Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 novembre 2015, Mme C..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 septembre 2015 ;
2°) d'annuler ces décisions du 23 janvier 2012 et du 12 juin 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la compétence du signataire de la décision contestée n'est pas établie ;
- cette décision est insuffisamment motivée en fait et en droit ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que sa résidence est déterminée par logement familial, qui est celui dans lequel réside l'époux qui a la garde des enfants au sens de l'article 215 du code civil, qu'elle justifie d'un emploi stable, que ses trois enfants majeurs sont titulaires de cartes de résident en France et qu'elle a deux petits-enfants de nationalité française qui y résident également ; son mari l'a abandonnée depuis presque vingt ans ;
- la décision en cause méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 décembre 2015, le ministre de l'intérieur conclut à l'irrecevabilité de la requête et subsidiairement, soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Il renvoie pour le surplus à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Millet.
1. Considérant que MmeA... C..., ressortissante mauritanienne, relève appel du jugement du 29 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de police de Paris du 23 janvier 2012 et de la décision du ministre de l'intérieur du 12 juin 2012, déclarant irrecevable sa demande de naturalisation ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du préfet de police de Paris :
2. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 45 du décret du 30 décembre 1993 susvisé que les décisions par lesquelles le ministre statue sur les recours préalables obligatoires se substituent à celles des autorités préfectorales qui lui sont déférées ; que, par suite, la décision du 12 juin 2012, par laquelle le ministre chargé des naturalisations a rejeté la demande de naturalisation présentée par la requérante, s'est substituée à la décision du préfet de police de Paris du 23 janvier 2012 ; que, dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté comme irrecevables les conclusions tendant à l'annulation de cette dernière décision ; que ces mêmes conclusions également présentées en appel doivent être rejetées pour le même motif ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du ministre de l'intérieur :
3. Considérant, en premier lieu, que les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et du défaut de motivation, que la requérante renouvelle en appel sans apporter aucune précision supplémentaire, doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 21-16 du code civil : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation " ; qu'il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France, de manière stable, le centre de ses intérêts ; que, pour apprécier si cette dernière condition est remplie, l'administration peut notamment se fonder, sous le contrôle du juge, sur la durée de la présence du demandeur sur le territoire français, sur sa situation familiale et sur le caractère suffisant et durable des ressources qui lui permettent de demeurer en France ;
5. Considérant que pour déclarer irrecevable la demande d'acquisition de la nationalité française présentée par Mme C..., le ministre chargé des naturalisations a, sur le fondement de l'article 21-16 du code civil, estimé que la postulante ne pouvait être regardée comme ayant fixé en France, de manière stable, le centre de ses intérêts matériels et de ses attaches familiales, dès lors que son conjoint, dont elle n'était pas légalement divorcée, résidait à l'étranger ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté qu'à la date de la décision litigieuse, l'époux de Mme C... résidait aux Etats-Unis et avait obtenu la nationalité américaine ; que l'intéressée n'établit pas, ainsi qu'elle le soutient, avoir été abandonnée par son époux depuis près de vingt ans et avoir engagé en vain une procédure de divorce ; que, dans ces conditions, alors même qu'elle réside en France depuis 1998, est intégrée professionnellement et que ses enfants et petits-enfants ont la nationalité française, la requérante ne peut être regardée comme ayant fixé en France le centre de ses intérêts familiaux ; qu'il suit de là qu'en déclarant irrecevable au regard de l'article 21-16 du code civil la demande de naturalisation de Mme C..., le ministre n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;
7. Considérant, en dernier lieu, que la décision par laquelle le ministre déclare irrecevable une demande de naturalisation n'est pas, par nature, susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie familiale reconnu par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, Mme C... ne peut utilement invoquer la méconnaissance, par les décisions contestées, de ces stipulations ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre à la demande de première instance, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président assesseur,
- Mme Buffet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 décembre 2016.
Le rapporteur,
J-F. MILLET
Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
S. BOYERE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°15NT03594 2
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