Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2019, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 novembre 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... D... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
la décision litigieuse n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que les faits reprochés à M. C... D... sont établis pour avoir donné lieu à un rappel à la loi et que ces faits ne sont ni exagérément anciens, ni dénués de gravité ;
le moyen de légalité externe développé en première instance par M. C... D... et tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
le code civil ;
- le code de procédure pénale ;
le décret n° 93-1362 du 30 décembre modifié ;
le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
le rapport de M. A...'hirondel,
et les observations de Mme E..., représentant le ministre de l'intérieur.
Considérant ce qui suit :
1. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 6 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. C... D..., sa décision du 13 octobre 2017 ajournant à deux ans la demande de naturalisation de ce dernier.
2. D'une part, aux termes de l'article 21-15 du code civil: " Hors le cas prévu à l'article 21-14-1 l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé: " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande. ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant.
3. D'autre part, aux termes de l'article 41-1° du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au présent litige : " S'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l'action publique, directement ou par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire, d'un délégué ou d'un médiateur du procureur de la République : / 1° Procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des obligations résultant de la loi ; (... ). "
4. Pour ajourner à deux ans la demande d'acquisition de la nationalité française de M. C... D..., le ministre s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé a fait l'objet d'une procédure pour faux ou usage de faux document administratif à Tours le 14 avril 2012.
5. Il ressort des pièces de première instance que M. C... D... conteste la réalité des faits qui lui sont reprochés en faisant valoir qu'ils font suite à un contrôle de routine de la police municipale qui lui a confisqué le permis de conduire congolais qu'il avait présenté après avoir mis en doute son authenticité mais qu'ils n'ont donné lieu à aucune procédure judiciaire. Toutefois, il résulte de la réponse apportée le 14 juin 2017 par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Tours que ces faits ont donné lieu à un rappel à la loi avant classement de la procédure le 19 juin 2012. Dans ces conditions, les faits étant établis, le ministre, eu égard au large pouvoir d'appréciation dont il dispose, pouvait, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation, compte tenu du comportement de l'intéressé, ajourner à deux ans la demande de naturalisation dont il avait été saisi. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision contestée du ministre au motif qu'elle était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. C... D... devant le tribunal administratif de Nantes.
7. Aux termes de l'article 49 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française prise en application du présent décret est motivée conformément à l'article 27 de la loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité ".
8. La décision du ministre du 13 octobre 2017 comporte l'énoncé des considérations de droit, en l'occurrence les dispositions des articles 45 et 48 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993, et de fait, tels que rappelés au point 4, qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 13 octobre 2017 ajournant à deux ans la demande de naturalisation de M. C... D....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 novembre 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... D... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. G... C... D....
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Couvert-Castéra, président de la cour,
- Mme B..., présidente assesseur,
- M. A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 octobre 2020.
Le rapporteur,
M. F...Le président,
O. COUVERT-CASTÉRA
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04956