Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 août 2015 et 24 mai 2016, M. et Mme B...H..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 4 juin 2015 en tant qu'il a rejeté leur demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2013 ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Tourgéville le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur requête a été notifiée au maire le 5 août 2015 conformément aux exigences de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- l'arrêté contesté est contraire aux dispositions des articles L. 2121-29 et L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales dès lors que le conseil municipal n'a pas autorisé le maire à déposer une demande de permis de construire ;
- le dossier de permis de construire ne comprenait pas de notice descriptive du projet en ce qui concerne notamment les matériaux utilisés pour la couverture des toitures en méconnaissance de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ;
- les dispositions du c) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme ont également été méconnues dans la mesure où la demande de permis ne permettait pas d'apprécier l'insertion du projet par rapport aux constructions avoisinantes ;
- le permis de construire est contraire au plan de prévention des risques d'inondation de la Basse vallée de la Touques ;
- le projet méconnaît les dispositions des articles N1 et N2 du règlement de la zone naturelle N du plan local d'urbanisme intercommunal ;
- le projet ne bénéficie pas d'un accès automobile tel que prescrit par l'article N3 du règlement de la zone naturelle N du plan local d'urbanisme intercommunal ;
- les dispositions de l'article N11.1.4 du plan local d'urbanisme intercommunal doivent également être regardées comme ayant été méconnues dans la mesure où aucune indication n'est apportée quant aux matériaux utilisés pour recouvrir les toitures ;
- le projet, qui ne prévoit aucun place de stationnement, est contraire aux dispositions de l'article N12.1 du plan local d'urbanisme intercommunal et de l'article L. 123-1-12 du code de l'urbanisme ;
- les dispositions du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ont été méconnues dès lors que l'essentiel du projet concerne la création d'un office de tourisme et d'un local technique de type garage qui n'exigent pas la proximité immédiate de l'eau.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 janvier et 20 juin 2016, la commune de Tourgéville, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme H... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête n'a pas été notifiée dans les conditions prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- les moyens soulevés par M. et Mme H... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public,
- les observations de MeE..., représentant M. et MmeH...,
- et les observations de MeK..., substituant MeF..., représentant la commune de Tourgéville.
1. Considérant que par un arrêté du 28 octobre 2013, le maire de Tourgéville a délivré à sa commune un permis de construire pour un office de tourisme, des cabines de plage, des sanitaires et un local technique en front de mer sur un terrain communal constitué de deux parcelles cadastrées AA n° 284 et 286 situées entre la promenade Louis Delamare, la rue Chauvelot et l'avenue de la Terrasse ; que par une lettre du 24 décembre 2013, reçue le 26, plusieurs voisins, parmi lesquels M. et Mme B...H..., propriétaires d'un logement dans la résidence La Musardière située à proximité immédiate du projet, ont sollicité le retrait de cet acte ; que le 28 avril 2014, M. et Mme J...D..., M. et Mme G...C..., M. et Mme A...I...et M. et Mme B...H...ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler cette décision ainsi que le rejet implicite de leur recours gracieux ; que par un jugement du 4 juin 2015, le tribunal administratif de Caen a pris acte du désistement des époux C...et a rejeté le surplus des conclusions de la demande ; que M. et Mme B... H...relèvent appel, dans cette mesure, de ce jugement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2122-21 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier :... 8° De représenter la commune soit en demandant, soit en défendant ;. " ; qu'il résulte de ces dispositions combinées, qu'un maire ne peut déposer une demande de permis de construire au nom de sa commune sans y avoir été expressément et préalablement autorisé par le conseil municipal ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 27 octobre 2012, le conseil municipal de Tourgéville a autorisé le maire de la commune à engager la procédure de passation du marché de maîtrise d'oeuvre pour la construction de nouvelles cabines de plage, d'une annexe de l'office de tourisme ainsi que des toilettes et douches publiques sur les parcelles cadastrées AA n° 284-286 à côté du " local technique existant " et à signer le marché ainsi que toutes pièces ou document s'y rapportant " notamment la demande de permis de construire " ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 2121-29 et L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales manque en fait et ne peut qu'être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. " ;
