Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 1er mars 2017 et 27 juillet 2018
Mme B..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 décembre 2016 ;
2°) d'annuler les décisions contestées du 16 décembre 2014 et du 19 février 2015 ;
3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer le diplôme d'Etat d'infirmier dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Institut de formation en soins infirmiers du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Brest la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer sur les moyens tirés de l'absence de communication du procès-verbal du jury et du vice de procédure et n'est pas suffisamment motivé en ce qui concerne la réponse au moyen tiré du détournement de pouvoir ;
- la décision d'ajournement contestée a méconnu les dispositions des articles 61 et 62 de l'arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d'Etat d'infirmier ;
- elle est entachée d'erreurs de droit, dès lors que le jury d'examen était tenu de lui délivrer son diplôme au vu de sa réussite aux épreuves et stages du sixième semestre de formation et n'était compétent ni pour invalider les crédits européens qu'elle avait acquis précédemment ni pour décider une mesure de redoublement ;
- le jury d'examen s'est irrégulièrement prononcé au vu d'un " rapport complémentaire " du 25 novembre 2014 et ne pouvait, sans commettre une erreur de fait, lui refuser le bénéfice des crédits européens du dernier semestre de formation ;
- la décision d'ajournement contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 2 février 2018 le préfet de la région Bretagne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par des mémoires enregistrés les 26 juin et 6 août 2018 l'Institut de formation en soins infirmiers du CHRU de Brest, représenté par MeF..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée le 14 février 2018 au ministre des solidarités et de la santé qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d'Etat d'infirmier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Berthon,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- les observations de MeA..., représentant MmeB..., et de MeC..., représentant l'Institut de formation en soins infirmiers du CHRU de Brest.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 16 décembre 2014, le jury régional d'attribution du diplôme d'Etat d'infirmier a ajourné MmeB..., élève-infirmière inscrite à l'institut de formation en soins infirmiers du CHRU de Brest depuis la rentrée 2010. Mme B...a formé un recours gracieux contre cette décision, qui a été rejeté le 19 février 2015 par le directeur régional de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale de la région Bretagne. Elle a alors saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de ces deux décisions. Par un jugement du 30 décembre 2016, le tribunal a rejeté sa demande. Mme B...relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Dans un mémoire en réplique enregistré le 22 juillet 2016 au greffe du tribunal administratif de Rennes, Mme B...a soulevé un moyen tiré de l'absence de communication du procès-verbal de la délibération du jury d'examen du 16 décembre 2014 qui l'a ajournée. Le tribunal administratif n'a pas visé ce moyen. Son jugement a donc été rendu dans des conditions irrégulières et doit, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs a sa régularité, être annulé.
3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Rennes
Sur la légalité des décisions contestées :
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que MmeG..., inspectrice sanitaire et sociale, était compétente pour signer les décisions contestées en vertu de la subdélégation de signature du 5 août 2014 qu'elle tenait du directeur régional adjoint de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, lui-même ayant reçu délégation pour assurer l'intérim du directeur régional par un arrêté du préfet de la région Bretagne du 24 juillet 2014.
5. En deuxième lieu, selon l'article 61 de l'arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d'Etat d'infirmier : " Le jury régional se réunit trois fois par an et se prononce au vu de l'ensemble du dossier de l'étudiant et d'une synthèse réalisée par l'équipe pédagogique. Le dossier comporte : 1° La validation de l'ensemble des unités d'enseignement, dont les unités d'intégration ; 2° La validation de l'acquisition de l'ensemble des compétences en situation. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que le jury régional d'attribution du diplôme d'Etat d'infirmier qui a ajourné Mme B...s'est prononcé au vu d'un dossier régulièrement composé, comportant les informations prévues par les dispositions précitées, et d'une synthèse transmise par l'institut de formation en soins infirmiers du CHRU de Brest récapitulant les crédits européens et les notes obtenues par l'intéressée pendant sa formation, y compris les résultats satisfaisants du dernier semestre, également conforme à ces dispositions. A supposer même que l'évaluation du stage du 5ème semestre dont disposait le jury aurait été plus défavorable que celle qui a été remise en main propre à MmeB..., il n'est pas établi en l'espèce que cette circonstance aurait pu avoir une influence sur le jury et la décision d'ajournement qu'il a prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 61 de l'arrêté du 31 juillet 2009 doit donc être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 62 de l'arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d'Etat d'infirmier : " Le jury régional, nommé par arrêté du préfet de région, sur proposition du directeur régional de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, comprend : / 1° Le directeur régional de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale ou son représentant, président ; / 2° Le directeur général de l'agence régionale de santé ou son représentant ; / 3° Le directeur des soins exerçant la fonction de conseiller pédagogique régional ou de conseiller technique régional ; / 4° Deux directeurs d'institut de formation en soins infirmiers ; / 5° Un directeur de soins titulaire d'un diplôme d'Etat d'infirmier ; / 6° Deux enseignants d'instituts de formation en soins infirmiers ; / 7° Deux infirmiers en exercice depuis au moins trois ans et ayant participé à des évaluations en cours de scolarité ; / 8° Un médecin participant à la formation des étudiants ; / 9° Un enseignant-chercheur participant à la formation. / Si le nombre de candidats le justifie, le préfet de région peut augmenter le nombre de membres du jury. ".
