Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2019, Mme C..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 juillet 2019 ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) d'enjoindre à la commune de Remouillé de prendre toutes mesures utiles afin de lui garantir un accès à sa parcelle au moyen d'un véhicule ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Remouillé le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- l'article R. 611-7 du code de justice administrative a été méconnu dès lors que le motif d'incompétence sur lequel s'est fondé le tribunal, en le relevant d'office, procède d'un raisonnement différent de celui ayant fait l'objet d'une information, trop imprécise, des parties ;
- en s'abstenant de rouvrir l'instruction afin de verser au contradictoire sa note en délibéré, le tribunal a entaché la procédure d'irrégularité ;
- l'ordre administratif est compétent pour connaître d'une action engagée par une personne à laquelle l'administration a opposé un refus de signer une convention ;
- seul le conseil municipal était compétent pour prendre la décision contestée ;
- cette décision, qui devait être motivée sur le fondement du 7° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et les administrations, ne comporte aucune considération de droit ;
- elle porte atteinte à son droit de propriété ;
- elle méconnaît la liberté de commerce et d'industrie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2020, la commune de Remouillé, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- les observations de Me F..., représentant Mme C... et les observations de Me A..., substituant Me E... et représentant la commune de Remouillé.
Une note en délibéré présentée par Mme C... a été enregistrée le 24 février 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... relève appel du jugement du 9 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 mai 2017 du maire de Remouillé (Loire-Atlantique) rejetant sa demande d'autorisation de passage sur la parcelle communale cadastrée section ZE n° 241.
Sur la régularité du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'incompétence du juge administratif :
2. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est propriétaire de la parcelle cadastrée section ZE n° 106 située sur le territoire de la commune de Remouillé en bordure de la route départementale (RD) 137. Elle y exploite un commerce de petite restauration durant les saisons estivales. Alors que l'accès à cette parcelle depuis la RD 137 est interdit pour des motifs de sécurité, le maire de Remouillé a, en 2015 et en 2016, autorisé Mme C... à créer un passage temporaire sur la parcelle cadastrée section ZE n° 241 appartenant au domaine privé de la commune afin de permettre un accès à la propriété de la requérante. Par un courrier du 27 avril 2017, Mme C... a adressé au maire de Remouillé une demande d'autorisation temporaire de passage sur cette parcelle communale du 1er juin au 30 septembre 2017. Le 23 mai 2017, le maire a opposé un refus.
3. Le refus d'accorder un droit de passage sur le domaine privé d'une personne publique opposé à un voisin n'est pas détachable de la gestion de ce domaine. Par suite, la contestation d'un tel refus, lequel s'inscrit dans un rapport de droit privé, ressortit à la compétence du juge judiciaire.
4. Il suit de là qu'en rejetant la demande de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du maire de Remouillé du 23 mai 2017 comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, le tribunal administratif de Nantes n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.
En ce qui concerne le caractère contradictoire de la procédure :
5. D'une part, aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. / (...) ". Ces dispositions sont destinées à provoquer un débat contradictoire sur le moyen relevé d'office. D'autre part, lorsqu'il entend se fonder d'office sur un moyen qui n'a pas été invoqué par les parties ni communiqué aux parties avant l'audience, le juge administratif est tenu de rayer l'affaire du rôle et de procéder à cette communication. Enfin, lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'un mémoire émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans le mémoire, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si ce mémoire contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.
6. Il ressort du dossier de procédure que le président de la formation de jugement, en première instance, a informé les parties de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office et tiré de ce qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître d'un litige se rattachant à la gestion du domaine privé de la commune. Une telle information permettait aux parties de présenter utilement leurs observations sur le moyen communiqué. Il s'ensuit, d'une part, qu'alors qu'il n'incombait pas au juge de préciser davantage les motifs, de fait ou de droit, susceptibles de conduire la formation de jugement à fonder sa décision sur ce moyen, la circonstance que la lettre d'information adressée aux parties sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative comportait, en outre, une référence jurisprudentielle qui n'a pas fondé la solution du jugement attaqué est sans incidence sur la régularité de la procédure. D'autre part, le tribunal n'était pas tenu de rayer l'affaire du rôle afin de soumettre au débat contradictoire la note en délibéré, visée dans le jugement attaqué, par laquelle Mme C... a entendu présenter des observations au regard du raisonnement exposé par le rapporteur public, dans ses conclusions prononcées au cours de l'audience, relativement à l'incompétence de la juridiction administrative alors même que celui-ci ne reposait pas sur la référence jurisprudentielle mentionnée ci-dessus.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête concernant le fond du litige, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par chacune des parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Remouillé présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et à la commune de Remouillé.
Délibéré après l'audience du 23 février 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pérez, président de chambre,
Mme Douet, président assesseur,
Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mars 2021.
Le rapporteur,
K. D...
Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03826