Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 9 mars 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 31 décembre 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Caen par M. D....
Elle soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en se fondant seulement sur l'absence de ruine de l'ouvrage pour admettre l'existence du droit fondé en titre, sans apprécier la renonciation de son titulaire à l'exercer ;
- les premiers juges ont commis une double erreur d'appréciation, en estimant, d'une part, que la possibilité d'utiliser la force motrice de l'ouvrage subsistait pour l'essentiel et d'autre part, que le remblaiement d'une partie du canal d'amenée par les anciens propriétaires n'était pas de nature à caractériser la perte du droit d'usage de l'eau.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 mai 2016 et le 15 juin 2016, M. B...D..., représenté par MeC..., conclut au rejet du recours et à ce que la somme de 2000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Degommier,
- et les conclusions de M. Derlange, rapporteur public.
1. Considérant que la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer relève appel du jugement du 31 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 16 avril 2014 par lequel le préfet du Calvados a refusé de reconnaître l'existence d'un droit fondé en titre sur les ouvrages du Moulin Neuf et du Moulin de Lantaigne, situés sur la rivière la Virenne (Calvados) ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'énergie : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 511-4, nul ne peut disposer de l'énergie des marées, des lacs et des cours d'eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l'Etat. " ; que, toutefois, l'article L. 511-4 de ce code prévoit : " Ne sont pas soumises aux dispositions du présent livre : 1° Les usines ayant une existence légale. (...) " ; qu'en vertu de l'article L. 214-6 du code de l'environnement, les installations et ouvrages fondés en titre sont réputés déclarés ou autorisés ;
3. Considérant que la force motrice produite par l'écoulement d'eaux courantes ne peut faire l'objet que d'un droit d'usage et en aucun cas d'un droit de propriété ; qu'il en résulte qu'un droit fondé en titre se perd lorsque la force motrice du cours d'eau n'est plus susceptible d'être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d'affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d'eau ; qu'en revanche, ni la circonstance que ces ouvrages n'aient pas été utilisés en tant que tels au cours d'une longue période de temps, ni le délabrement du bâtiment auquel le droit d'eau fondé en titre est attaché, ne sont de nature, à eux seuls, à remettre en cause la pérennité de ce droit ;
4. Considérant que pour refuser de reconnaître l'existence d'un droit fondé en titre attaché aux ouvrages du Moulin Neuf et du Moulin de Lanteigne, le préfet du Calvados a estimé que ce droit avait été perdu par la volonté manifeste et sans équivoque des anciens propriétaires de l'ouvrage d'y renoncer ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le canal d'amenée aux moulins a été remblayé par des matériaux de type moellon sur une partie de sa longueur ; qu'à supposer que ce remblaiement ait été effectué par les anciens propriétaires de l'ouvrage, cet acte, qui ne concerne qu'une petite partie de l'ensemble des installations essentielles à l'exploitation de la force hydraulique de la rivière, ne permet pas à lui seul d'établir que ces derniers auraient entendu, par une manifestation de volonté claire et sans équivoque, renoncer à leur droit d'usage de l'eau attaché à l'ouvrage ; que, de plus, il n'est pas établi que le canal d'amenée, qui participe à l'alimentation en eau des moulins, serait, en dépit de son obstruction partielle actuelle, devenu impropre à un tel usage, de même que les autres éléments des ouvrages essentiels à l'utilisation de la force motrice de l'eau ; que s'il est constant que le canal de prise d'eau a été partiellement remblayé, les autres éléments de l'ouvrage sont restés en l'état ; qu'ainsi, la possibilité d'utiliser la force motrice de l'ouvrage subsiste pour l'essentiel ; qu'il s'ensuit que M. D... doit être regardé comme étant titulaire d'un droit d'eau fondé en titre pour l'exploitation du Moulin Neuf et du Moulin de Lantaigne ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 16 avril 2014 du préfet du Calvados ;
Sur les frais liés au litige :
7. Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à M. D..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et à M.B... D....
Une copie sera transmise au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Degommier, président-assesseur,
- M.A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 avril 2018.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIERLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT00807