8. Le préfet de la région Bretagne a fixé la composition du jury régional d'attribution du diplôme d'Etat d'infirmier pour la session de décembre 2014 par un arrêté du 9 décembre 2014 conforme aux dispositions précitées. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal de la délibération du 16 décembre 2014 produit à l'instance, que le jury qui a ajourné Mme B...était régulièrement composé, en application de cet arrêté du 9 décembre 2014.
9. En quatrième lieu, l'arrêté du 31 juillet 2009 visé ci-dessus dispose que le diplôme d'Etat d'infirmier est délivré aux étudiants ayant capitalisé 180 crédits européens au cours d'une formation de six semestres comportant des " unités d'enseignement " (apprentissages théoriques) et des stages pratiques. Ces crédits sont attribués par une commission d'attribution des crédits créée au sein de chaque institut de formation en soins infirmiers, à l'exception des crédits relatifs aux enseignements du sixième semestre de formation, qui sont attribués par le jury régional d'examen. Les étudiants ayant obtenu les 150 crédits européens correspondant aux cinq premiers semestres de formation sont autorisés à se présenter devant ce jury. Aux termes de l'article 63 de ce même arrêté : " Le président du jury est responsable de la cohérence et du bon déroulement de l'ensemble du processus, de la validation des unités d'enseignement à la délivrance du diplôme. Il est responsable de l'établissement des procès-verbaux. Le jury délibère souverainement à partir de l'ensemble des résultats obtenus par les candidats et la délivrance du diplôme est prononcée après la délibération du jury. Le procès-verbal de délibération est élaboré sous la responsabilité du président du jury et signé par lui ".
10. La décision contestée a été prise au motif que Mme B...n'avait pas été en mesure d'acquérir l'ensemble des compétences pratiques nécessaires à l'exercice de la profession d'infirmier, cette appréciation étant en particulier fondée sur le fait qu'elle avait rencontré des difficultés lors du stage de 5ème semestre effectué dans un service d'urologie, difficultés ayant d'ailleurs donné lieu à une proposition du conseil pédagogique de poursuite de la scolarité avec un complément de formation et à une décision de redoublement de stage.
11. Il ne résulte pas des dispositions de l'arrêté du 31 juillet 2009, résumées et citées au point 9, que le jury régional d'attribution du diplôme d'Etat d'infirmier, dès lors en particulier qu'il délibère souverainement à partir de l'ensemble des résultats obtenus par les candidats pendant toute la durée de leur cursus, serait tenu d'attribuer les crédits européens correspondant aux formations validées lors du sixième semestre de formation. Par ailleurs, l'ajournement de MmeB..., assorti d'une simple recommandation de renouvellement de stage, n'a eu ni pour objet ni pour effet de faire perdre à celle-ci le bénéfice des crédits européens obtenus pendant les cinq premiers semestres de sa formation. Enfin, comme il a été indiqué au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que le jury aurait fondé sa décision d'ajournement sur des documents d'évaluation non énumérés par l'arrêté du 31 juillet 2009. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'erreurs de droit doit être écarté.
12. En cinquième lieu, les difficultés rencontrées par Mme B...dans ses apprentissages pratiques, en particulier lors de son stage initial du 5ème semestre, sont attestées par les pièces du dossier. Le moyen tiré de ce que le jury régional d'attribution du diplôme d'Etat d'infirmier aurait fondé la décision d'ajournement contestée sur des faits erronés doit donc être écarté.
13. En sixième lieu, il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir de contrôler, même au titre de l'erreur manifeste, l'appréciation portée par un jury sur l'aptitude d'un candidat à obtenir la délivrance d'un diplôme.
14. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier et il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que la décision d'ajournement contestée a été prise dans le respect de la réglementation en vigueur et uniquement sur la base de faits avérés liés aux insuffisances de l'intéressée. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.
15. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B...doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte.
Sur les frais de l'instance :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'institut de formation en soins infirmiers du CHRU de Brest verse à Mme B..., partie perdante à l'instance, la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter la demande présentée au même titre par l'institut de formation en soins infirmiers du CHRU de Brest.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1501333 du tribunal administratif de Rennes du 30 décembre 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par l'institut de formation en soins infirmiers du CHRU de Brest au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B...et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie sera adressée au préfet de la Région Bretagne et à l'institut de formation en soins infirmiers du CHRU de Brest.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 décembre 2018.
Le rapporteur,
E. BerthonLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. D...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT00766