2°) de rejeter la demande indemnitaire présentée par la société Caname devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de la société Caname la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa responsabilité ne saurait être engagée en raison des travaux d'aménagement du mail François Mitterrand à Rennes, dès lors qu'il n'existe aucun lien de causalité entre ces travaux et la baisse de chiffre d'affaires de la société Caname ;
- les travaux n'ont pas excédé les inconvénients que les riverains sont tenus de supporter, dans la mesure notamment où l'accès au commerce exploité par la société Caname est resté possible, y compris en voiture avec des possibilités de stationnement à proximité ; en outre, les bénéfices tirés par les riverains des travaux d'aménagement du mail François Mitterrand ont compensé les préjudices allégués ;
- selon la jurisprudence administrative, les modifications apportées à la circulation générale ne sont pas de nature à ouvrir droit à une indemnité ;
- à titre subsidiaire, les préjudices allégués, à savoir une diminution du résultat net des exercices 2013 et 2014 et une perte de valeur du fonds de commerce, ne sont pas justifiés.
Par des mémoires enregistrés les 17 avril et 7 décembre 2018 et le 28 janvier 2019 la société Caname, représentée par Me D..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué et à la condamnation de la communauté d'agglomération Rennes Métropole à lui verser la somme totale de 157 178,84 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;
3°) à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;
- elle justifie d'une perte de chiffre d'affaire de 106 178,84 euros et d'une perte de valeur de son fonds de commerce qui peut être estimée à au moins 51 000 euros, directement imputables aux travaux publics litigieux ;
- les moyens soulevés par la communauté d'agglomération Rennes Métropole ne sont pas fondés.
Une mise en demeure a été adressée le 6 juin 2018 à la commune de Rennes qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- les observations de Me A..., représentant la communauté d'agglomération Rennes Métropole, et de Me C..., représentant la société Caname.
Une note en délibéré présentée pour la société Caname a été enregistrée le 24 septembre 2019.
Considérant ce qui suit :
1. La société Caname a exploité entre 2009 et 2015 sous l'enseigne Pizza Hut un commerce de vente de pizzas à livrer et à emporter situé 38 mail François Mitterrand à Rennes. Entre novembre 2012 et décembre 2014, la communauté d'agglomération Rennes Métropole a réalisé des travaux d'aménagement piétonnier d'une partie de cette voie publique. La société Caname a saisi, le 23 avril 2015, le tribunal administratif de Rennes d'une demande d'indemnisation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi en raison de ces travaux. Par un jugement du 20 octobre 2017, le tribunal administratif de Rennes a condamné la communauté d'agglomération Rennes Métropole à lui verser une indemnité de 5 000 euros. La communauté d'agglomération Rennes Métropole relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, la société Caname demande que son indemnité soit portée à 157 178,84 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que soutient la société Caname, le jugement attaqué expose de manière suffisamment motivée les bases de calcul de l'indemnité de 5 000 euros qu'il lui a accordée et les raisons pour lesquelles il a rejeté le surplus de sa demande. Ce jugement n'est donc pas irrégulier.
Sur la responsabilité :
3. Il appartient au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général.
4. Il résulte de l'instruction, et en particulier des pièces comptables produites par la société Caname, que son chiffre d'affaires, après avoir connu une progression importante pendant ses trois premières années d'activité en 2010 (+ 37,5%), 2011 (+ 13,2%) et 2012 (+15 %), a diminué de 8,5% en 2013 et de 11% en 2014, concomitamment aux travaux d'aménagement du mail François Mitterrand, et que l'activité de vente de pizzas à emporter a été particulièrement affectée, avec des baisses de 22% et 28 % en volume et de 12 % et 26 % en chiffre d'affaires. Alors même que cette baisse de chiffre d'affaires est pour partie imputable à l'évolution du marché, ainsi qu'en témoignent les résultats nationaux de l'enseigne Pizza Hut, en recul de 5,3 % en 2013 et de 2,4% en 2014, il résulte de l'instruction qu'elle est également liée aux nuisances occasionnées par les travaux publics litigieux qui, pendant plus de deux ans, quoique de façon variable selon les phases du chantier, ont limité les possibilités d'accès au commerce de la société Caname. En revanche, ainsi qu'il est d'ailleurs admis par les parties, l'activité de livraison de pizzas, qui a également connu une baisse d'activité pendant la période considérée, n'a pas été affectée par ces nuisances.
