Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés, les 19 janvier et 16 juin 2021, M. D..., représenté par Me Deniau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1709477 du 13 octobre 2020 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de condamner l'université de Nantes à lui verser la somme de 58 585 euros en réparation des préjudices financier et moral et des troubles dans les conditions d'existence subis, somme assortie des intérêts à compter du 20 juillet 2017 et de leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge de l'université de Nantes la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que :
le tribunal a méconnu le principe du contradictoire et de l'égalité des armes en fixant la clôture de l'instruction au 7 novembre 2019, vingt-huit jours seulement après la communication du mémoire en défense de l'université ;
le tribunal a privé sa décision de base légale en ce qu'il n'a pas pris en compte le fait qu'il exerçait une fonction réglementée par l'arrêté du 2 mai 2005 relatif aux missions, à l'emploi et à la qualification du personnel permanent des services de sécurité incendie des établissements recevant du public et des immeubles de grande hauteur ;
il a privé sa décision de base légale en se fondant le rapport réalisé dans le cadre de l'audit de 2016 sur le fonctionnement du service, audit qui devait être réputé nul et non avenu ;
le tribunal a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation concernant les menaces proférée par Mme B... à son encontre, qui constituent un acte de harcèlement manifeste ;
il a commis une erreur d'appréciation concernant le caractère répétitif des agissements de harcèlement moral dont il a fait l'objet ;
il a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation concernant la nature avérée des agissements de harcèlement constitués par la suppression de l'imprimante du service sécurité incendie, la suppression de deux personnels de service incendie et d'une secrétaire dans son service, l'obstruction faite par Mme B... à sa promotion, les propos vexatoires et insultants de M. A..., l'effraction préméditée de son bureau par deux collègues ;
il a commis une erreur d'appréciation sur les évolutions du service de sécurité incendie où il était affecté et sur les multiples réorganisations ;
il a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en se prononçant sur des griefs qu'il n'a pas soulevés : ses évaluations professionnelles par Mme B... et son remplacement pendant ses congés pour maladie, qui ont commencé en septembre 2016 ;
il a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation s'agissant de la passivité de l'administration face à sa situation et son manque de diligence dans la procédure de gestion de sa déclaration d'accident de service ;
il a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation s'agissant de l'origine de sa maladie professionnelle, dès lors que celle-ci découle d'agissements répétés de harcèlement moral ;
- la responsabilité pour faute de l'administration doit être engagée en raison des agissements répétés constitutifs d'un harcèlement moral qu'il a subi, ou, à tout le moins, pour faute dans l'organisation du service du fait du comportement passif et vexatoire de l'administration et de la mise à l'écart dont il a fait l'objet ;
- la faute de l'administration lui a directement causé divers préjudices, qui doivent être évalués à la somme globale de 58 585 euros, dont :
45 000 euros au titre de ses troubles dans ses conditions d'existence ;
5 000 euros au titre son préjudice moral consistant en une atteinte à son honneur et à sa réputation ;
5 000 euros au titre de son préjudice de carrière ;
3 585 euros au titre de du préjudice matériel lié à son état de santé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2021, l'université de Nantes, représentée par Me Marchand, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable, dès lors qu'elle est tardive ;
- les éléments avancés par M. D... ne sont pas de nature à faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral ;
- elle n'a commis aucune faute, dès lors notamment qu'elle n'a pas été passive face à la situation du requérant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 2017-564 du 19 avril 2017 ;
- l'arrêté du 2 mai 2005 relatif aux missions, à l'emploi et à la qualification du personnel permanent des services de sécurité incendie des établissements recevant du public et des immeubles de grande hauteur ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Catroux,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Deniau, représentant M. D... et de Me Couetoux de Tertre, représentant l'université de Nantes.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., né le 12 avril 1979, a été recruté par l'université de Nantes le 1er septembre 2007 en qualité de contractuel. Il a été titularisé le 9 décembre 2013 dans le grade d'assistant ingénieur. Affecté, depuis son recrutement, sur un poste de chef du service de sécurité incendie au sein de l'unité de formation et de recherche (UFR) de médecine puis du " pôle santé " comprenant les UFR de médecine, de pharmacie et d'odontologie, il a été affecté, à compter du 1er janvier 2017, à la direction de l'hygiène, de la sécurité et de l'environnement du travail de l'université en qualité de chargé de mission " sûreté - malveillance ". Estimant avoir été victime de harcèlement moral, il a formé, 19 juillet 2017, auprès de l'université de Nantes une réclamation indemnitaire préalable. Cette demande ayant été expressément rejetée le 14 septembre 2017, M. D... a demandé au tribunal de condamner l'université de Nantes à lui verser la somme de 58 585 euros en réparation du préjudice subi. Par un jugement
n° 1709477 du 13 octobre 2020, dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, si M. D... soutient que le jugement attaqué est entaché de défauts de base légale et d'erreurs d'appréciation, ces critiques sont relatives au bien-fondé du jugement et ne peuvent donc être utilement invoqués pour en contester la régularité.
