2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée par M. L... et Mme I... s'agissant des frais de l'expertise immobilière, de la perte de valeur vénale de leur maison et des troubles dans les conditions d'existence ou, à titre subsidiaire, de réduire à 43 683,33 euros la somme mise à sa charge au titre de la perte de valeur vénale de la maison ;
3°) de condamner la société Etablissement Félicien Picault à la garantir de la totalité des sommes mises à sa charge ;
4°) de mettre à la charge de la société Etablissement Félicien Picault la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle ne conteste pas le principe de sa responsabilité sur le fondement des dommages de travaux publics ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif de Rennes, la perte de valeur vénale de la maison de M. L... et Mme I... est sans lien avec les désordres dont elle est responsable ; à titre subsidiaire, sur la base d'un prix de vente justifié de 138 950 euros (et non 270 000 euros comme retenu par les premiers juges) celle-ci ne saurait excéder 43 683,33 euros car il existe deux autres causes de dépréciation du bien ;
- les troubles dans les conditions d'existence ne sont pas établis ;
- les frais de relogement supportés par Mme I... sont sans lien avec les désordres ;
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges pour laisser à sa charge 25% du montant des condamnations prononcées à son encontre, elle a fait procéder aux travaux d'isolation extérieure du mur pignon nord ; la société Etablissement Félicien Picault doit donc être condamnée à la garantir de la totalité des sommes mises à sa charge.
Par des mémoires en défense enregistrés les 15 mai et 10 décembre 2018 et les 5 février, 12 mars, 27 mars et 28 mai 2019 M. L... et Mme I..., représentés par Me J..., concluent :
1°) au rejet de la requête et des conclusions de la société Etablissement Félicien Picaut ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a insuffisamment évalué la perte de valeur vénale de leur maison et leurs troubles dans les conditions d'existence et qu'il ne les a pas indemnisés au titre de leurs frais de relogement ;
3°) à ce que soit mise à la charge de la commune de Locminé et de la société Etablissement Félicien Picaut la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les moyens soulevés par la commune de Locminé ne sont pas fondés ;
- leur bien ayant finalement été vendu au prix de 112 000 euros, la perte de valeur vénale s'élève à 158 000 euros, somme qui doit être intégralement mise à la charge des co-auteurs du dommage ;
- Mme I... a dû se reloger à partir du 20 juin 2014 en raison des désordres affectant sa maison ; il y a donc lieu de lui accorder la somme de 27 202,12 euros au titre des loyers qu'elle a exposés ;
- les travaux d'isolation à sa charge n'avaient pas été réalisés par la commune à la date de réalisation de l'expertise judiciaire ;
- l'indemnisation des troubles dans leurs conditions d'existence doit être portée de 5 000 à 15 000 euros.
Par des mémoires enregistrés le 10 décembre 2018 et les 27 février et 11 avril 2019, la société Etablissement Félicien Picaut, représentée par Me A..., conclut :
1°) au rejet des conclusions de la requête de la commune de Locminé dirigées contre elle et des conclusions de M. L... et Mme I... ;
2°) à la réformation du jugement attaqué et au rejet des conclusions de M. L... et Mme I... en ce qu'elles portent sur la perte de valeur vénale de l'immeuble, sur les honoraires de l'expertise immobilière et sur les troubles dans les conditions d'existence ou, subsidiairement, à la réduction de l'indemnisation au titre de la perte de valeur vénale de l'immeuble ;
3°) à la condamnation de la commune de Locminé à la garantir de 40% des sommes mises à sa charge ;
Elle soutient que :
- elle fait sienne l'argumentation développée par la commune de Locminé s'agissant de l'étendue du préjudice subi par M. L... et Mme I... ;
- la part de responsabilité de la commune de Locminé a été sous-évaluée par les premiers juges ; la commune ne pouvait ignorer qu'un diagnostic préalable était nécessaire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. G...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- les observations de Me B..., représentant la commune de Locminé, et de Me H..., représentant M. L... et Mme I....
