Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 décembre 2020 et le 30 mars 2021, M. A... B..., représenté par Me Bernard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 novembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 7 septembre 2020 en toutes ses décisions ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;
4°) d'enjoindre au préfet du Calvados de le retirer du fichier des personnes recherchées du système d'information de Schengen ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier pour être entaché d'une omission de statuer sur les moyens qu'il avait soulevés dans son mémoire complémentaire et dans la note en délibéré ;
En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions contestées :
- la compétence du signataire de ces décisions n'est pas établie ;
- elles sont entachées d'un vice de procédure dès lors que l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne sur le droit d'être entendu a été méconnu ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée et n'a pas fait l'objet d'un examen complet de sa situation ;
- elle manque de base légale dès lors qu'elle ne pouvait pas être fondée sur les dispositions du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette disposition n'étant pas encore applicable au jour de présentation de sa demande d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son état de santé ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et porte atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2021, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le moyen tiré de la violation du respect du droit d'être entendu n'est pas fondé et s'en remet, pour le surplus, à ses écritures de première instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2018-1159 du 14 décembre 2018;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. L'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né le 18 août 1993 et de nationalité albanaise, a déclaré être entré sur le territoire français le 23 juillet 2018 et y a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) suivant une décision du 10 mars 2020. Il a déposé une demande d'aide juridictionnelle auprès de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 21 juillet 2020. Par un arrêté du 7 septembre 2020, le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement rendu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen le 30 novembre 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort de la demande de première instance de M. B..., que ce dernier, par un mémoire complémentaire enregistré avant la clôture d'instruction, avait soulevé les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté avait été pris en violation des stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne faute d'avoir été entendu préalablement au prononcé de cet arrêté et que la décision portant obligation de quitter le territoire français était illégale pour manquer de base légale dès lors que s'appliquent à sa situation les dispositions réglementaires en vigueur à la date du dépôt de sa demande d'asile. Le moyen tiré de la violation de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est inopérant dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français manque de base légale n'était pas, en revanche, inopérant. Par suite, le tribunal ne s'étant pas prononcé sur ce dernier moyen, le jugement attaqué est entaché d'une omission de répondre à ce moyen. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir qu'il est, dans cette mesure, irrégulier.
3. Il y a lieu pour la cour de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions.
Sur la légalité de l'arrêté du préfet du Calvados du 7 septembre 2020 :
4. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) / Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger rejoint le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. / II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; / (...) h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. (...) / III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
5. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Aux termes de l'article L 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 ; (...) ".
En ce qui concerne les moyens communs dirigés contre les décisions contenues dans cet arrêté :
6. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. Jean-Philippe Vennin, secrétaire général à la préfecture du Calvados. Par un arrêté n°14-2020-03-09-001 du 9 mars 2020, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, le préfet du Calvados a donné à M. Jean-Philippe Vennin, secrétaire général de la préfecture dudit département, délégation à effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances ainsi que tous actes faisant participer l'Etat à des procédures juridictionnelles et autres documents relevant des attributions de l'Etat dans le département du Calvados, à l'exception des réquisitions de la force armée et des arrêtés de conflit. Les décisions contestées, qui sont relatives à la police des étrangers, ne figurent pas parmi ces exceptions. Dans ces conditions, M. C... tenait de l'arrêté susmentionné du 9 mars 2020 compétence pour signer l'arrêté du 7 septembre 2020 en toutes ses décisions. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté doit être écarté.
7. En second lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ".
8. Si M. B... allègue que l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance de l'article
41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne pour ne pas avoir respecté le droit à être entendu, il résulte cependant de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et ainsi qu'il a été dit au point 2, que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de sa violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il ressort des mentions de l'arrêté contesté que le préfet du Calvados a visé les dispositions applicables à la situation de M. B.... Il a notamment fondé ses décisions sur les dispositions du 6° du I. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier les articles 3 et 8. Il a par ailleurs relevé, pour justifier la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de l'intéressé, que celui-ci, alors qu'il avait sollicité son admission au séjour au titre de l'asile, avait vu sa demande rejetée par l'OFPRA. L'arrêté mentionne, par ailleurs, les circonstances de fait propres à la situation de M. B..., notamment sa situation matrimoniale, l'âge auquel il est entré en France et la possibilité de poursuivre sa vie dans son pays d'origine où il ne déclare pas être dépourvu d'attaches familiales. Le préfet a également pris en compte la circonstance que l'intéressé n'établissait pas, en cas de retour dans son pays d'origine, que sa vie ou sa liberté y seraient menacées ou qu'il serait exposé à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il suit de là, alors que le préfet du Calvados n'avait pas à mentionner de manière exhaustive l'ensemble des éléments de fait se rapportant à la situation de M. B... et que la motivation de la décision ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs, que les moyens tirés de ce que la décision contestée serait insuffisamment motivée et que le préfet n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de l'intéressé doivent être écartés.
