Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12 septembre 2017, le 31 janvier 2018 et le 1er mars 2018, MmeF..., MmeD..., Mme C...et M.K..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 4 juillet 2017 ;
2°) d'annuler le permis d'aménager contesté ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Mosles une somme de 5 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés en première instance et en appel.
Ils soutiennent que :
- le dossier de la demande de permis transmis à l'architecte des bâtiments de France n'était pas complet de sorte que l'avis de ce dernier a été vicié ;
- compte tenu du déficit de la ressource en eau potable et de l'atteinte portée au paysage et au patrimoine, le projet d'aménagement porte une atteinte irréversible au projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme de la commune de Mosles et entre en contradiction avec les dispositions du schéma de cohérence territoriale du Bessin ainsi que des prescriptions des services de l'Etat ;
- outre qu'il n'a pas été soumis à la commission départementale d'aménagement foncier, contrairement à ce que prévoit L. 123-17 du code rural et de la pêche maritime, le projet est contraire aux objectifs du remembrement opéré en 1999 en méconnaissance de l' article L. 121-1 du même code.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 novembre 2017, le 7 mars 2018 et le 13 avril 2018, la commune de Mosles, représentée par Me I..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les requérants ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre le permis contesté ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par des mémoires, enregistrés le 29 novembre 2017, le 14 février 2018, le 20 février 2018 et le 17 avril 2018, M.J..., représenté par MeM..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les requérants ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre l'autorisation dont il est titulaire ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du patrimoine ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- et les conclusions de M. Derlange, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MmeF..., MmeD..., Mme C...et M. K...relèvent appel du jugement du 4 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation du permis d'aménager tacite né le 23 juin 2015 du silence conservé par le maire de la commune de Mosles (Calvados) sur la demande, présentée par M. J..., d'un permis d'aménager en vue de la réalisation d'un lotissement de dix lots à usage d'habitation sur une partie de la parcelle cadastrée ZA 57, située au lieu-dit " La Butte " à Mosles.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 621-31 du code du patrimoine, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'un immeuble est adossé à un immeuble classé ou situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, il ne peut faire l'objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d'aucune construction nouvelle d'aucune démolition, d'aucun déboisement, d'aucune transformation ou modification de nature à en affecter l'aspect, sans une autorisation préalable. ". Le premier alinéa du I de l'article L. 621-32 de ce code prévoit, dans sa rédaction applicable : " Le permis de construire, le permis de démolir, le permis d'aménager ou l'absence d'opposition à déclaration préalable tient lieu de l'autorisation prévue au premier alinéa de l'article L. 621-31 si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord. ". Aux termes de l'article R. 423-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision est subordonnée à l'avis de l'architecte des bâtiments de France, le maire lui transmet un dossier dans la semaine qui suit le dépôt. ".
3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le permis d'aménager en litige porte sur un projet de lotissement sur un terrain situé à 250 mètres de l'Eglise Saint-Eustache de Mosles, édifice classé. Le dossier de la demande de permis, déposé par M. J... le 28 novembre 2014, a été transmis le 2 décembre 2014 à l'architecte des bâtiments de France. Ce dernier a délivré son accord le 5 décembre 2014. Il est constant que les pièces complémentaires demandées par le maire le 19 décembre 2014 et adressées par le pétitionnaire au service instructeur le 23 décembre 2014 n'ont pas été communiquées à l'architecte des bâtiments de France en vue de recueillir de nouveau son accord. Toutefois, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le plan de l'état actuel et le plan de composition et de servitudes, transmis le 23 décembre 2014, ne permettaient pas de rendre davantage compte que les plans figurant dans le dossier transmis à l'architecte des bâtiments de France et sur lesquels apparaissent les souches d'arbres, de l'abattage d'arbres réalisé sur le terrain d'assiette du projet, notamment au cours de l'année 2012. Par ailleurs, si les requérants soutiennent que ces pièces complémentaires auraient permis à l'architecte des bâtiments de France de se rendre compte de la contrariété existant entre la notice de présentation, indiquant que le pétitionnaire était " en train de planter une haie d'arbres de hautes tiges sur le surplus de sa propriété au sud " et les plans sur lesquels ces plantations n'apparaissent pas, le plan de composition et de servitudes fait apparaître ces plantations. Le défaut de transmission des pièces complémentaires n'a ainsi pu, dans les circonstances de l'espèce, être de nature à fausser l'appréciation de l'architecte des bâtiments de France quant aux atteintes que le projet était susceptible de porter à la conservation ou à la mise en valeur des abords de l'Eglise de Mosles.