5. Considérant que la notice annexée à la demande de permis de construire indique que " les murs maçonnés enduits d'une couleur gris claire, seront mis en lumière par les menuiseries en bois et ponctués par le jeu de poteaux entourant la façade d'accès aux cabines de plages et une partie du volume du nouvel office de tourisme ... l'ensemble sera couvert d'une toiture terrasse ... " ; que si la nature des matériaux devant recouvrir le toit n'est pas expressément indiquée, il ne ressort pas des pièces du dossier, que compte tenu des caractéristiques mêmes du toit-terrasse et de la faible importance de la construction projetée destinée à remplacer un bâtiment comprenant déjà une toiture en terrasse, le service instructeur n'aurait pas été en mesure d'apprécier le projet au regard des exigences des dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ; que par ailleurs, si la notice précise seulement que " les parcelles du projet se trouvent à Tourgéville entre la promenade Louis Delamare, la rue Chauvelot et l'avenue de la Terrasse ", la demande de permis de construire établie sur l'imprimé cerfa prévu à cet effet indique que la rubrique " stationnement " est sans objet et qu'il existe des places de stationnement publiques dans les rues avoisinantes ainsi que des places de stationnement pour les personnes handicapées dans la rue Chauvelot, à quelques mètres du projet ; que les plans font apparaître la situation du projet en front de mer le long de la promenade de Deauville et confirment que cette construction n'a pas vocation à entraîner de besoins en stationnement autres que ceux déjà existants ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de ces dispositions doit être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain (...) " ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le dossier de demande de permis de construire, qui comprenait, outre la notice explicative, de nombreux plans et photographies, permettait de situer la construction envisagée dans son environnement ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que l'arrêté accordant le permis de construire litigieux vise le plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) de la Basse Vallée de la Touques approuvé le 25 octobre 2005 en précisant qu'il concerne pour partie le terrain ; que l'extrait du document graphique du plan local d'urbanisme intercommunal produit en première instance par les consorts H...et autres confirme qu'une partie de la parcelle cadastrée AA n°284 est située dans la zone rouge inconstructible du PPRI ; que contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette circonstance ne peut toutefois avoir pour conséquence d'inclure l'ensemble des deux parcelles dans cette zone ; qu'il ressort en outre des plans produits par la commune que l'office de tourisme, qui sera le bâtiment le plus proche de cette zone, est situé en retrait de la limite de propriété et n'est pas inclus dans la zone rouge du PPRI ; que par suite, M. et Mme H...ne sont pas fondés à soutenir que le permis de construire contesté serait contraire au PPRI de la Basse Vallée de la Touques ;
8. Considérant, en cinquième lieu, que l'arrêté délivrant le permis de construire litigieux vise le plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté de communes Coeur Côte Fleurie approuvé le 22 décembre 2012 et notamment le règlement de la zone Nl et précise que le projet concerne des bâtiments destinés à un " service public ou d'intérêt collectif " ; que les pièces du dossier confirment que le terrain d'assiette du projet est situé dans la zone Nl ; que l'article N1 du règlement de la zone N précise que " dans tous les cas, toute construction et/ou installation située à moins de 100 mètres du rivage en dehors des espaces urbanisés au sens de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme " sont interdites ; qu'indépendamment de la limite des 100 mètres, il ressort des plans produits que la zone est largement urbanisée ; que l'article N1 ajoute que toutes les constructions, installations et tous les aménagements sont interdits, à l'exception des constructions, installations et aménagements admis sous conditions à l'article N2 ; que selon cet article et notamment son article 2.2.3., qui concerne plus particulièrement le secteur Nl applicable aux " espaces de loisirs : hippodrome, golf, terrains de sport, karting, etc. ", sont autorisés " les constructions, installations et aménagements, liés à une activité sportive ou de loisir, y compris (ceux) destinés à l'hébergement hôtelier et au commerce, ou destinés à un équipement public ou d'intérêt collectif, à condition : qu'ils soient, dans les communes littorales, situés en continuité d'une zone U, sans rupture d'urbanisation. " ; que les constructions projetées doivent être regardées comme étant destinées à un équipement public ou d'intérêt collectif ; qu'elles sont situées en continuité d'une zone U et notamment des zones UC, UBa, UCc qui l'entourent et qui comprennent des constructions ; que si la zone Nl s'étend sur une partie plus vaste à l'est du projet, laquelle est prolongée par une zone Nlz, les constructions projetées sont plus proches des zones U et ne présentent pas de rupture d'urbanisation avec l'environnement existant ; que, dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le projet méconnaîtrait les dispositions des articles N1 et N2 du règlement de la zone naturelle N du plan local d'urbanisme intercommunal ;
