Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 décembre 2020, M. A... B..., représenté par Me Le Brun, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 juillet 2020 ;
2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur ;
3°) de demander au tribunal de transmettre à la cour le dossier de première instance et de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Nantes pour qu'il y soit statué, dans le délai d'un mois, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au ministre chargé des naturalisations de lui accorder la nationalité française dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à tout le moins, de réexaminer sa demande dans ce délai, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande pour irrecevabilité dès lors qu'il a produit la décision attaquée conformément à l'article R. 412-1 du code de justice administrative ;
- le tribunal a statué ultra petita en fondant son jugement sur un moyen d'irrecevabilité fondé sur la méconnaissance de l'article R. 421-2 du code de justice administrative qui n'avait pas été opposé par le ministre de l'intérieur ;
- il a communiqué au tribunal la date du dépôt de sa réclamation conformément à la demande de régularisation qui lui a été faite ;
- le tribunal a ignoré sa note en délibéré ;
- son dossier de demande de naturalisation auprès de la préfecture du Nord était complet.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Douet a été entendu au cours de l'audience publique.
1. M. A... B..., ressortissant syrien né le 8 janvier 1976 a déposé le 20 mars 2016 une demande de naturalisation auprès du préfet du Nord. Par un courrier du 4 juillet 2016 le directeur de l'immigration et de l'intégration de la préfecture du Nord a informé M. A... B... du caractère incomplet de son dossier de demande et lui a demandé de le compléter en envoyant des timbres fiscaux, un contrat de location, des quittances de loyer et la copie d'une carte de résident. M. A... B... soutient avoir contesté cette décision du préfet du Nord auprès du ministre de l'intérieur qui n'a pas répondu à son recours. M. A... B... relève appel du jugement du 16 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique contre la décision du préfet du Nord et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices matériels et moraux qu'il estime avoir subis à raison des fautes commises par l'administration dans la gestion de son dossier.
Sur l'exception d'incompétence soulevée par le ministre de l'intérieur :
2. Aux termes du second alinéa de l'article R. 312-18 du code de justice administrative : " Par dérogation au second alinéa de l'article R. 312-1, le tribunal administratif de Nantes est compétent pour connaître des recours dirigés contre les décisions du ministre chargé des naturalisations prises en application de l'article 45 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ".
3. L'exception d'incompétence du tribunal administratif de Nantes soulevée par le ministre de l'intérieur, dans son mémoire devant le tribunal administratif, doit être écartée par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation. (...) La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle (...) ".
5. Le ministre de l'intérieur a opposé devant le tribunal administratif, d'une part, une fin de non-recevoir tirée de l'inexistence de la décision attaquée et, d'autre part, après avoir cité les dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative rappelées au point précédent, une fin de non-recevoir tirée de l'absence de production par le requérant de la décision attaquée. Le tribunal a accueilli aux points 3 et 4 de son jugement la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative. Par suite, M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal a accueilli une fin de non-recevoir qui n'était pas opposée en défense.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence (...). " et de l'article R. 611-1 du même code, dans sa rédaction applicable : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".
7. M. A... B... estime que le tribunal administratif devait tenir compte, à peine d'irrégularité de son jugement, de la note en délibéré enregistrée le 2 juillet 2020. Cependant, il ressort de l'analyse de cette note que les éléments de fait et de droit qu'elle expose, qui n'étaient pas nouveaux, n'étaient pas susceptibles d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. Ainsi, en se bornant à viser la note en délibéré sans procéder à la réouverture de l'instruction et à la communication de cette pièce, les juges de première instance n'ont pas méconnu les dispositions précitées des articles L. 5 et R. 611-1 du code de justice administrative précité et n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité.
8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A... B... a produit, pour prouver l'existence d'une décision implicite de rejet de son recours formé auprès du ministre de l'intérieur contre la lettre du 4 juillet 2016, copie d'un avis postal où n'est renseignée aucune date de présentation ou de distribution de ce courrier. Dans ces conditions, il ne peut être regardé comme ayant produit une pièce justifiant de la date de dépôt de sa réclamation. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation étaient irrecevables et ne pouvaient qu'être rejetées.
9. En quatrième lieu, M. A... B... n'a pas produit, alors que le tribunal l'avait informé de ce qu'il était susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité de ses conclusions indemnitaires, la preuve qu'il avait formé une demande indemnitaire préalable à l'introduction de sa requête et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une décision liant le contentieux soit intervenue. Ses conclusions à fin d'indemnisation étaient ainsi irrecevables.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de faire droit à la mesure d'instruction sollicitée ni de renvoyer sa requête devant le tribunal administratif, que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... B... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, présidente-assesseure,
- M. L'hirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2022.
La rapporteure,
H. DOUET
Le président,
A. PÉREZ
La greffière,
A. LEMEE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT04048