Considérant ce qui suit :
1. M. L... et Mme I... ont acheté en 2008 une maison située 13 rue de Châteaubriand à Locminé (Morbihan). Le 25 juillet 2012, la commune de Locminé a fait démolir la maison mitoyenne lui appartenant pour créer un parking. Elle a confié les travaux de démolition à la société Etablissement Félicien Picaut. Des fissures ont été constatées en septembre 2012 dans la maison de M. L... et Mme I.... Le 4 juin 2013, ceux-ci ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Lorient, qui a désigné un expert, lequel a remis son rapport le 16 octobre 2013. Par une ordonnance du 15 mai 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a accordé à M. L... et Mme I... une provision de 11 177 euros. Par un jugement au fond du 23 octobre 2017, ce même tribunal leur a alloué la somme de 151 890,82 euros, dont 140 000 euros au titre de la perte de valeur vénale de leur bien, et a condamné la société Etablissement Félicien Picaut à garantir la commune de Locminé à hauteur de 75% de cette somme. La commune de Locminé relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, M. L... et Mme I... demandent la majoration de leur indemnité. La société Etablissement Félicien Picaut reprend les conclusions de la commune quant au montant de l'indemnité et demande que sa garantie à l'égard de la commune soit ramenée à 60%.
Sur la responsabilité :
2. Même en l'absence de faute, le maître de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, l'entrepreneur chargé des travaux sont responsables vis à vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public.
3. La responsabilité de la commune de Locminé et de la société Etablissement Félicien Picault dans les désordres occasionnés à la maison de M. L... et Mme I..., pour l'essentiel d'importantes fissures sur la façade nord, est établie par l'expertise judiciaire du 16 octobre 2013 et n'est pas contestée. La responsabilité solidaire de la commune de Locminé, maître d'ouvrage, et de la société Etablissement Félicien Picaut, entreprise chargée des travaux, est donc engagée.
Sur les préjudices :
Quant à la perte de valeur vénale de la maison de M. L... et Mme I... :
4. Il résulte de l'instruction, et notamment des mentions claires portées sur ce point dans le rapport de l'expert judiciaire, qu'il pouvait être remédié aux désordres relevés dans l'habitation de M. L... et Mme I... par des travaux qui ont été précisément chiffrés à la somme de 21 020,76 euros. L'expert n'a fait aucune mention d'une perte de valeur vénale, les travaux évalués par lui devant être regardés comme permettant de remettre l'habitation dans son état antérieur. La circonstance que M. L... et Mme I... ont décidé, pour des raisons personnelles et familiales, de mettre en vente leur immeuble et qu'ils ont à cette occasion constaté que le marché ne leur permettrait pas d'en obtenir le prix escompté, pas plus d'ailleurs que la circonstance qu'ils n'auraient pas été en mesure de financer les travaux de rénovation, alors au demeurant que le juge des référés du tribunal administratif de Rennes leur avait accordé dès 2015 une provision de 11 177 euros à valoir sur ces travaux, ne peuvent avoir pour effet de remettre en cause le seul lien de causalité avéré en l'espèce, existant entre les désordres constatés et le montant des travaux à réaliser pour y remédier. Dans ces conditions, et en l'absence de tout dommage permanent résultant des travaux publics litigieux, c'est à tort que le tribunal administratif a accordé à M. L... et Mme I... une indemnité au titre de la perte de valeur vénale de leur immeuble.
Quant aux frais exposés par M. L... et Mme I... :
5. Mme I..., qui s'est relogée en juin 2014 avec ses enfants dans un appartement locatif, demande à être indemnisée des loyers qu'elle a exposés. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les désordres causés à sa maison auraient rendu celle-ci inhabitable. Il est d'ailleurs constant que Mme I... a continué à y vivre pendant près de deux ans. M.L... et Mme I... ne sont donc pas fondés à demander une indemnisation au titre de ce chef de préjudice.