9. Considérant, en sixième lieu, que l'article N3 du règlement mentionné au point 9 concerne les conditions de desserte des terrains par les voies publiques ou privées et d'accès des terrains aux voies ouvertes au public ; qu'il prévoit que pour être constructible un terrain doit comporter un accès automobile et que " Tout accès doit être aménagé de façon à éviter toute difficulté et tout danger pour la circulation générale, et permettre de satisfaire aux exigences de la sécurité, de la défense contre l'incendie, de la protection civile, de protection des piétons et de l'enlèvement des ordures ménagères. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est notamment desservi par la rue Chauvelot, laquelle est interdite à la circulation automobile sauf pour les véhicules de police, les pompiers et véhicules des services techniques et par l'avenue de la Terrasse ; que le projet longe par ailleurs la promenade de front de mer susceptible d'être utilisée en cas de besoin par des véhicules de secours ; que le seul procès-verbal de constat établi le 7 août 2015 par un huissier mandaté par les épouxH..., attestant de l'occupation de toutes les places de stationnement situées à proximité du projet, ne suffit pas à établir que la construction envisagée ne bénéficierait pas d'un accès automobile tel que prescrit par l'article N3 du règlement de la zone naturelle N du plan local d'urbanisme intercommunal ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté ;
10. Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article N 11 du règlement de la zone naturelle N du plan local d'urbanisme intercommunal et plus particulièrement de l'article 11.1.4 " toutes les formes de toiture sont autorisées. ", " la tuile canal est interdite " et les matériaux doivent " être choisis en cohérence avec le parti architectural global " et " garantir la bonne insertion du projet dans son environnement, au regard notamment des constructions voisines et du couvert paysager " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la toiture des bâtiments envisagés serait en tuile canal ; que ce matériau est en effet peu utilisé dans la région et peu adapté aux constructions recouvertes d'un toit-terrasse comme en l'espèce ; qu'en outre, le projet, qui vise à remplacer un bâtiment ancien existant, de couleurs sombres, et déjà revêtu d'un toit-terrasse, présente de bonnes garanties d'insertion dans son environnement ; que dans ces conditions, il n'est pas établi que l'arrêté contesté serait contraire aux dispositions précitées de l'article N 11 du règlement de la zone naturelle N du plan local d'urbanisme intercommunal ;
11. Considérant, en huitième lieu, qu'aux termes de l'article N 12 du règlement de la zone naturelle N du plan local d'urbanisme intercommunal et plus particulièrement de l'article 12.1 pour les constructions et installations nécessaires au service public ou d'intérêt collectif " le nombre de places de stationnement devra être adapté à la nature de l'équipement et à sa situation géographique, et au nombre de personnes qu'il est susceptible d'accueillir en même temps " ; qu'eu égard à ce qui a été dit au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que les dispositions de l'article N 12 du règlement de la zone naturelle N du plan local d'urbanisme intercommunal auraient été méconnues ;
12. Considérant, enfin, qu'aux termes du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage (...) / Cette interdiction ne s'applique pas aux constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit au point 9, le terrain d'assiette du projet se situe dans un secteur déjà fortement urbanisé et en continuité avec le tissu aggloméré existant ; que, dès lors, les dispositions du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme n'ont pas été méconnues ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. et Mme H... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Tourgéville, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. et Mme H... de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. et Mme H... le versement à la commune de Tourgéville de la somme de 1 000 euros au titre des mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme H... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme H... verseront la somme de 1 000 euros à la commune de Tourgéville au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... H...et à la commune de Tourgéville.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 décembre 2016.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°15NT02441