Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 mai et 26 août 2015, et des pièces complémentaires enregistrées le 25 janvier 2016, M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 avril 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté du 28 novembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé en ce qui concerne la disponibilité des soins en Algérie alors que le médecin de santé publique a estimé le contraire, et en ce qui concerne l'examen de sa situation familiale ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision portant refus de délivrance du titre de séjour méconnaît les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; la décision du préfet n'indique pas les éléments sur lesquels il se fonde pour écarter l'avis du médecin de santé publique ; il présente d'autres pathologies que celle mentionnées sur l'arrêté contesté ; le préfet n'établit pas qu'il pourrait effectivement bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine ;
- compte tenu de ses attaches familiales en France où résident plusieurs membres de sa famille, l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
- en ce qui concerne les moyens de légalité externe soulevés à l'encontre de cette décision il se réfère à ceux soulevés à l'encontre de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour.
Par des mémoires en défense enregistré les 25 juin 2015 et 29 janvier 2016, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- il s'en rapporte aux moyens développés en première instance ;
- les pièces complémentaires produites par le requérant, relatives à l'entrée en France de son épouse et de ses deux enfants, le 23 octobre 2015, ne sont pas de nature à remettre en cause la légalité de l'arrêté contesté.
M. A...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance par une décision du 20 juillet 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Specht a été entendu au cours de l'audience publique :
1. Considérant que M. B..., ressortissant algérien né en 1971, a déclaré être entré en France le 22 novembre 2012 ; que sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié a été rejetée par une décision du 27 mai 2013 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par un arrêt du 27 mai 2014 de la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il a ensuite sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien en raison de son état de santé ; qu'après avoir recueilli l'avis du médecin de l'agence régionale de santé le 6 février 2014, le préfet de la Loire-Atlantique a, par un arrêté du 28 novembre 2014, refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque ce délai sera expiré ; que M. B... relève appel du jugement du 21 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " Les dispositions du présent article (...) fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) " ;
3. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé conforme à ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, la disponibilité du traitement approprié dans le pays de renvoi en application des stipulations précitées de l'accord franco-algérien ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
5. Considérant que, par un avis rendu le 6 février 2014, le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a estimé que l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne pouvait avoir accès en Algérie à un traitement approprié ; que le préfet de la Loire-Atlantique, qui n'était pas lié par cet avis, a toutefois refusé de délivrer à M. B... le certificat de résidence qu'il demandait ;
6. Considérant que le préfet a justifié de la possibilité pour M. B... de bénéficier des soins que nécessitaient les pathologies dont il avait fait état par la production de documents relatifs à l'offre de soins en Algérie et notamment des informations récentes publiées par le Fonds des Nations Unies pour la population et par l'agence britannique pour l'immigration ; que si M. B... fait état du port d'une prothèse oculaire posée en France, il ressort des pièces du dossier que les soins de suivi se limitent à une ou deux interventions par an et ne justifient pas, à eux seuls, la délivrance d'un titre de séjour ; que, par ailleurs le certificat médical daté du 22 octobre 2013 produit par M. B..., faisant état d'autres pathologies, est rédigé en termes généraux et ne mentionne pas la nature des traitements nécessaires dont l'intéressé ne pourrait pas effectivement bénéficier dans son pays d'origine ; que, par suite le préfet a pu légalement s'écarter de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé et refuser de délivrer à l'intéressé le certificat de résidence sollicité ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que si, dans le dernier état de ses écritures, M. B... a produit les certificats de scolarité de ses enfants, faisant ainsi valoir la présence en France de ceux-ci et de son épouse, il ressort des pièces du dossier que l'épouse du requérant accompagnée des deux enfants du couple est entrée en France en octobre 2015, postérieurement à l'arrêté contesté, et résidait jusqu'à cette date en Algérie ; que si celle-ci a déposé une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le requérant ne précise pas les risques auxquels elle serait exposée en cas de retour dans son pays d'origine, de nature à faire obstacle à ce que sa famille puisse le rejoindre dans son pays d'origine ; que, par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français contenue dans l'arrêté contesté du 28 novembre 2014 a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
8. Considérant enfin, et pour le surplus, que M. B... se borne à invoquer devant le juge d'appel, sans plus de précisions ou de justifications, les mêmes moyens que ceux développés en première instance ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges et tirés de ce que les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire contenues dans l'arrêté contesté sont suffisamment motivées, de ce que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle, et, enfin, de ce que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas fondé ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 11 février 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Specht, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 mars 2016.
Le rapporteur,
F. SpechtLe président,
I. Perrot
Le greffier,
A. Maugendre
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT01439