4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, notamment des photographies et de plusieurs attestations concordantes, que M. J...a fait procéder en 2012, antérieurement à la demande de permis d'aménager, à l'abattage d'arbres plantés sur la parcelle cadastrée ZA 57, à proximité de la limite ouest de l'emprise du projet de lotissement. Il n'est pas contesté que ce déboisement n'a pas été précédé d'une saisine de l'architecte des bâtiments de France, contrairement à ce que prévoient les dispositions précitées de l'article L. 621-31 du code du patrimoine. Si les requérants soutiennent que, dans ces conditions, un rétablissement de la haie pourrait être ordonné à M. J... et que ce rétablissement ferait obstacle à la réalisation du lotissement, cette circonstance est néanmoins sans incidence sur la légalité du permis d'aménager en litige.
5. En deuxième lieu, d'une part, il résulte des dispositions combinées des articles L. 122-1-15 et R. 122-5, alors en vigueur, du code de l'urbanisme que les lotissements portant sur une surface de plancher de plus de 5 000 mètres carrés doivent être compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale. Toutefois, le permis d'aménager contesté, qui porte sur un lotissement dont la surface de plancher maximale envisagée s'élève à 2 500 mètres carrés, n'entre pas dans le champ d'application de ces dispositions. D'autre part, si en vertu de l'article L. 123-5, alors en vigueur, du code de l'urbanisme, la création d'un lotissement doit être conforme au règlement du plan local d'urbanisme ainsi qu'à ses documents graphiques et, le cas échéant, compatible avec les orientations d'aménagement et de programmation, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme n'est pas directement opposable aux autorisations d'urbanisme. Enfin, l'avis émis en 2006 par les services de l'Etat sur le projet du plan local d'urbanisme de la commune de Mosles, au cours de sa procédure d'élaboration, ne constitue pas davantage un document auquel devait se conformer le permis d'aménager contesté. Par suite, les moyens tirés de ce que, compte tenu du déficit de la ressource en eau potable et de l'atteinte portée au paysage et au patrimoine, le projet d'aménagement porte une atteinte irréversible aux objectifs du projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme de la commune de Mosles et entre en contradiction avec les dispositions du schéma de cohérence territoriale du Bessin ainsi que les " prescriptions " des services de l'Etat doivent être écartés comme inopérants.
6. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code rural et de la pêche maritime : " L'aménagement foncier rural a pour but d'améliorer les conditions d'exploitation des propriétés rurales agricoles ou forestières, d'assurer la mise en valeur des espaces naturels ruraux et de contribuer à l'aménagement du territoire communal ou intercommunal défini dans les plans locaux d'urbanisme, les cartes communales ou les documents en tenant lieu, dans le respect des objectifs mentionnés aux articles L. 111-1 et L. 111-2. ". L'article L. 111-1 de ce code dispose : " L'aménagement et le développement durable de l'espace rural constituent une priorité essentielle de l'aménagement du territoire. / La mise en valeur et la protection de l'espace agricole et forestier prennent en compte ses fonctions économique, environnementale et sociale. ". L'article L. 111-2 énumère les différents objets assignés à la politique d'aménagement rural. Les dispositions de ces articles ne sauraient toutefois être utilement invoquées à l'encontre du projet d'aménagement contesté, lequel ne s'inscrit pas dans le cadre d'une opération d'aménagement foncier rural et est d'ailleurs situé en zones 1AU et U. Pour la même raison, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 123-17 du même code qui, en vue de conserver les effets d'opérations d'aménagement foncier rural, exigent de soumettre à la commission départementale d'aménagement foncier toute division envisagée de parcelles comprises dans le périmètre où de telles opérations ont eu lieu, pendant les dix années qui suivent leur clôture. Au demeurant, M. J...a acquis le permis d'aménager contesté plus de dix ans après le " remembrement de 1999 " dont les requérants font état.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Mosles et par M.J..., que Mme F...et les autres requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Mosles, laquelle n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la commune de Mosles et par M.J....
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme F...et des autres requérants est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Mosles et celles de M.J..., présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...F..., Mme L...D..., Mme H...C..., M. G...K..., M. A...J...et la commune de Mosles.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pérez, président de chambre,
Mme Brisson, président assesseur,
Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 décembre 2018.
Le rapporteur,
K. BOUGRINE
Le président,
A. PEREZLe greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02811