Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 décembre 2014, M. et Mme A...D..., représentés par MeC..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 octobre 2014 en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009 restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'administration, qui a procédé à un véritable examen de leur situation fiscale personnelle, ne leur a pas adressé au préalable l'avis prévu à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;
- les relations financières entre Mme D...et la sarl Isolation Atlantique reposent sur une véritable convention de compte courant d'associé de sorte que les sommes imposées ne sont pas de simples avances entrant dans les prévisions du a de l'article 111 du code général des impôts ;
- il y a lieu de procéder à une décharge partielle des impositions litigieuses au titre de l'année 2008 dans la mesure où le montant du loyer du garage de leur habitation principale loué à la sarl Isolation Atlantique devait être réparti en fonction des encaissements pratiqués en 2008 et 2009 ;
- il y a lieu de procéder à une décharge partielle des impositions litigieuses au titre de l'année 2009 en raison de l'acquittement par eux le 23 juin 2009 d'une facture de 5 000 euros pour le compte de la société ;
- le montant de leurs revenus fonciers imposables doit être rectifié en tenant compte des loyers pour un montant de 4 800 euros encaissés dès 2008 et des charges déductibles dont le montant était de 1 100 euros par an ;
- l'administration fiscale ne pouvait leur appliquer la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts, au demeurant sans préciser l'impôt concerné par cette majoration et donc son étendue, dès lors qu'ils sont d'origine tunisienne et ne sont pas très au fait des règles comptables et fiscales françaises et que le comptable de la société Isolation Atlantique n'est pas chargé d'établir leurs impositions personnelles.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.
1. Considérant que M. et Mme D... ont créé le 1er octobre 2007 la Sarl Isolation Atlantique en vue de l'exercice d'une activité d'étanchéité dans le secteur du bâtiment ; que cette société, dont Mme D... est la gérante et M. D...le salarié, et dont ils détiennent chacun 50 % du capital, a fait l'objet au cours de l'année 2011 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2007 au 31 décembre 2009 ; qu'à la suite de cette vérification l'administration fiscale a, par une proposition de rectification notifiée aux épouxD... le 11 avril 2011, procédé à un rehaussement de leurs bases d'imposition au titre de l'impôt sur le revenu en intégrant, d'une part, les soldes débiteurs nets du compte courant d'associé de Mme D... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et, d'autre part, les loyers résultant de la location à la Sarl Isolation Atlantique du garage situé dans leur habitation principale dans la catégorie des revenus fonciers ; que les intéressés ont contesté les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que la majoration de 40 % pour manquement délibéré en résultant, qui ont été mises en recouvrement le 31 octobre 2011 ; que, leur réclamation préalable ayant été rejetée par le directeur départemental des finances publiques de Loire-Atlantique, M. et Mme D... ont saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires ; que, par un jugement du 9 octobre 2014, le tribunal administratif a pris acte du dégrèvement prononcé le 17 décembre 2013 par l'administration fiscale rendant sans objet les conclusions de la demande de M. et Mme D... à hauteur de la somme de 451 euros au titre de 2009 et a rejeté le surplus de leurs conclusions ; que les intéressés relèvent appel de ce jugement ;
Sur la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. / A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 47 du même code : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. " ;
3. Considérant qu'il n'est pas contesté que l'administration fiscale n'a effectué aucun rehaussement des salaires déclarés par M. et MmeD..., qu'elle n'a procédé ni à un examen exhaustif de l'ensemble de leurs comptes bancaires, ni à contrôle de leur situation patrimoniale ou de leur train de vie ; que les redressements litigieux, qui concernent la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et celle des revenus fonciers, procèdent uniquement des informations obtenues et des constatations effectuées dans le cadre de la vérification de comptabilité de la Sarl Isolation Atlantique ; qu'ils font suite pour les requérants à un simple contrôle sur pièces et non comme ils le soutiennent à un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle ; que dans ces conditions, M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière à défaut pour l'administration de leur avoir adressé au préalable l'avis de vérification prévu à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien fondé des impositions :
