Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 avril 2018 et le 25 juin 2018, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 mars 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...D...devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
la décision litigieuse n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les faits reprochés à Mme B...D..., ne sont pas anciens et ne sont pas dénués de gravité ;
pour le surplus, il s'en remet à ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2018, Mme I...B...D..., représentée par MeF..., de la SCP Caron Daquo AmouelF..., conclut au rejet de la requête du ministre et à ce que l'Etat lui verse la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que le moyen soulevé par le ministre n'est pas fondé.
Par une décision du 13 août 2018, Mme B...D...a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique modifiée ;
le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 relatif à l'aide juridique modifié ;
le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M.A...'hirondel,
et les observations de Mme E...pour le ministre de l'intérieur.
Considérant ce qui suit :
1. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 21 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme B...D..., sa décision du 8 décembre 2015 ajournant à deux ans la demande de naturalisation de cette dernière.
Sur la légalité de la décision contestée :
2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". L'article 48 du décret du 30 décembre 1993 prévoit : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. (...) ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant.
3. Pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation de Mme B...D..., le ministre chargé des naturalisations s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressée a fait l'objet d'une procédure pour appels malveillants le 11 avril 2008 à Amiens qui ont donné lieu à une composition pénale.
4. Si la matérialité de ces faits n'est pas contestée, il ressort des pièces du dossier qu'ils ont été commis à l'encontre de l'ex-mari de Mme B...D..., M. G...C..., alors que le couple, en situation de divorce, traversait une grave crise conflictuelle en s'adressant mutuellement des appels anonymes. Selon un courrier du procureur de la République du 13 mars 2009, les faits retenus par le ministre à l'encontre de Mme B...D...ont donné lieu à un avis de classement sans suite après que son ex-mari ait été déclaré désintéressé sur demande du parquet alors qu'en revanche, par un jugement du tribunal de grande instance d'Amiens du 28 mai 2008, M. C...a été déclaré coupable d'avoir effectué le 29 avril 2007, et de manière réitérée, à l'encontre de Mme B...D..., des appels téléphoniques malveillants et a été condamné, pour ces faits, à deux mois d'emprisonnement avec sursis et à verser à cette dernière la somme d'un euro à titre de dommages et intérêts. Par suite, le ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation en ajournant la demande de naturalisation de Mme B...D...pour le seul motif tiré de ces faits, pour regrettables qu'ils soient, compte tenu des circonstances très particulières de l'espèce, de leur relative ancienneté, de leur caractère isolé et de l'absence non contestée de toute nouvelle infraction commise par la postulante.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 8 décembre 2015.
Sur les frais liés au litige :
6. Mme B...D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me F...dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : Le versement de la somme de 1 500 euros à Me F...est mis à la charge de l'Etat dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme I...B...D....
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M.A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 décembre 2018.
Le rapporteur,
M. H...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01424