Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 mai 2017, MmeE..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 janvier 2017;
2°) d'annuler cet arrêté du 24 octobre 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer son dossier dans le même délai et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée a été signée par une personne qui n'avait pas compétence ; la délégation de signature, qui ne mentionne pas expressément les décisions de refus de séjour assorties d'une obligation à quitter le territoire, est imprécise ;
- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;
- en application de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour aurait dû être consultée dès lors qu'il n'est pas nécessaire de justifier de 10 ans de présence en France ;
- la décision n'a pas été précédée d'un examen sérieux et attentif de sa situation ;
- la décision est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'aucun de ses enfants ne vit au Kosovo et qu'elle omet de souligner que deux de ses fils sont réfugiés politiques en France et que son troisième enfant vit en Allemagne ;
- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée pour rejeter sa demande ;
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation familiale ;
- l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de renvoi sont entachées d'illégalité, dès lors que le refus de séjour est illégal.
Par mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2017, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 27 mars 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Degommier.
1. Considérant que MmeE..., ressortissante kosovare, relève appel du jugement du 19 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2016, par lequel le préfet d'Indre-et-Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté 7 septembre 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet d'Indre-et-Loire a donné délégation de signature à M. Lucbereilh, secrétaire général de la préfecture d'Indre-et-Loire à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de police des étrangers ; que dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des actes doit être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;
4. Considérant que la décision en litige comporte l'indication suffisamment circonstanciée des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ce refus doit, par suite, être écarté ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "(...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans.(...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration est tenue de soumettre pour avis à la commission du titre de séjour la demande d'admission au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ; que MmeE..., dont il est constant qu'elle est entrée en France en 2010, n'allègue, ni n'établit être entrée en France depuis plus de dix ans ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit dès lors être écarté ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet d'Indre-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de la requérante ;
7. Considérant, en cinquième lieu, que si le préfet a indiqué dans l'arrêté contesté que la requérante n'établissait pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays où réside notamment l'un de ses trois fils, alors que deux des fils de l'intéressée résident en France en qualité de réfugiés et que le troisième réside en Allemagne, cette erreur, pour regrettable qu'elle soit, ne suffit pas à regarder l'arrêté litigieux comme étant entaché d'illégalité, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision au regard de sa situation personnelle et familiale ;
8. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
9. Considérant que Mme E...épouse D...est entrée en 2010 sur le territoire français à l'âge de 51 ans ; qu'elle se maintient sur le territoire français, sans insertion professionnelle, en compagnie de son époux, lequel a aussi fait l'objet de décisions de refus de titre de séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français ; que si ses deux fils, nés en 1987 et 1992, ont obtenu le statut de réfugié respectivement en 2008 et en 2014, la requérante, qui n'établit pas entretenir avec son fils cadet des liens familiaux intenses et stables, ne justifie pas de sa présence indispensable auprès de son fils aîné, lequel, bien que malade, n'est pas isolé, dès lors qu'il travaille, est marié et père d'une enfant ; que, dans ces conditions, l'arrêté contesté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle et familiale de la requérante ;
10. Considérant, en dernier lieu, qu'il convient d'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de renvoi, que Mme E...réitère en appel sans apporter de précisions nouvelles ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme E...ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à MmeB... E... épouse D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Degommier, président-assesseur,
- M.A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 avril 2018.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIERLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°17NT014212