En ce qui concerne la qualification de revenus distribués des sommes en litige :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes (...) " ; qu'en application de ces dispositions, doivent être regardés comme des revenus distribués, sauf preuve contraire, les montants des soldes débiteurs des comptes courants ouverts dans les écritures d'une société au nom de ses associés, actionnaires ou porteurs de parts ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des grands-livres de la Sarl Isolation Atlantique fournis par les requérants, que le compte 4550 correspondant au compte courant d'associé de Mme D...présentait au 31 décembre 2008 un solde négatif de 52 823,64 euros et au 31 décembre 2009 un solde négatif de 101 174,45 euros ; que si M. et Mme D... soutiennent que ces soldes débiteurs correspondent à des avances consenties en application d'une convention présentant les caractères juridiques d'une convention de compte courant rendant de telles avances non imposables et se prévalent à cet égard des statuts de la Sarl Isolation Atlantique, il est constant que l'article 8 des statuts de cette société prévoit expressément que " les comptes courants ne peuvent jamais être débiteurs " ; que, par suite, les requérants n'apportent pas la preuve, qui leur incombe, que les sommes figurant au débit de ce compte courant d'associé en fin d'exercice ne constituaient pas des revenus distribués dont Mme D... avait eu la disposition ; que, par application du a de l'article 111 du code général des impôts, l'administration était ainsi fondée à imposer les sommes de 52 811 euros et de 49 492 euros tenant compte des reports au 1er janvier dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre de chacune des années 2008 et 2009 ;
6. Considérant, enfin, que si les requérants soutiennent que le comptable a inscrit la somme de 5 000 euros au débit de compte courant en tant que prélèvement car la facture correspondante ne lui avait pas été communiquée à la clôture du bilan, toutefois, en se bornant à produire pour la première fois devant le tribunal administratif une facture émise par la société Ben Othman, spécialisée en couverture étanchéité et bardage, portant le n° 35/2009, datée du 29 mai 2009 et adressée à la Sarl Isolation Atlantique pour un montant total de 5 000 euros, qui n'a pas été présentée à l'administration dans le cadre de la vérification de comptabilité de cette société, ils ne peuvent être regardés comme établissant que l'administration aurait intégré à tort ce montant dans leurs revenus distribués au titre de l'année 2009 ;
En ce qui concerne les revenus fonciers :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année " ; qu'aux termes de l'article 156 du même code : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les sommes à retenir, au titre d'une année déterminée, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu, sont celles qui, au cours de cette année, ont été mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement, soit par voie d'inscription à un compte courant sur lequel l'intéressé a opéré, ou aurait pu, en droit ou en fait, opérer un prélèvement au plus tard le 31 décembre ;
8. Considérant que les époux D...ont donné en location le garage de leur habitation principale situé 14 impasse des battages à Vertou à la Sarl Isolation Atlantique pour un loyer mensuel de 400 euros ; que le compte courant d'associé ouvert au nom de Mme D...dans les comptes de la sarl Isolation Atlantique a fait apparaître au 30 juin 2009 en crédit une somme de 4 800 euros pour le loyer d'un garage ; que, par suite, c'est à juste titre que l'administration a réintégré cette somme, qui n'avait pas été déclarée, dans le revenu imposable du foyer au titre de l'année 2009 dans la catégorie des revenus fonciers ;
9. Considérant, enfin, que si M. et Mme D...se prévalent de charges à déduire de leurs revenus fonciers au titre des années 2008 et 2009, pour un montant annuel de 1 100 euros correspondant à une quote-part de la taxe foncière, des intérêts d'emprunt, des dépenses d'électricité et frais forfaitaires exposés pour leur habitation principale, ils n'apportent aucun justificatif de nature à établir la réalité de ces dépenses et de leur montant ; que dans ces conditions, ils ne peuvent prétendre à la déduction de cette somme des revenus fonciers mentionnés au point 7 ;
Sur la majoration prévue à l'article 1729 du code général des impôts :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
11. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la proposition de rectification qui leur a été adressée le 11 avril 2011 indiquait en annexe le montant des majorations applicable à chaque chef de redressement ; que, par ailleurs, en sa qualité de gérante de la sarl Isolation Atlantique et de bénéficiaire des revenus distribués litigieux, ainsi que de propriétaire du garage qu'elle donnait en location à la société dont elle détenait avec son mari la totalité du capital, Mme D...ne pouvait ignorer l'importance des minorations des revenus déclarés par elle ; que c'est, par suite, à bon droit que, se fondant sur l'importance et le caractère répété des manquements commis sur plusieurs années, l'administration a assorti les droits rappelés au titre des revenus distribués et des revenus fonciers de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté le surplus de leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. et Mme D... de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... D...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 février 2016.
Le rapporteur,
V. GÉLARDLe président,
I. PERROT
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT03078