10. En deuxième lieu, conformément au III de l'article 71 de la loi n° 2018-778 du
10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, telles qu'elles résultent de l'article 23 de cette loi, entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat, au plus tard le 1er janvier 2019 et s'appliquent aux décisions prises après cette date. L'article 23 du décret n° 2018-1159 du 14 décembre 2018 pris pour l'application de cette loi, a fixé cette date au 1er janvier 2019. Par suite, alors que la légalité d'une décision administrative s'apprécie à la date de son édiction, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée du 7 septembre 2020 manquerait de base légale pour avoir été prise sur le fondement des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de cette décision et issues de la loi du 10 septembre 2018 et non sur le fondement des dispositions applicables à la date de l'enregistrement de sa demande d'asile.
11. En troisième lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le prononcé, par l'autorité administrative, d'une obligation de quitter le territoire français notamment sur le fondement du 6° du I de cet article n'est pas subordonné à l'intervention préalable d'une décision statuant sur le droit au séjour de l'intéressé en France. Ainsi, lorsque l'étranger s'est borné à demander l'asile, sans présenter de demande de titre de séjour distincte sur un autre fondement, il appartient au préfet, après avoir vérifié que l'étranger ne pourrait pas prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour, de tirer les conséquences du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmé le cas échéant par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), sans avoir à statuer explicitement sur le droit au séjour de l'étranger en France.
12. Il résulte de la décision du conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 9 octobre 2015 que l'Albanie figure sur la liste des pays d'origine sûrs et que la demande d'asile présentée par M. B... a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 10 mars 2020, notifiée le 17 juillet 2020. Par suite, l'intéressé entrait dans les prévisions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 7° de l'article L 743-2 dudit code qui ne prévoient un droit au maintien sur le territoire que jusqu'à la décision prise par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Par suite, le préfet du Calvados pouvait, par application des dispositions du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il a fait application prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de l'intéressé sans avoir préalablement retiré l'attestation de demande d'asile qui lui avait été remis. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions des articles L. 743-1 et L 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être qu'écarté.
13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 33 de la convention de Genève : "1. Aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.". Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations présente un caractère inopérant à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire laquelle n'a ni pour objet ni pour effet de fixer le pays de destination.
14. En cinquième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Il résulte de ces dispositions que dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
15. Si M. B... se prévaut de certificats médicaux établis entre le 2 avril 2019 et le 28 février 2020 selon lesquels il est suivi pour une hépatite B et un rhumatisme psoriasique sévère, il n'établit pas avoir porté à la connaissance du préfet du Calvados ces éléments d'information, notamment en ayant vainement tenté de prendre rendez-vous auprès du service des étrangers de la préfecture. Il ne saurait, de même, utilement se prévaloir du certificat médical délivré le 11 septembre 2020 par un médecin généraliste dès lors que ce certificat est postérieur à la décision contestée. En tout état de cause, si le requérant soutient que le traitement qui lui est nécessaire n'est pas disponible en Albanie, aucun des certificats médicaux qu'il produit n'indique qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. En particulier, s'il fait valoir qu'il lui est administré un médicament dont la molécule essentielle est le Ténofovir disproxil, le préfet du Calvados produit une fiche émanant du Medical country of origin information (Medcoi) selon laquelle cette molécule est bien disponible en Albanie. La seule production d'un extrait de la liste des médicaments essentiels établie par les autorités albanaises ne saurait à elle seule justifier que le traitement qu'il prend ne serait pas disponible dans ce pays. Il suit de là que M. B... n'établit pas qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié en Albanie. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige a été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
16. En sixième lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour comporter des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé et au regard du fait que sa demande d'asile était toujours en cours d'examen ne peut être qu'écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
17. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. B... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté par voie de conséquence.
