Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 décembre 2014 et un mémoire complémentaire du 13 avril 2015, MmeC..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 décembre 2014 ;
2°) d'annuler la décision du 5 mai 2014 de l'inspecteur du travail de la 16ème section de l'unité territoriale de la Loire-Atlantique ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que l'inspecteur du travail s'est abstenu de vérifier que l'employeur n'avait déterminé aucun critère permettant de fixer l'ordre des licenciements entre elle-même et une collègue assurant partiellement les mêmes fonctions ;
- en méconnaissance du principe du contradictoire elle n'a pas été mise en mesure de prendre connaissance des recherches de reclassement menées postérieurement à son entretien avec l'inspecteur du travail ;
- aucun élément actualisé relatif aux difficultés économiques de l'association n'a été transmis à l'inspecteur du travail dans le cadre de la deuxième procédure de licenciement ;
- aucun effort de reclassement loyal et sérieux n'a été effectué par son employeur, alors qu'il devait solliciter sur ce point le réseau national et départemental des maisons familiales et rurales ;
- aucun critère permettant de déterminer l'ordre des licenciements entre elle-même et une collègue assurant partiellement les mêmes fonctions n'a été mis en place par l'employeur, l'inspecteur du travail s'étant au demeurant abstenu de vérifier ce point ;
- il existe un lien entre son mandat représentatif et la procédure de licenciement suivie ;
- l'intérêt général s'oppose à son licenciement dès lors que le délégué du personnel titulaire n'est pas en mesure d'assurer son mandat.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2015 et un mémoire complémentaire du 16 juillet 2015, l'association Maison familiale rurale de Saint-Etienne-de-Montluc, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Par ordonnance du 24 décembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 22 janvier 2016 à 12h.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 janvier 2016, la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. François,
- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., substituant Me D...représentant MmeC..., et de MeE..., représentant l'association Maison familiale rurale de Saint-Etienne-de-Montluc.
1. Considérant que Mme C...a été recrutée le 16 mars 1998 par contrat à durée indéterminée en qualité de secrétaire-comptable par l'association Maison familiale rurale de Saint-Etienne-de-Montluc ; que l'intéressée a été élue déléguée du personnel suppléante le 2 décembre 2010 ; que dans le cadre des difficultés financières rencontrées par l'association, le président du conseil d'administration lui a proposé le 2 octobre 2013 une modification de son contrat de travail impliquant une réduction de sa rémunération et du temps de travail; que Mme C...ayant refusé cette modification, une procédure de licenciement pour motif économique a été engagée à son encontre et une demande d'autorisation sollicitée à ce titre auprès de l'inspection du travail par un courrier du 15 novembre 2013 ; que par une première décision du 13 janvier 2014, l'inspecteur du travail de la 16ème section de l'unité territoriale de la Loire-Atlantique a refusé d'autoriser le licenciement au motif que le délai d'un mois imparti à la salariée pour donner une réponse à la proposition de modification de son contrat de travail n'avait pas été respecté ; que Mme C...ayant à nouveau opposé un refus à une seconde proposition de modification de ce contrat, son employeur a sollicité par un courrier du 7 mars 2014 une nouvelle autorisation de licenciement pour motif économique ; que par une décision du 5 mai 2014, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de MmeC... ; que l'intéressée relève appel du jugement du 9 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que si la requérante soutient que le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'inspecteur du travail avait entaché sa décision d'irrégularité en ne se prononçant pas sur l'absence de détermination par l'employeur d'un ordre de licenciement entre elle-même et une collègue assurant partiellement les mêmes fonctions, ce moyen était cependant inopérant dès lors qu'il n'appartient pas à l'autorité administrative de se prononcer sur l'ordre des licenciements établi par l'employeur ; que, par suite, le tribunal n'étant pas tenu de répondre à un moyen inopérant, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de l'inspecteur du travail :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire (...) L'inspecteur du travail prend sa décision dans un délai de quinze jours, réduit à huit jours en cas de mise à pied. Ce délai court à compter de la réception de la demande d'autorisation de licenciement. Il n'est prolongé que si les nécessités de l'enquête le justifient. L'inspecteur avise de la prolongation du délai les destinataires mentionnés à l'article R. 2421-12. " ;
4. Considérant que la requérante fait valoir que le principe du caractère contradictoire de l'enquête menée par l'inspecteur du travail a été méconnu dès lors que ce dernier ne lui a pas communiqué les recherches de reclassement effectuées par son employeur ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur du travail a communiqué à MmeC..., par un courriel du 18 avril 2014, la réponse du 16 avril 2014 de la Maison familiale rurale de Saint-Etienne-de-Montluc au courrier du 7 avril 2014 de ce même inspecteur précisant à l'association ses obligations en matière de recherche de reclassement ainsi que des documents joints à cette réponse où figure notamment une proposition d'offre d'emploi ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. (...) " ;
6. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les délégués du personnel, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit être en rapport, ni avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé, ni avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre du travail, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement de l'intéressé en tenant compte, notamment, de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ;
7. Considérant que l'association Maison familiale rurale de Saint-Etienne-de-Montluc, a pour activité la formation d'électriciens par l'apprentissage et l'initiation d'élèves à la formation professionnelle en alternance ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle est confrontée à une baisse constante du nombre d'élèves inscrits, passé de 199 à la rentrée scolaire 2010-2011 à 159 à la rentrée 2013-2014 et à 118 à la rentrée 2014-2015, entraînant une baisse de la subvention accordée par la région des Pays de la Loire au titre de l'apprentissage ; que, par voie de conséquence, l'association, qui dégageait auparavant des résultats financiers positifs, a présenté des déficits en constante augmentation s'élevant respectivement à 164 411 euros en 2011, 267 693 euros en 2012 et 399 704 euros en 2013, l'amenant, afin de réduire ses charges de fonctionnement, à procéder au licenciement pour motif économique de six salariés et à proposer à neuf autres une diminution de leur temps de travail et de leur rémunération ; que si la requérante soutient que son employeur n'aurait pas transmis à l'inspection du travail d'éléments actualisés sur l'évolution économique de l'association entre le 13 janvier 2014, date du refus initial de licenciement, et le 5 mai 2014, date à laquelle a été prise la décision contestée, cette circonstance, eu égard au faible délai séparant ces deux décisions, n'est pas de nature à remettre en cause la réalité des difficultés économiques constatées depuis plusieurs années ; que, par suite, l'autorité administrative a justement apprécié la réalité du motif économique invoqué par l'association pour solliciter l'autorisation de licenciement de la requérante ;
8. Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de ce que l'inspecteur du travail aurait entaché sa décision d'irrégularité en ne se prononçant pas sur l'absence de détermination par l'employeur d'un ordre de licenciement entre elle-même et une collègue assurant partiellement les mêmes fonctions est inopérant dès lors qu'il n'appartient pas à l'autorité administrative de se prononcer sur l'ordre des licenciements établi par l'employeur, le contrôle de l'administration étant limité sur ce point à l'existence de critères d'ordre des licenciements ; qu'au demeurant, l'inspecteur du travail a constaté en l'espèce l'établissement de tels critères par l'association Maison familiale rurale de Saint-Etienne-de-Montluc ;
9. Considérant en quatrième lieu, que l'article L. 1233-4 du code du travail énonce que : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. " ;
10. Considérant que la Maison familiale rurale de Saint-Etienne-de-Montluc ne comptait en 2013 que 22 " emplois équivalent temps plein " essentiellement occupés par du personnel enseignant ; que comme il a été dit au point 1, elle a d'abord proposé à Mme C...une modification de son contrat de travail, impliquant son maintien sur le poste de secrétaire-comptable mais une diminution de son temps de travail et de sa rémunération ; que l'intéressée ayant refusé cette proposition, l'association a fait porter ses recherches de reclassement sur les possibilités existant dans les autres maisons familiales rurales ; que 35 réponses négatives ont été obtenues et une seule réponse positive à laquelle la requérante n'a pas donné suite ; que dans ces conditions, l'inspecteur du travail a pu sans commettre d'erreur d'appréciation estimer que l'employeur avait satisfait à son obligation de recherche de reclassement ;
11. Considérant, en cinquième lieu, que si la requérante fait valoir qu'elle a été victime d'un harcèlement moral, faisant l'objet depuis 2010 de multiples pressions l'incitant à quitter l'établissement, elle n'établit pas que ces circonstances, à les supposer avérées, auraient un lien avec l'exercice de son mandat représentatif et par suite que son licenciement serait en rapport avec l'exercice de ce mandat ;
12. Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier que le délégué du personnel titulaire qui avait sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail exerçait son mandat représentatif à la date de la décision contestée ; que par ailleurs, deux nouveaux délégués ont été élus le 5 décembre 2014 ; qu'ainsi le licenciement de Mme C...n'était pas de nature à entraîner la disparition dans l'entreprise de toute représentation du personnel ; que dès lors, il n'existait pas d'intérêt général à son maintien au sein de celle-ci ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement à Mme C...de la somme demandée à ce titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à MmeC..., à l'association Maison familiale rurale de Saint-Etienne-de-Montluc et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Délibéré après l'audience du 23 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. François, premier conseiller,
- Mme Buffet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2016.
Le rapporteur,
E. FRANCOISLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision
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N° 14NT03319