Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 16NT01655 le 19 mai 2016, M. C...E..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 28 janvier 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Loiret du 24 août 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer un certificat de résidence algérien mention " salarié ", dans les 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans le même délai et sous la même astreinte et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
s'agissant de la décision portant refus de séjour :
- elle est entachée d'une erreur de droit ;
le préfet ne pouvait pas lui opposer la seule application de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et refuser de faire droit à sa demande d'admission exceptionnelle au séjour en vertu des dispositions de l'article L.313-14 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui est applicable ; il dispose d'une carte de résident de longue durée CE obtenue en Italie, valable de façon illimitée ; il n'a pas l'obligation de présenter un visa de long séjour pour obtenir le titre qu'il sollicite ; il justifie d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de pizzaïolo ; aucune adéquation entre son expérience et le salaire qui lui est proposé n'est requise par le code précité ou par l'accord franco-algérien ; le préfet justifie pas avoir pris en compte la spécificité du poste proposé ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ; il ressort de ses bulletins de salaire qu'il perçoit un salaire de 1 445,38 euros, ce qui correspond au SMIC ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il vit en France depuis trois ans avec sa famille et n'a plus de liens affectifs en Algérie ;
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination :
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2016, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 22 mars 2016.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 16NT01656 le 19 mai 2016, Mme A...D...épouseE..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 28 janvier 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Loiret du 24 août 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer un certificat de résidence algérien mention " vie privée et familiale ", dans les 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans le même délai et sous la même astreinte et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
s'agissant de la décision portant refus de séjour :
- elle est entachée d'une erreur de droit ; le préfet ne pouvait pas lui opposer la seule application de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et refuser de faire droit à sa demande d'admission exceptionnelle au séjour en vertu des dispositions de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux algériens ; elle dispose d'une carte de résident de longue durée CE obtenue en Italie, valable de façon illimitée ; elle n'a pas l'obligation de présenter un visa de long séjour pour obtenir le titre qu'elle sollicite ; elle et ses enfants doivent être mis en possession d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; sa fille née le 1er juin 2015 connaît des problèmes médicaux ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; elle vit en France depuis trois ans avec sa famille ;
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination :
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2016, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Mme A...D...épouse E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 22 mars 2016.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bouchardon a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que les requêtes n°s 16NT01655 et 16NT01656 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que M. et MmeE..., ressortissants algériens, ont sollicité le 15 novembre 2013 leur admission au séjour sur le fondement de l'accord franco-algérien et des dispositions de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au titre de salarié pour le premier, et au titre de la vie privée et familiale pour la seconde ; que le préfet du Loiret, par arrêtés du 24 août 2015, a refusé de leur délivrer les titres de séjour sollicités, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de leur renvoi en cas d'exécution forcée ; que les requérants relèvent appel du jugement du 28 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, que les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France, et notamment y exercer une activité professionnelle ; que, par suite, M. et Mme E...ne peuvent utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par ailleurs, si les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance, et s'il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Loiret ait, en l'espèce, méconnu l'étendue de sa compétence, ni se soit abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de M. et Mme E...; que, les intéressés n'ayant fait valoir aucune " considération ou circonstance exceptionnelles ", en ne prenant au bénéfice des intéressés aucune mesure de régularisation, le préfet n'a pas davantage entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 suscité : " (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention "salarié" ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française (...) " ; que s'agissant des bénéficiaires de titre de séjour de longue durée - CE désireux d'exercer une activité salariée dans un autre Etat membre de l'Union européenne, le point 3 de l'article 14 de la directive susvisée n° 2003/109/CE modifiée renvoie à l'application de la législation nationale prévue à cet effet ; que l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, transposant ladite directive, prévoit que : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée - CE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L.311-7 soit exigée (...) ; /
5° Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise, dans les conditions définies, selon le cas, aux 1°, 2° ou 3° de l'article L.313-10. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code précité : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L.341-2 du code du travail. (...) " ; qu'aux termes de cet article, devenu l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente (...) / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. " ; que l'article R. 5221-20 du même code prévoit que : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail (...) 3° le respect par l'employeur, l'utilisateur, l'entreprise d'accueil ou l'employeur, l'utilisateur mentionné à l'article L.1251-1 ou l'entreprise d'accueil de la législation relative au travail et à la protection sociale (...) ; 5° Les conditions d'emploi et de rémunération offertes à l'étranger, qui sont comparables à celles des salariés occupant un emploi de même nature dans l'entreprise ou, à défaut, dans la même branche professionnelle " ;
5. Considérant en l'espèce que le préfet du Loiret a rejeté la demande de titre de séjour salarié de M. E...aux motifs, d'une part que, pour le premier trimestre 2014, la situation de l'emploi dans le secteur d'activité de la restauration rapide était défavorable dans la mesure où elle faisait apparaître 200 demandes d'emploi pour 65 offres dans le département du Loiret, d'autre part que la classification du demandeur n'est pas en adéquation avec son expérience et le salaire proposés, enfin en raison du non-respect de la réglementation par l'entreprise ayant proposé un contrat de travail à M.E... ;
6. Considérant que s'il n'est pas contesté qu'il est titulaire d'une carte de résident longue durée - CE délivrée en Italie, et qu'il justifie d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de pizzaïolo auprès de la SARL Bella en date du 1er septembre 2013, M.E..., en se bornant à produire un document établi le 6 octobre 2015 par lequel cette société allègue avoir effectué plusieurs démarches auprès de Pôle emploi et un courrier du 2 août 2013 de cette agence informant la société de la diffusion du profil d'emploi sur son site, ne peut être regardé comme contredisant sérieusement le premier des motifs précités retenus par le préfet ; qu'eu égard à cette situation défavorable de l'emploi, et en dépit de la circonstance, à la supposer établie, que les ressources de M. E...présenteraient un caractère stable et suffisant, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant rejet de la demande de titre de séjour portant la mention "salarié" a été prise en méconnaissance des dispositions précitées et que le préfet aurait commis une erreur de droit ou une erreur de fait ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du dispositions du I de l'article L. 313-11-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire prévue à l'article L.313-11 est délivrée, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France (...) au conjoint d'un étranger titulaire du statut de résident de longue durée-CE dans un autre Etat membre de l'Union européenne et d'une carte de séjour temporaire délivrée en application de l'article L.313-4-1, s'il justifie avoir résidé légalement avec le résident de longue durée-CE dans l'autre Etat membre, disposer de ressources stables et suffisantes ainsi que d'une assurance maladie " ; qu'au vu de ce qui vient d'être dit, et alors au surplus que, selon ses propres déclarations, la requérante séjournerait irrégulièrement sur le territoire français depuis juin 2012 soit depuis plus de trois mois à compter de la date de sa demande de titre de séjour, Mme E...n'est pas fondée à soutenir que le préfet, en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité, aurait méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
8. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) " ;
9. Considérant que si les requérants font valoir qu'ils sont bien intégrés en France où réside un membre de leur famille, que leurs deux premières filles y sont scolarisées, et que leur troisième fille, née le 1er juin 2015, connaît des problèmes de santé, les intéressés déclarent être entrés sur le territoire seulement en juin 2012, s'agissant de MmeE..., et courant 2013, s'agissant de M.E... ; que, par ailleurs, il n'est pas démontré que leur troisième enfant ne pourrait être pris en charge médicalement dans un autre pays ; qu'enfin, rien ne s'oppose à la reconstitution de la cellule familiale en Algérie ou en Italie, où les enfants nés le 20 septembre 2006 et le 12 février 2010 pourraient poursuivre leur scolarité ; que, dans ces conditions, les décisions contestées portant refus de séjour n'ont pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des requérants et n'ont ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
10. Considérant que, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point précédent, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des requérants ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Loiret du 24 août 2015 ;
Sur le surplus des conclusions :
12. Considérant que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par les requérants ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme E...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...E..., à Mme A...D...épouse E...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Loirat, président
- Mme Rimeu, premier conseiller,
- M. Bouchardon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 avril 2017.
Le rapporteur,
L. BOUCHARDONLe président,
C. LOIRAT
Le greffier,
V. DESBOUILLONS La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 16NT01655 et 16NT01656