II. Mme B...C...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 27 mars 2018 par lequel le préfet du Loiret l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n°1802262 du 19 septembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté.
Procédures devant la cour :
I. Sous le n°18NT03480, par une requête enregistrée le 14 septembre 2018, MmeC..., représentée par Me Boukir , demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 20 février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Loiret du 15 mars 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de réexaminer sa situation et de lui délivrer, pendant ce temps, une autorisation provisoire de séjour, au besoin sous astreinte de 100 euros par jour de retard à partir d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 février 2019, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.
II. Sous le n°18NT03836, par une requête enregistrée le 20 octobre 2018, le préfet du Loiret, représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 septembre 2018 ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande de première instance de MmeC....
Il soutient qu'aucune erreur manifeste d'appréciation n'a été commise.
Par une lettre enregistrée le 11 février 2019, Mme C...conclut au à ce qu'un non-lieu soit prononcé compte tenu de la délivrance à venir par la préfecture d'un titre de séjour.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Giraud a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., de nationalité malgache, née le 26 juin 1969 à Antemotra-Itaosy (Madagascar), est entrée en France le 14 septembre 2011 munie d'un passeport revêtu d'un visa Schengen valable du 14 septembre 2011 au 4 octobre 2011, délivré par les autorités françaises à Tananarive. Elle a sollicité le 15 décembre 2016 la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " refusé par arrêté du 15 mars 2017. Elle a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande d'annulation de cet arrêté, laquelle a été rejetée. Elle relève appel de ce jugement. Le 26 mars 2018, Mme C...a été entendue par les services de la gendarmerie nationale du Loiret pour vérification du droit au séjour sur réquisition du procureur de la République. Par un arrêté du 27 mars 2018, notifié par voie administrative le même jour, le préfet du Loiret a obligé Mme C...à quitter le territoire dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi. Elle a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler cet arrêté, lequel a fait droit à sa demande. Le préfet du Loiret relève appel de ce jugement. Ces deux requêtes concernent un même litige et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions de la requête n°18NT03480 :
2. D'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée en France en septembre 2011 avec son fils Fetra, alors âgé de 10 ans et y a séjourné de manière continue. Elle travaille comme aide ménagère chez plusieurs particuliers en région Ile-de-France, subvient elle-même à ses besoins et à ceux de son fils mineur et louerait désormais un appartement dans lequel elle habite avec lui. Son fils Fetra a été régulièrement scolarisé en France depuis cette date et était inscrit en seconde STI2D au lycée Duhamel du Monceau à la date de la décision contestée. Les nombreuses attestations de professeurs, versées au débat, précises et circonstanciées, font état d'un élève sérieux, impliqué, intéressé et volontaire. Les seules circonstances que ses notes en français du troisième trimestre soient médiocres et qu'il ait été absent quelques jours ne remettent pas en cause cette appréciation, contrairement à ce que soutient le préfet du Loiret. Les décisions refusant le séjour à sa mère et obligeant de quitter le territoire notifiées à sa mère auraient pour conséquence d'interrompre son cycle de scolarité en France entrepris avec succès depuis six ans, sans qu'il soit certain qu'il pourrait poursuivre une formation identique dans son pays d'origine.
3. D'autre part, si le père de Fetra réside encore à Madagascar, Mme C...et lui ont divorcé et il ne ressort pas des pièces du dossier que Fetra entretiendrait des relations avec lui. Par ailleurs, Mme C...dispose encore de nombreuses attaches familiales en France puisque l'une de ses soeurs et son beau-frère, tous deux titulaires de cartes de résident, ainsi qu'une autre soeur, bénéficiant d'une carte de séjour pluriannuelle et une nièce, qui bénéficie d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, résident sur le territoire. Ainsi, la décision faisant obligation à Mme C... de quitter le territoire porte au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, Mme C... est fondée à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans rejeté sa demande.
Sur les conclusions de la requête n°18NT03836 :
5. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 2 et 3, les conclusions présentées par le préfet du Loiret contre le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 septembre 2018 doivent être rejetées.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Loiret n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 19 septembre 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, compte tenu des motifs retenus, la délivrance d'un titre de séjour vie privée et familiale au profit de Mme C.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un tel titre de séjour à Mme C..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. Mme C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me Boukir, avocat de MmeC..., dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orleans du 20 février 2018 et l'arrêté du 15 mars 2017 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la requête du préfet du Loiret contre le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 septembre 2018 sont rejetées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Loiret de délivrer à Mme C...un titre de séjour vie privée et familiale dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve de l'absence d'un changement dans les circonstances de fait et de droit.
Article 4 : L'Etat versera à Me Boukir la somme globale de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2019, où siégeaient :
- M. Perez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. Giraud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 avril 2019.
Le rapporteur,
T. GIRAUDLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT03480,18NT03836