Par une requête, enregistrée le 1er mars 2017, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 octobre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 12 mai 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention "salarié", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet du Loiret a commis une erreur de droit en lui opposant des conditions autres que celles prévues par l'article 3 de l'accord franco-marocain et de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il justifiait d'un contrat de travail ; le préfet ne pouvait donc lui opposer une condition liée à l'ancienneté dans l'emploi ou à l'appartenance à la liste des métiers sous tension ;
- compte tenu de son expérience professionnelle riche parallèlement à ses années d'études, et alors que les dispositions de l'article L. 313-14 du CESEDA ne lui sont pas applicables, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- il réside depuis plus de trois ans en France ; il y a acquis des relations et des compétences professionnelles, sa soeur est en France ; il est parfaitement intégré ; l'obligation de quitter le territoire français est dès lors entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2017, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi, du 9 octobre 1987 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Degommier.
1. Considérant que M. A...B..., de nationalité marocaine, est entré régulièrement en France le 9 septembre 2012 sous couvert de son passeport marocain revêtu d'un visa de long séjour en qualité d'étudiant ; qu'après avoir bénéficié d'un titre de séjour pour études, renouvelé jusqu'au 23 septembre 2015, M. B...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour salarié, en présentant un contrat de travail de la société Alpha, en qualité d'employé polyvalent, le 25 février 2016 ; qu'il interjette appel du jugement du 4 octobre 2016, par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 mai 2016 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
2. Considérant, en premier lieu, d'une part, que l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que les dispositions de ce code s'appliquent " sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles (...) " ; qu'aux termes de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) " ; que les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, seul applicable, ont une portée équivalente à celles de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient que : "Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié "." ; qu'aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : (...) 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail, pour accorder ou refuser une autorisation de travail, " (...) le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; 3° le respect par l'employeur, (...) de la législation relative au travail et à la protection sociale ; 4° Le cas échéant, le respect par l'employeur, l'utilisateur, l'entreprise d'accueil ou le salarié des conditions réglementaires d'exercice de l'activité considérée ; 5° Les conditions d'emploi et de rémunération offertes à l'étranger, qui sont comparables à celles des salariés occupant un emploi de même nature dans l'entreprise ou, à défaut, dans la même branche professionnelle ; 6° Le salaire proposé à l'étranger qui, même en cas d'emploi à temps partiel, est au moins équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 ; (...) " ;
3. Considérant que le préfet du Loiret, en application des dispositions précitées, a pu à bon droit opposer à M. B...les circonstances que son expérience professionnelle n'a été acquise qu'à titre accessoire alors qu'il disposait d'un titre de séjour étudiant, et que son emploi d'employé polyvalent ne fait pas partie de la liste des métiers en tension et n'est pas en adéquation avec son cursus universitaire ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Loiret aurait commis une erreur de droit ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
5. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain précité prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B... est célibataire et a vécu jusqu'à l'âge de 22 ans au Maroc, où résident ses parents, et son frère ; qu'il n'a résidé en France que durant trois ans et demie, à la date de l'arrêté contesté, sous couvert de titres de séjour en tant qu'étudiant et n'a exercé d'activité professionnelle qu'à titre accessoire ; qu'ainsi le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que le requérant ne pouvait se prévaloir de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires de nature à justifier son admission au séjour ;
7. Considérant, en dernier lieu, que si M. B...fait valoir qu'il réside depuis plus de trois ans en France, y a acquis des relations et des compétences professionnelles, que sa soeur est en France, et qu'il est parfaitement intégré, ainsi qu'il a été dit au point précédent, il est célibataire et sans charge de famille et ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et où il a vécu jusqu'à l'âge de 22 ans ; que, par suite, compte-tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que le préfet n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent par suite qu'être rejetées, ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A... B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera, en outre, communiquée au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président,
- M. Degommier, président assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 avril 2018.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le président,
A. PEREZLe greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT00757