant, lequel ne pouvait ainsi refuser de son propre chef de poursuivre l'exécution des obligations lui incombant en vertu de ce contrat ; que, par suite, en décidant de se soustraire à ses obligations contractuelles au motif d'un grave différend l'opposant au représentant de la société Aurore Architecture sur la délimitation de leurs attributions respectives dans la maîtrise d'oeuvre du chantier, M. A...a commis une faute contractuelle ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que M. A...soutient que la commune de la Rivière-Saint-Sauveur aurait elle-même commis une faute dans la conception du marché, à l'origine de la rupture des relations contractuelles, en confiant des missions pour partie identiques à la société Aurore Architecture, architecte, et au BET ASTEIC Ingénierie, économiste de la construction, à qui elle avait confié une mission OPC ; que la circonstance que, par une lettre du 18 septembre 2009, l'architecte s'est plaint au maire de ce que le coordinateur OPC ne lui avait pas soumis le nouveau planning prévisionnel d'exécution des travaux du 14 septembre 2009, préalablement à sa diffusion lors de la réunion de chantier du 16 septembre suivant, n'est pas de nature à établir à elle seule l'existence d'une mauvaise évaluation de ses besoins par la commune maître d'ouvrage dans la définition des missions respectivement attribuées à l'architecte et au coordinateur OPC ; que M. A...n'est dans ces conditions pas fondé à soutenir que la commune aurait commis une faute venant en atténuation de sa propre faute contractuelle ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée par la commune, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel n'est entaché d'aucune contradiction de motifs, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de la Rivière-Saint-Sauveur, qui n'est pas la partie perdante, les sommes que M. A...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
11. Considérant, en revanche, qu'il y a lieu de mettre à la charge de M. A...la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de la Rivière-Saint-Sauveur et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à la commune de la Rivière-Saint-Sauveur la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et à la commune de La Rivière-Saint-Sauveur.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 avril 2017.
Le rapporteur,
C. LOIRATLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT00758