3. En deuxième lieu, si le tribunal n'a pas mentionné dans le jugement attaqué le fait que M. D... exerçait en qualité de chef de service incendie une profession réglementée par les dispositions de l'arrêté du 2 mai 2015 visé ci-dessus, une telle circonstance n'entache pas d'irrégularité le jugement attaqué, dès lors que d'une part, il n'est pas établi que les premiers juges auraient omis de répondre aux moyens soulevés par le requérant et que d'autre part, ils n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de ce dernier.
4. En troisième lieu, le rapport d'audit de 2016, qui avait été commandé par l'université de Nantes à un prestataire externe, et avait été produit par cet établissement en première instance, a été communiqué au requérant par le tribunal. Le moyen soulevé par M. D... et tenant à ce que cette pièce a fondé la décision du tribunal, auquel il revenait au demeurant d'en apprécier la valeur probante, ne peut donc qu'être écarté.
5. En dernier lieu, il ressort de l'examen du dossier de première instance que le mémoire en défense produit par l'université de Nantes a été communiqué à M. D... le
10 octobre 2019. Ce dernier a produit un mémoire en réplique qui a été enregistré le 21 octobre 2019 et communiqué le jour suivant à l'université. Par suite, et alors que le requérant se borne à souligner le peu de temps qui lui était imparti pour répondre aux arguments de l'université, sans faire état de difficultés particulières à cet égard, c'est sans méconnaître les principes du contradictoire et de l'égalité des armes que le tribunal a décidé de fixer au 7 novembre 2019, par une ordonnance du 10 octobre 2019, la clôture de l'instruction dans cette affaire, le délai dans lequel l'université a produit un mémoire en défense étant à cet égard sans incidence.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
6. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération :
/1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés...".
7. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
8. M. D... soutient que de nombreux éléments de fait démontrent l'existence d'un harcèlement moral à son encontre. Ainsi, d'une part, selon lui, les agissements de Mme B..., affectée dans l'établissement public, en 2014, en qualité de responsable administrative de l'UFR de médecine, lui ont causé une souffrance au travail, qui a entraîné des arrêts pour maladie qui lui ont été prescrits du 24 décembre 2014 au 16 janvier 2015, puis du 24 mars 2015 au 2 avril 2015. Celle-ci, animée de rivalité à son égard concernant une promotion au grade d'ingénieur, l'aurait privé des moyens matériels et humains nécessaire au bon fonctionnement du service sécurité incendie dont il était le chef en procédant au changement d'affectation de deux de ses anciens agents et en supprimant l'imprimante du service ou en refusant de commander des cartouches d'encre. Elle lui aurait, de plus, adressé des propos blessants ou de nature à le rabaisser. Elle aurait tenté encore de le mettre au pas, dans un entretien du 22 mars 2016, dans des termes menaçants. M. D... soutient, en outre, que des cadres du service de maintenance immobilière se sont irrégulièrement appropriés des missions relevant pourtant de ses propres attributions en tant que chef de service sécurité incendie d'un immeuble de grande hauteur (IGH), qui sont réglementées notamment par les dispositions de l'arrêté du 2 mai 2005 visé ci-dessus. L'un des cadres de ce service, M. A..., a signé le 2 novembre 2015 des permis de feu, sans habilitation, et manipulé, le 4 novembre 2015, des registres de sécurité des bâtiments qui relevaient de sa compétence exclusive. Cette même personne aurait encore eu des propos vexatoires à son encontre le 12 octobre 2015. Deux cadres du service de maintenance immobilière ont, de plus, forcé la porte de son bureau fin 2015, pendant qu'il était en congé, pour consulter un registre de sécurité qui s'y trouvait.
