2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 29 mars 2018 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de délivrer les visas de long séjour sollicités aux jeunes Ulrich Gaby Edande C...et Antoine Junior MekaC..., ou à tout le moins, de réexaminer leur demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
c'est à tort que le tribunal administratif a dénué toute valeur probante au jugement en reconstitution d'acte de naissance rendu le 3 janvier 2018 par le Tribunal de première instance d'Ebolowa dès lors qu'il n'appartient pas aux autorités administratives d'apprécier le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère et que les premiers juges ont mal interprété les dispositions de l'article 23 de l'ordonnance du 29 juin 1981 dont ils ont fait application;
le lien de filiation entre elle et les jeunes Ulrich Gaby Edande C...et Antoine Junior Meka C...est bien établi par les actes d'état civil qu'elle a produits dès lors que leur caractère frauduleux n'est pas établi ;
la possession d'état est, en tout état de cause, établie dès lors qu'elle s'est régulièrement rendue au Cameroun et qu'elle a pu participer financièrement à leur entretien et à leur scolarité dès que sa situation économique s'est améliorée en France ;
la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme C...n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code civil ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F...C..., de nationalité camerounaise, née le 3 juillet 1987, a formé, le 30 janvier 2018, un recours devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contre le refus opposé le 5 décembre 2017 par les autorités consulaires françaises à Yaoundé à la demande de délivrance d'un visa de long séjour formée au profit des enfants Antoine Junior Meka C...et Ulrich Gaby EdandeC..., tous deux nés le 2 novembre 2002 à Mengong (Cameroun), qu'elle présente comme ses fils jumeaux. Le recours de l'intéressée devant la commission a fait l'objet d'une décision de rejet en date du 29 mars 2018. Mme C...relève appel du jugement du 4 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.
2. En premier lieu, l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
3. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
4. D'une part, Mme C...ne conteste pas, dans la présente instance, le caractère apocryphe des actes de naissance concernant les jeunes Antoine Junior et Ulrich Gaby, produits à l'appui des demandes de visa, qui avaient été délivrés par l'officier de l'état civil de Nnemeyong III, les 20 novembre 2002 et 19 décembre 2016. Il est , au surplus, constant qu'a été sollicité, à la suite de la décision des autorités consulaires refusant de délivrer les visas sollicités, un jugement de reconstitution d'actes de naissance, qui a été rendu le 3 janvier 2008 et dont il ressort des énonciations, que concernant ces enfants, deux attestations de non inscription à l'état civil avaient été délivrées par le maire de la commune de Mengong, lieu de naissance des intéressés, ainsi que deux attestations de non existence de souche, ce qui retire, en tout état de cause, à ces actes d'état civil tout caractère probant.
5. D'autre part, aux termes de l'article 24 de l'ordonnance n° 81/02 du 29 juin 1981 portant organisation au Cameroun de l'état civil et diverses dispositions relatives à l'état des personnes physiques : " (1) Le tribunal saisi dans les conditions ci-dessus doit, préalablement à toutes décisions, communiquer la requête au parquet aux fins d'enquête et pour s'assurer / - qu'il n'existe pas pour la même personne un autre d'acte d'état civil de même nature ; / - que les témoins présentés par les requérants sont susceptibles soit d'avoir assisté effectivement à la naissance, au mariage ou au décès qu'ils attestent soit d'en détenir les preuves /- que le jugement supplétif sollicité n'aura pas pour effet un changement frauduleux de nom, prénom, filiation, date de naissance ou de décès, ou de situation matrimoniale (2) l'enquête prévue au paragraphe 1 n'est pas obligatoire pour les demandes concernant les mineurs de moins de 15 ans ". Il résulte de ces dispositions qu'une enquête, préalable au jugement est obligatoire, pour les demandes concernant des personnes âgées de 15 ans ou plus et que cette enquête présente un caractère substantiel pour vérifier notamment le caractère non frauduleux de la demande, en particulier s'agissant du lien de filiation allégué.
6. Il ressort des pièces du dossier, notamment des énonciations du jugement n°01/TPD du 3 janvier 2018 rendu par le tribunal de première instance d'Ebolowa que ce tribunal a été saisi d'une requête de reconstitution des actes de naissance des jeunes Antoine Junior et Ulrich Gaby par M. G...B..., qui s'est présenté comme le parrain de ces deux enfants. Ce jugement a été rendu seulement une semaine après la saisine de ce tribunal sans qu'aucune enquête n'ait été diligentée préalablement alors qu'elle était rendue obligatoire du fait de l'âge des enfants. Compte tenu de l'irrégularité constatée, et eu égard à l'objet sus rappelé d'une telle enquête, ce jugement ne présente pas de caractère probant suffisant. Il en va également ainsi, par voie de conséquence, pour les actes de naissance délivrés le 16 janvier 2018 dès lors qu'ils ont été émis sur son fondement.
7. En deuxième lieu, l'article 311-14 du code civil prévoit que la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ou, si la mère n'est pas connue, par la loi personnelle de l'enfant. L'article 310-3 de ce code dispose que la filiation se prouve par l'acte de naissance de l'enfant, par l'acte de reconnaissance ou par l'acte de notoriété constatant la possession d'état. Les articles 311-1 et 311-2 du même code énoncent que la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir et que la possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque. Il en résulte que la preuve de la filiation entre Mme C...et les jeunes Antoine Junior et Ulrich Gaby au moyen de la possession d'état n'est apportée que si, d'une part, un mode de preuve de la filiation comparable à la possession d'état est admis par la loi personnelle applicable, soit, en principe, la loi de la mère au jour de la naissance des enfants et, d'autre part, cette possession d'état est continue, paisible, publique et non équivoque.
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier ni même n'est allégué que la loi personnelle des enfants au jour de leur naissance, c'est-à-dire la loi de la République du Cameroun, admettait un mode de preuve de la filiation comparable à la possession d'état, telle que définie par l'article 311-1 du code civil. En tout état de cause, et alors même que la requérante aurait déployé " des efforts considérables pour s'intégrer socialement et professionnellement ", les éléments qu'elle produit, à savoir des mandats d'argent adressés depuis juin 2015, les justificatifs de l'ouverture en 2013 de comptes bancaires au profit des enfants, qui présentent au surplus un solde nul, les attestations d'assurance souscrites depuis 2014 et trois photographies des enfants ne sauraient établir une possession d'état continue au sens des dispositions de l'article 311-2 du code civil alors que l'intéressée est présente en France depuis 2005. Cette possession d'état ne saurait, par ailleurs, être établie par les quelques voyages qu'elle a effectués dans son pays d'origine entre 2009 et 2018 et des envois d'argent effectués après l'intervention de la décision contestée.
9. En dernier lieu, en l'absence d'établissement du lien de filiation avec les jeunes Antoine Junior et Ulrich Gaby, la décision contestée n'a pas porté atteinte au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ni à l'intérêt supérieur des enfants. En conséquence, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ne peuvent qu'être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...C...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pérez, président,
Mme Brisson, président-assesseur,
M. A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 juillet 2019.
Le rapporteur,
M. E...
Le président,
A. PEREZ Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT04291