18. En deuxième lieu, et ainsi qu'il a été dit au point 9, le préfet a notamment fondé son arrêté sur le motif tiré de ce que l'intéressé n'établissait pas, en cas de retour dans son pays d'origine, que sa vie ou sa liberté y seraient menacées ou qu'il serait exposé à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.
19. En troisième lieu, si M. B... soutient que la décision contestée a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il ne pourra pas bénéficier des soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine, il y a lieu d'écarter ce moyen pour les mêmes motifs que ceux développés au point 15.
En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
20. En premier lieu, compte tenu de l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. B... ne saurait exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de sa contestation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
21. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Toutefois, si, après examen des critères relatifs à l'existence d'une mesure d'éloignement précédente et à la menace pour l'ordre public, elle ne retient pas ces circonstances au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
22. D'une part, il résulte des énonciations de l'arrêté contesté que, pour fixer à un an la durée de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, le préfet du Calvados a tenu compte de la durée de la présence en France de M. B... eu égard à son arrivée récente et de ses attaches familiales en retenant qu'il était célibataire et sans enfant. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas tenu compte de ce que M. B... ne représentait aucune menace pour l'ordre public et qu'il n'avait fait l'objet précédemment d'aucune mesure d'éloignement, circonstances qu'il n'était pas tenu de préciser dans sa décision ainsi qu'il a été dit au point précédent. La seule circonstance que l'intéressé bénéficie, en France, d'une prise en charge adaptée à son état de santé n'est pas de nature à établir des circonstances humanitaires au sens des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors, et ainsi qu'il a été dit, que le requérant peut bénéficier dans son pays d'origine des soins que nécessite la pathologie dont il est atteint.
23. D'autre part, aux termes de l'article 20 de la convention d'application de l'accord de Schengen : " 1. Les étrangers non soumis à l'obligation de visa peuvent circuler librement sur les territoires des Parties contractantes pendant une durée maximale de trois mois (...), pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a), c), d) et e) (...) ". Aux termes de l'article 96 de cette convention : " 1. Les données relatives aux étrangers qui sont signalés aux fins de non-admission sont intégrées sur la base d'un signalement national résultant de décisions prises, dans le respect des règles de procédure prévues par la législation nationale, par les autorités administratives ou les juridictions compétentes. 2. Les décisions peuvent être fondées sur la menace pour l'ordre public ou la sécurité et la sûreté nationales que peut constituer la présence d'un étranger sur le territoire national (....) 3. Les décisions peuvent être également fondées sur le fait que l'étranger a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, de renvoi ou d'expulsion non rapportée ni suspendue comportant ou assortie d'une interdiction d'entrée, ou, le cas échéant, de séjour, fondée sur le non-respect des réglementations nationales relatives à l'entrée ou au séjour des étrangers ".
24. Si l'article 20 de la convention d'application de l'accord de Schengen garantit la libre circulation des étrangers non soumis à l'obligation de visa sur le territoire des parties contractantes, ce principe n'est pas inconditionnel. En particulier, il ne fait pas obstacle à ce qu'un Etat signataire de cette convention prononce, à l'égard d'un étranger qui n'a pas respecté les obligations auxquelles il est soumis pour pouvoir entrer et séjourner pendant une durée maximale de trois mois au sein de l'espace Schengen, une mesure d'éloignement assortie d'une interdiction de retour et d'un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen. Dans ces conditions, le préfet ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée au principe de libre circulation dans l'espace Schengen dont se prévaut M. B..., alors qu'au surplus, le requérant ne justifie pas, par les pièces versées à l'instance, être titulaire d'un passeport biométrique en cours de validité.
25. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le préfet aurait fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce et qu'il aurait porté atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... doit être écarté.
26. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la demande que M. B... a présentée devant le tribunal administratif, tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être rejetée et, d'autre part, qu'il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
27. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B... D... la somme réclamée par l'intéressé en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen du 30 novembre 2020 est annulé en tant qu'il se prononce sur les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Caen dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. L'hirondel, premier conseiller,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 1er octobre 2021.
Le rapporteur
M. L'hirondel
La présidente
C Brisson
La greffière
A Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT04076