Procédure devant la cour :
I- Par une requête et des mémoires enregistrés les 16 février et 22 mai 2018 sous le n°18NT00707, le préfet de l'Indre demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 janvier 2018.
Il soutient que :
- la demande de première instance était tardive et donc irrecevable ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Rennes, l'arrêté contesté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les autres moyens de la demande de première instance ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 9 mars et 9 juillet 2018, M. C..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'assortir l'injonction prononcée par le tribunal administratif d'une astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Par lettre en date du 21 juin 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que par sa décision n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018, le Conseil constitutionnel a jugé inconstitutionnels les mots " et dans les délais " figurant à la première phrase du paragraphe IV de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.
Par des observations enregistrées le 2 juillet 2018 M. C...représenté par Me B...a répondu au courrier l'informant que la solution du litige était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.
Par des observations enregistrées le 4 juillet 2018 le Préfet de l'Indre a répondu au courrier l'informant que la solution du litige était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.
II - Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 février, 22 mai et 4 juillet 2018 sous le n° 18NT00706, le préfet de l'Indre demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1705488 du 15 janvier 2018 du tribunal administratif de Rennes.
Il soulève les mêmes moyens que dans la requête n° 18NT00707.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 mars 2018, M. C..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il soutient que la requête du préfet est irrecevable et qu'elle n'est pas fondée.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 13 août 2018.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Berthon,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes nos 18NT00706 et 18NT00707 du préfet de l'Indre sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
2. M.C..., ressortissant algérien, né le 5 mars 1994, est entré en France à l'âge de huit ans avec sa mère et ses deux frères sous couvert d'un visa de court séjour. Il a été condamné à plusieurs reprises entre 2012 et 2016, notamment pour des faits de vol par ruse, vol par effraction et usage de stupéfiants et incarcéré, pour la dernière fois, au centre pénitentiaire de Châteauroux du 10 septembre 2015 au 2 décembre 2017. Par un arrêté du 27 novembre 2017, notifié le lendemain par voie administrative, le préfet de l'Indre, au motif qu'il constituait une menace pour l'ordre public, a obligé M. C...à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a interdit tout retour sur le territoire français pendant trois ans. Cette même autorité relève appel du jugement du 15 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté au motif qu'il portait une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée et familiale de M.C....
Sur l'aide juridictionnelle :
3. M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 août 2018. Par conséquent, sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle est devenue sans objet.
Sur la requête n° 18NT00707 :
Sur la recevabilité de la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif :
4. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France : " I - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision (...). Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. (...) I bis.-L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...) Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. (...) II - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon les cas, aux I ou I bis. (...) III - En cas de placement en rétention en application de l'article L. 551-1, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, dans un délai de quarante-huit heures à compter de leur notification, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention. (...) / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine. (...) IV - Lorsque l'étranger est en détention, il est statué sur son recours selon la procédure et dans les délais prévus au III. (...) ".
5. Aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation. ". Selon le deuxième alinéa de son article 62 : " Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ". Enfin, aux termes du troisième alinéa du même article : " Les décision du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. ".
6. Par sa décision n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018, le Conseil constitutionnel a jugé que " ...en enserrant dans un délai maximal de cinq jours le temps global imparti à l'étranger détenu afin de former son recours et au juge afin de statuer sur celui-ci, les dispositions contestées, qui s'appliquent quelle que soit la durée de la détention, n'opèrent pas une conciliation équilibrée entre le droit au recours juridictionnel effectif et l'objectif poursuivi par le législateur d'éviter le placement de l'étranger en rétention administrative à l'issue de sa détention ". Il a, dès lors, déclaré contraires à la Constitution les mots " et dans les délais " figurant à la première phrase du paragraphe IV de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction précitée résultant de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France. Il a également jugé que : " En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. Elle est applicable à toutes les instances non jugées définitivement à cette date. ". Par suite, le délai global de cinq jours imparti à l'étranger détenu afin de former un recours contre une obligation de quitter le territoire français et au juge pour statuer sur celui-ci doit être regardé comme étant abrogé à compter du 2 juin 2018, date de la publication au Journal officiel de la République française de la décision n° 2018-709 QPC du Conseil constitutionnel.
7. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de délais spécifiques impartis à l'étranger détenu pour former un recours et au juge administratif pour statuer sur ce recours, les délais des I, Ibis ou II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'appliquent, selon que l'obligation de quitter le territoire en litige est assortie ou non d'un délai de départ volontaire. En l'espèce, l'arrêté contesté, pris sur le fondement du 7° du I de l'article L. 511-1, faisait obligation à M. C...de quitter le territoire français sans délai. L'intéressé disposait donc, conformément aux dispositions du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 4, d'un délai de 48 heures pour en demander l'annulation et le tribunal administratif d'un délai de trois mois pour statuer sur cette demande.
8. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté du 27 novembre 2017 a été notifié le lendemain à M. C...au centre pénitentiaire de Châteauroux. Un courriel du greffe de ce centre pénitentiaire, versé pour la première fois en appel par le préfet de l'Indre, atteste avec une valeur probante suffisante que M. C...n'a pas déposé à ce greffe, le 30 novembre 2017, ainsi qu'il le soutient, un recours contre cet arrêté. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que M.C..., qui s'est entretenu dès le 28 novembre 2017 avec sa compagne et a envisagé avec elle l'opportunité de demander l'annulation de l'arrêté contesté, aurait été privé, du fait de sa condition de détenu, de la possibilité d'exercer un recours contentieux. Par suite, la demande présentée par M. C...dirigée contre l'arrêté du 27 novembre 2017, qui a été enregistrée le 2 décembre 2017 au greffe du tribunal administratif de Versailles, soit après l'expiration du délai de recours de 48 heures, était ainsi que le soutient le préfet de l'Indre, tardive et en conséquence irrecevable.
9. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Indre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 27 novembre 2017, lui a enjoint de réexaminer la situation administrative de M. C...et a mis à la charge de l'Etat une somme de 650 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur la requête n° 18NT00706 :
10. Dès lors que le présent arrêt statue sur les conclusions à fins d'annulation du jugement attaqué, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement, présentées par le préfet de l'Indre dans sa requête enregistrée sous le n° 18NT00706, sont devenues sans objet. Il n'y a, par suite, pas lieu de statuer sur ces conclusions.
Sur les frais de l'instance :
11. Ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse au conseil de M. C...la somme que celui-ci demande.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. C...tendant à ce qu'il soit provisoirement admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18NT00706 du préfet de l'Indre.
Article 3 : Le jugement n° 1705488 du tribunal administratif de Rennes du 15 janvier 2018 est annulé.
Article 4 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Rennes et les conclusions présentées par lui devant la cour sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Indre.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 janvier 2019.
Le rapporteur
E. BerthonLe président
O. Coiffet
Le greffier
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00706, 18NT00707