9. D'autre part, M. D... soutient que l'administration de l'université de Nantes, qui l'aurait employé en réalité sur trois postes, a contribué au harcèlement moral qu'il estime avoir subi. En effet, selon ce dernier, la direction de l'établissement a sciemment laissé faire les agissements, mentionnés au point précédent, notamment en ne réagissant pas aux alertes qu'il avait lancées, concernant les empiètements irréguliers du service de maintenance immobilière sur ses fonctions réglementées, en ne diligentant pas d'enquête administrative ou en ne consultant pas le CHSCT, à la suite de ses signalements. En outre, si la direction de l'établissement public, qui n'a donné aucune suite aux projets de réorganisation qu'il avait lui-même formulés, a fait faire un audit organisationnel en mars 2016, selon le requérant, la réalisation de cet audit a eu pour seul objet, à l'instigation de la responsable administrative de l'UFR et de deux cadres du service de maintenance immobilière, de justifier son éviction de ses fonctions. A cet égard, il expose que son affectation d'office en 2017 à la direction hygiène et sécurité sur des fonctions ne correspondant ni à son grade, ni à son projet d'évolution professionnelle, a, selon le requérant, revêtu un caractère vexatoire. Enfin, M. D... soutient que l'administration a cherché à lui nuire et manqué de diligence dans la gestion de sa déclaration d'accident imputable au service, dès lors notamment que cette déclaration a été faite le 7 septembre 2016 et que la dépression sévère dont il souffre n'a été reconnue comme imputable au service que le 21 septembre 2017.
10. Les éléments mentionnés aux points 8 et 9 sont, pris dans leur ensemble, de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral dont aurait été victime M. D..., ce dernier ayant été placé en congé pour maladie à compter du 7 septembre 2016 pour une affectation psychique qui a été reconnue imputable au service.
11. Toutefois, en premier lieu, l'université de Nantes fait valoir que Mme B... pouvait, compte tenu de son ancienneté, être promue au grade d'ingénieur, dès l'année 2014, alors que M. D... n'était pas promouvable à ce grade avant l'année 2017. De plus, en tant que supérieure hiérarchique directe du requérant, celle-ci avait rédigé des évaluations professionnelles de l'intéressé qui soulignaient ses compétences. Il n'est donc pas démontré que Mme B... ait été animée d'un sentiment de rivalité envers le requérant. De plus, les propos, de nature à le rabaisser ou à le menacer, que M. D... dit s'être vu adresser de la part de Mme B..., dont l'établissement conteste la réalité, ne peuvent pas être regardés comme établis par les seules déclarations du requérant.
12. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'au moment des faits en litige,
il était envisagé de déclasser, à moyen terme, le bâtiment de médecine, où se trouvait le service sécurité incendie dirigé par M. D..., qui relevait de la catégorie des immeubles de grande hauteur, impliquant un fonctionnement de ce service 24 heures sur 24. Or, ainsi que le fait valoir l'établissement public, un tel projet de déclassement était de nature à justifier d'anticiper sur une nouvelle organisation du service, avec, à terme, tel que cela résulte du rapport de l'audit organisationnel, une équipe réduite sur le bâtiment de médecine sans chef de service sécurité incendie (SSIAP3), mais un SSIAP3 pour coordonner la sécurité incendie sur l'ensemble des sites de l'établissement relevant du Pôle Loire. Dès lors, l'affectation de deux agents du service dirigé par M. D... sur des emplois d'autres services est étrangère, ainsi que l'établit l'université à toute considération de harcèlement moral. De même, et alors qu'au demeurant le requérant ne se prévaut d'aucun élément qui permettrait d'établir que l'usage d'une imprimante collective ou le refus d'accéder à sa demande de commande d'une cartouche d'encre aurait effectivement dégradé ses conditions de travail, ce dernier ne saurait sérieusement contester que cette suppression ou ce refus de commande pouvaient s'inscrire, ainsi que le fait valoir d'université, dans le programme de gestion performante des déchets, qui prévalait dans l'établissement public et incluait la gestion des consommables d'imprimante.
