Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 octobre 2017 Mme A..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 18 septembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 avril 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 200 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Elle soutient que :
- en l'absence de disponibilité dans son pays d'origine d'un traitement adapté à son état de santé, la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- pour les mêmes motifs, la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- compte tenu des agressions subies par son mari, la décision fixant le pays de destination a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 janvier 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante kosovare, relève appel du jugement du 18 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 avril 2017 du préfet du Calvados lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit: (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.
4. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Par un avis du 17 juin 2015, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié au Kosovo, son pays d'origine.
6. Mme A... souffre, selon les certificats médicaux qu'elle produit, d'un syndrome anxio-dépressif et bénéficie à ce titre d'un traitement antidépresseur prescrit par son médecin traitant et d'entretiens infirmiers de soutien au sein de l'établissement public de santé mentale de Caen. Pour remettre en cause la teneur de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet du Calvados a produit notamment des comptes-rendus établis par l'ambassade de France au Kosovo entre 2009 et 2011 sur la prise en charge des pathologies psychiatriques au Kosovo, complétés par des fiches MedCOI, issues d'une base de données mise en place par les administrations en charge de l'immigration et de l'asile en Europe et regroupant des informations médicales sur différents pays, datées de 2016 et qui attestent de la disponibilité de soins psychiatriques au Kosovo ainsi que des molécules correspondant aux différents médicaments qui sont prescrits à Mme A.... Les documents produits par l'intéressée, comprenant notamment des articles portant sur les troubles post-traumatiques et plusieurs études relatives au système de santé et à l'accès aux soins au Kosovo, dont un rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés de 2017 et une contribution de 2016 des services des affaires intérieures belges au projet MedCOI, ne font état que de considérations générales, insuffisantes pour remettre en cause la teneur des documents précis et suffisamment récents produits par l'autorité administrative, établissant l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine. Si Mme A... produit également deux attestations établies le 10 mai 2017 faisant état, l'une de l'absence de médecin spécialisé en psychiatrie dans sa localité d'origine et l'autre de l'absence de dispositif d'assurance de santé, ces documents ne permettent pas d'établir une impossibilité de prise en charge de l'intéressée au Kosovo. Dans ces conditions, le préfet du Calvados doit être regardé comme établissant qu'un traitement approprié à la pathologie dont souffre la requérante y est disponible. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait, en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 51-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. Pour le surplus, Mme A... se borne à invoquer devant le juge d'appel, sans plus de précisions ou de justifications, les mêmes moyens que ceux développés en première instance. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges et tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que la décision fixant le pays de destination n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de cette même convention.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., néeB..., et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 décembre 2018.
Le rapporteur,
O. Coiffet
Le président,
I. Perrot
Le greffier,
M. E...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17NT031692