5. Le chiffre d'affaires de l'activité de vente à emporter est passé, ainsi qu'il ressort des documents comptables versés à l'instruction, de 267 675 euros en 2012 à 171 274 euros en 2014, soit une baisse de 36%. Comme indiqué au point précédent, l'évolution du marché hors travaux publics explique pour partie cette situation, dans une proportion qui ne saurait toutefois être évaluée à plus de 7 points. Il en résulte que la gêne occasionnée par les travaux publics est à l'origine d'une réduction de chiffre d'affaires de 29% entre 2012 et 2014, soit un montant de 77 625 euros. Ce préjudice, grave et spécial, doit être regardé comme anormal au regard des sujétions que les riverains des voies publiques doivent normalement supporter.
6. Comme l'a jugé le tribunal administratif, il résulte de ce qui précède que la responsabilité sans faute de la communauté d'agglomération Rennes Métropole est engagée.
Sur les préjudices :
Quant au préjudice commercial :
7. Contrairement à ce que soutient la société Caname, le manque à gagner subi par une entreprise commerciale du fait de la réalisation de travaux publics ne saurait être calculé en fonction de l'évolution du chiffre d'affaires de cette entreprise, mais doit l'être en fonction de sa marge nette, le montant indemnisable étant égal à la perte de bénéfice net subie du fait des travaux.
8. Le résultat net enregistré par la société Caname en 2012 à hauteur de 22 966 euros, a représenté 4% de son chiffre d'affaires global. Son préjudice commercial rapporté à l'activité de ventes à emporter et corrigé des évolutions du marché peut donc être évalué en première analyse à la somme de 3 105 euros (4% de 77 625 euros). Il est toutefois constant que cette activité est plus lucrative que celle des livraisons, en raison de coûts fixes moins importants et est donc génératrice d'une marge de profit plus importante. Par suite, en évaluant à 5 000 euros le préjudice commercial lié à la seule activité des ventes à emporter, les premiers juges n'ont pas commis d'erreur d'appréciation.
Quant à la perte de valeur du fonds de commerce :
9. La société Caname soutient qu'elle a vendu son fonds de commerce le 2 janvier 2015 à un prix inférieur de 51 000 euros à celui auquel elle aurait pu prétendre en l'absence de réduction de son chiffre d'affaires en 2013 et 2014. Toutefois, la valeur d'un fonds de commerce ne dépend pas seulement de l'évolution de son chiffre d'affaires mais également de nombreux autres facteurs, et notamment de la qualité de son environnement urbain, lequel en l'espèce a été significativement amélioré par les travaux publics litigieux, ainsi que le fait valoir à juste titre la communauté d'agglomération Rennes Métropole. Par suite, faute d'apporter des justifications suffisantes au soutien de ses prétentions, et alors même qu'il résulte de l'instruction qu'elle a été contrainte de vendre son fonds en urgence pour faire face à ses créanciers, la société Caname n'établit pas l'existence d'un préjudice indemnisable.
10. Il résulte de ce qui précède que la communauté d'agglomération Rennes Métropole n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Rennes, et que les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par la société Caname doivent être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Caname verse à la communauté d'agglomération Rennes Métropole la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la communauté Rennes Métropole une somme de 1 500 euros au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la communauté d'agglomération Rennes Métropole est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par la société Caname sont rejetées.
Article 3 : La communauté d'agglomération Rennes Métropole versera à la société Caname la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération Rennes Métropole, à la société Caname et à la commune de Rennes.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Mony, premier conseiller,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 octobre 2019.
Le rapporteur
E. B...Le président
I. Perrot
Le greffier
M. E...
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03825