13. En troisième lieu, d'une part, s'il est constant qu'il existait des relations conflictuelles, et une inimitié, entre le requérant et des cadres du service de maintenance immobilière, l'université de Nantes fait valoir que ce conflit résultait, pour une part significative, et contrairement à ce que soutient le requérant, de problèmes organisationnels. Il résulte, en effet, de l'instruction qu'il a été décidé en 2014, dans un souci d'harmonisation du fonctionnement de l'ensemble des composantes de l'établissement public, que le service de maintenance immobilière gère toutes les opérations de maintenance du pôle santé, ce qui impliquait notamment que, contrairement à la pratique suivie jusque-là, la fourniture de matériel liée à la maintenance du service de sécurité incendie (SSI) soit intégrée aux marchés centralisés et que ce dernier service n'ait plus de contacts directs avec les fournisseurs. Or, cette réorganisation a été source de tensions, ainsi que l'établit l'université de Nantes, notamment par la production de courriels entre M. D... et des cadres du service de maintenance immobilière, par exemple sur la gestion des urgences et le passage obligé de toutes les demandes d'intervention par une application commune de gestion de ces demandes et par celle du rapport d'audit organisationnel du 29 avril 2016. Si le requérant soutient qu'une telle organisation ne pouvait être régulièrement instaurée, dès lors qu'elle ne prenait pas en compte ses fonctions de SSIAP3, telles qu'elles sont réglementées par l'arrêté du 2 mai 2005, visé ci-dessus, qui impliquent, selon lui, une compétence exclusive en matière de maintenance des installations de sécurité dans le bâtiment dont il avait la responsabilité, cela n'est pas établi. En effet, ainsi que le fait valoir l'établissement public, le respect de la compétence du requérant, en tant que SSIAP3, pour s'assurer du bon fonctionnement de ces installations, et le cas échéant, pour organiser une opération de maintenance afin qu'une éventuelle défaillance soit résolue, était compatible avec les attributions du service de maintenance immobilière en matière de réalisation technique de ces opérations. Enfin, il résulte de l'instruction que le requérant avait fait part à la direction de l'établissement de ce qu'il n'était pas favorable à la nouvelle organisation en matière de maintenance. Il avait ainsi proposé, en décembre 2015 et en juin 2016, au directeur général des services de l'université notamment une organisation dans laquelle il serait rattaché fonctionnellement au service de maintenance immobilière, mais resterait responsable de la maintenance des équipements de sécurité.
14. D'autre part, dans les conditions décrites au point précédent, l'empiètement, à diverses reprises, sur ses fonctions de SSIAP3 reproché par M. D... à des cadres du service de maintenance immobilière, notamment M. A..., découle pour une part importante, ainsi que le fait valoir l'université de Nantes, d'un problème organisationnel et est donc étranger à toute considération de harcèlement moral. Il résulte, de plus, de l'instruction, compte tenu des conclusions de l'audit de 2016, que ce problème d'organisation a évolué vers une situation de blocage. Or, même si cette situation est imputable principalement à l'attitude de cadres du service de la maintenance immobilière, avec en particulier, l'entrée par force, fin 2015, dans le bureau de M. D..., qui ne saurait se justifier par aucun motif, notamment l'urgence, sa gravité, qui a été soulignée dans le rapport d'audit, permet d'établir que les agissements reprochés à ces cadres par le requérant n'avaient pas pour objet de dégrader ses conditions de travail et de le contraindre à quitter ses fonctions. En tout état de cause, l'entrée par force dans le bureau de M. D..., et, à les supposer établis, les propos désobligeants à son égard de
M. A..., évoqués ci-dessus, ne peuvent être regardés, compte tenu de leur caractère ponctuel, comme constitutifs d'agissements de harcèlement moral.