6. L'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Lorient le 16 juillet 2013 et l'expertise immobilière diligentée par M. L... et Mme I... en 2014 ont été utiles à la solution du litige. Il y a donc lieu de confirmer les sommes de 4 195,82 euros et de 2 160 euros accordées à M. L... et Mme I... en première instance à ce titre.
7. Les frais de réparation des sondages effectués par l'expert judiciaire afin de déterminer la cause des désordres, pour un montant de 535 euros, doivent également être remboursés à M. L... et Mme I.... Il y a donc lieu de confirmer le jugement attaqué sur ce point.
8. Comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Rennes, les frais de taxe foncière depuis 2013, les intérêts d'emprunt, les frais d'assurance de prêt immobilier depuis juin 2014, ainsi que les honoraires d'avocat exposés à l'occasion d'un litige distinct opposant M. L... et Mme I... au Crédit Mutuel, qui ne sont au demeurant plus réclamés en appel, ne sont pas en lien direct avec le dommage et doivent donc être écartés.
Quant aux troubles dans les conditions d'existence :
9. Il résulte de l'instruction que M. L... et Mme I... ont subi divers troubles dans leurs conditions d'existence, résultant de leur difficulté à chauffer correctement leur logement en hiver, de leur légitime inquiétude devant une possible aggravation des désordres affectant leur maison et de leur obligation d'engager des démarches et des procédures pour faire valoir leurs droits. Ces troubles peuvent être évalués à la somme de 5 000 euros accordée par le tribunal administratif de Rennes, qu'il y a donc lieu de confirmer.
10. Il résulte de ce qui précède que l'indemnité accordée en première instance à M. L... et Mme I... doit être ramenée à la somme de 11 890,82 euros.
Sur les appels en garantie :
11. D'une part, la société Etablissement Félicien Picaut reconnaît avoir manqué à son obligation de conseil en omettant d'indiquer à la commune de Locminé la nécessité de réaliser, préalablement aux travaux de démolition, un diagnostic structurel qui aurait permis de connaître les modalités de liaison entre la maison de M. L... et Mme I... et la maison à démolir, et d'éviter ainsi le dommage. D'autre part, il est constant que la commune de Locminé ne dispose pas, en raison de sa petite taille, de services techniques suffisants pour être assimilée à un maître d'ouvrage avisé, de sorte qu'elle a pu légitimement se reposer sur l'expertise de la société Etablissement Félicien Picaut pour s'assurer de la bonne exécution des travaux publics litigieux. Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué qui a condamné la société Etablissement Félicien Picaut à garantir la commune de Locminé à hauteur de 75% des condamnations prononcées à son encontre.
12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions de la société Etablissement Félicien Picaut, que la commune de Locminé est fondée à soutenir, dans la mesure rappelée au point 10, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à indemniser M. L... et Mme I..., et que les conclusions d'appel incident de ces derniers, de même que les conclusions d'appel en garantie formulées par la société Etablissement Félicien Picaut, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les demandes présentées par M. L... et Mme I... et par la commune de Locminé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 151 890,82 euros que le tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Locminé et la société Etablissement Félicien Picaut à verser solidairement à M. L... et Mme I..., sous déduction des sommes déjà versées, est ramenée à 11 890,82 euros.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la commune de Locminé ainsi que les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par M. L... et Mme I... et par la société Etablissement Félicien Picaut sont rejetées.
Article 3 : Le jugement n°1500743 du tribunal administratif de Rennes du 23 octobre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Locminé et par M. L... et Mme I... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Locminé, à Mme F... I..., à M. D... L... et à la société Etablissement Félicien Picaut.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Mony, premier conseiller,
- M. G..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 octobre 2019.
Le rapporteur
E. G...Le président
I. Perrot
Le greffier
M. K...
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 17NT03915