Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 janvier 2021 M. A..., représenté par Me Bernard, demande à la cour :
1°) de prononcer son admission provisoire à l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 9 décembre 2020 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2020 ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou à lui-même en l'absence d'octroi du bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du IV de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ;
- faute pour lui d'avoir été informé de la possibilité de demander au président du tribunal administratif l'assistance d'un interprète et d'un conseil, cet arrêté a été pris en méconnaissance des dispositions du IV de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- cette décision est entachée d'erreur d'appréciation et porte atteinte à son droit au respect à sa vie privée et familiale.
La requête a été communiquée le 18 février 2021 au préfet de la Manche, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Par une décision du 5 mai 2021, le président du bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né le 6 mars 1988 et déclarant être entré sur le territoire français en 2009, a notamment fait l'objet d'une mesure d'éloignement sous l'identité de Radwen Weslati, alias C... A..., par un arrêté du 27 mars 2018 du préfet de la Seine-et-Marne. Alors qu'il était incarcéré à la maison d'arrêt de Cherbourg, le préfet de la Manche, par un arrêté du 13 novembre 2020, a obligé l'intéressé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit un retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. A... relève appel du jugement du 9 décembre 2020 du tribunal administratif de Caen rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Au soutien de ses conclusions présentées devant le tribunal à fin d'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2020, M. A... a invoqué le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du IV de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute d'avoir été informé avant l'introduction de sa requête de la possibilité de demander l'assistance d'un interprète et d'un conseil. Le tribunal administratif n'a pas visé le moyen ainsi présenté et n'y a pas répondu. Son jugement a, dès lors, été rendu dans des conditions irrégulière et doit, par suite, être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée M. A... devant le tribunal administratif de Caen contre l'arrêté contesté du 13 novembre 2020 du préfet de la Manche.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. Les conditions de notification d'une décision administrative sont sans incidence sur sa légalité. Par suite, M. A... ne peut, en tout de cause, utilement se prévaloir de la circonstance qu'il n'aurait pas été informé, dans l'arrêté contesté, de la possibilité de demander au président du tribunal administratif l'assistance d'un interprète et d'un conseil. Au demeurant, l'intéressé, qui ne conteste pas comprendre et parler le français, a pu contester en temps utile l'arrêté du 13 novembre 2020 et bénéficier de l'assistance d'un avocat.
5. Par un arrêté n° 19-107 du 16 septembre 2019, publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 12 de la préfecture, consultable sur internet, le préfet de la Manche a donné délégation à M. Laurent Simplicien, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer à l'effet de signer tous les actes relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exclusion de certains d'entre eux au nombre desquels ne figurent pas les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.
6. M. A... se prévaut d'une présence en France depuis 2009, d'une relation de concubinage depuis 2015 et d'emplois de déménageur et de chauffeur livreur occupés entre 2016 et 2018. Toutefois, l'intéressé, qui ne conteste pas avoir fait l'objet d'une mesure d'éloignement en 2013 en Italie, ne justifie ni de l'ancienneté alléguée de son séjour en France, ni de la durée, de l'intensité et de la stabilité des liens qu'il invoque.
En outre, il ressort des pièces du dossier que le requérant, qui est entré et s'est maintenu irrégulièrement en France, a notamment fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français en 2018, à l'exécution de laquelle il a fait obstruction par un refus d'embarquement ; qu'il est connu des services de police et de gendarmerie pour comportement outrageant lors d'un contrôle pour conduite à grande vitesse et s'est également signalé dans plusieurs affaires de vols et de violences conjugales qui lui ont notamment valu une condamnation le 29 mai 2018 à une peine de huit mois d'emprisonnement pour des faits de vol avec effraction en récidive et une condamnation le 22 mai 2019 à une peine de six mois d'emprisonnement pour menace de mort réitérée et violence suivie d'incapacité dans un cadre conjugal. Par ailleurs, M. A... n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, où il a vécu l'essentiel de son existence et où résident, selon ses déclarations, ses parents et plusieurs membres de sa fratrie. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de séjour en France de M. A..., la décision contestée l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet de la Manche n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
7. Compte tenu de l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. A... ne saurait exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de sa contestation de la décision portant refus de délai de départ volontaire.
8. Aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ".
9. Pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M. A..., le préfet de la Manche s'est notamment fondé sur la circonstance que le comportement de l'intéressé constituait une menace pour l'ordre public. Eu égard à ce qui a été dit au point 6, le préfet de la Manche a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, fonder sa décision sur un tel motif.
10. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en indiquant que M. A... avait fait l'objet d'une mesure d'éloignement et d'une interdiction de retour pour une durée de dix ans prises à son encontre en 2013 par les autorités italiennes, ainsi que d'une obligation de quitter le territoire français prise le 26 mars 2018 par le préfet de la Seine-et-Marne, sans faire état du recours contentieux, au demeurant rejeté, formé contre cette décision, le préfet de la Manche aurait commis une erreur de fait.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
11. Compte tenu de l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. A... ne saurait exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de sa contestation de la décision fixant le pays de destination.
12. L'arrêté contesté vise notamment les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne la nationalité tunisienne de M. A... et relève que ce dernier n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui des risques qu'il invoque en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, la décision fixant le pays de renvoi, qui comporte les considérations de droit et les circonstances de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée.
13. En se bornant à faire état d'accusations portées contre lui par certains membres de sa famille le tenant pour responsable de la mort de son oncle survenue dans un accident de circulation, M. A... ne justifie pas de l'existence d'un risque grave et actuel auquel il serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de renvoi aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article
L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour :
14. Compte tenu de l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. A... ne saurait exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de sa contestation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
15. Aux termes du III de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
16. Eu égard à ce qui a été dit aux points 6 et 9 sur la durée de la présence sur le territoire de M. A..., la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence d'une précédente obligation de quitter le territoire français et la menace à l'ordre public qu'il représente, le préfet de la Manche n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Pour les mêmes motifs, cette décision n'a pas davantage été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs que ceux exposé au point 10, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait entachée d'une erreur de fait ne peut qu'être écartée.
17. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2020 du préfet de la Manche. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2002359 du 9 décembre 2020 du tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Caen et le surplus des conclusions présentées par lui devant la cour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Manche.
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
-M. L'hirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 1er octobre 2021.
La rapporteure
C. Brisson La présidente
I. Perrot
La greffière
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21NT000283