15. En quatrième lieu, alors même qu'elle n'a pas diligenté d'enquête administrative à la suite des reproches que M. D... lui a adressés notamment concernant l'attitude de cadres du service de maintenance immobilière et n'a pas saisi le CHSCT, l'administration n'est pas restée sans réaction lorsqu'elle a eu connaissance des difficultés et de la souffrance au travail rencontrées par l'intéressé. A cet égard, il ne saurait être sérieusement soutenu que M. D... aurait occupé, à la fois, trois emplois à l'université, du seul fait que ses fonctions se sont progressivement élargies, et alors qu'il est par ailleurs établi que l'université a externalisé des fonctions concernant la sécurité incendie. De plus, il n'est aucunement démontré que l'établissement public ait établi, au moment des faits en litige, une procédure de recueil des alertes en application des dispositions du décret du 19 avril 2017 visé ci-dessus, de telle sorte qu'il ne peut pas lui être reproché de n'avoir pas recueilli, dans un tel cadre réglementaire, les griefs du requérant sur le comportement notamment de cadres du service de maintenance immobilière. En revanche, l'administration a saisi, à la fin de l'année 2015, de la situation du requérant, le dispositif d'accompagnement des situations individuelles complexes (DASIC). Les tensions et l'inimitié entre le requérant et le service de maintenance immobilière s'étant aggravées fin 2015, la direction de l'établissement public a, ainsi qu'il a été dit, fait faire un audit organisationnel, ce qui, compte tenu de ce qui précède, n'a aucunement revêtu de sa part, le caractère d'un agissement relevant du harcèlement moral. Il résulte, en particulier, de cet audit, que les griefs de M. D... à l'encontre du service de maintenance immobilière ont été relevés dans le rapport d'audit. Si l'intéressé fait valoir que l'administration ne lui a pas fait connaître ses observations relativement aux projets de réorganisation qu'il lui avait soumis en décembre 2015 et juin 2016, cette circonstance s'explique par le fait qu'elle avait choisi de fonder son projet de réorganisation sur les conclusions de l'audit qu'elle avait diligenté. A la suite de la remise du rapport d'audit organisationnel, la direction de l'université n'a pas mis en œuvre les préconisations du rapport d'audit concernant l'organisation provisoire du service, qui privilégiait l'option d'une refonte des fiches de poste de M. D... et des cadres du service de maintenance immobilière pour éviter tout chevauchement de compétences, comme c'était le cas jusqu'alors, mais a opté, dès juin 2016, pour un changement d'affectation du requérant. Compte tenu du large pouvoir d'appréciation dont dispose l'administration en la matière, une telle affectation poursuivait l'intérêt du service dans la mesure où elle était de nature à permettre de résoudre le blocage constaté dans le rapport d'audit entre le service sécurité incendie et le service de maintenance immobilière, dès lors notamment qu'il était envisagé à moyen terme une suppression de l'emploi de l'intéressé, qu'une forte tension et une inimitié existaient entre les acteurs et que le requérant avait lui-même manifesté son opposition à l'abandon de sa responsabilité en matière de maintenance des équipements de sécurité, ce qui rendait difficile toute résolution du problème lié au chevauchement des compétences exposé ci-dessus. Le changement d'affectation de M. D..., à compter du 1er janvier 2017, sur un poste de chargé de mission " sûreté - malveillance " à la direction de l'hygiène, de la sécurité et de l'environnement du travail de l'université, qui correspond, contrairement à ce qu'il allègue, à son grade d'assistant ingénieur et ne constitue pas l'aboutissement d'un processus de mise à l'écart, ne peut donc pas être regardé comme constitutif d'un agissement de harcèlement moral.
16. En cinquième lieu, M. D... fait grief à l'université de Nantes d'avoir manqué de diligence dans la gestion de sa déclaration d'accident de service faite le 7 septembre 2016, d'avoir fait preuve de malveillance à son égard en rédigeant un rapport en sa défaveur et en incitant l'expert à fixer une date de consolidation au 21 septembre 2017. Toutefois, cela n'est pas établi, dès lors que l'université de Nantes a reconnu, suivant l'avis de la commission de réforme, l'imputabilité au service de la maladie professionnelle de M. D..., par une décision du
21 septembre 2017. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que le délai entre la déclaration et cette décision découlerait d'un manque de diligence de l'administration, dès lors qu'il s'explique, ainsi que le fait valoir celle-ci, par le temps requis pour organiser les deux expertises qui ont été nécessaires et par le délai dans lequel le second expert a rendu son rapport, après plusieurs relances des services. Enfin, le requérant n'apporte aucune précision pour étayer son allégation selon laquelle la date de consolidation retenue constituerait un agissement relevant du harcèlement moral, dès lors qu'il n'établit, ni même n'allègue, que cette date n'aurait pas été fixée conformément à la législation applicable.
17. En dernier lieu, compte tenu de ce qui précède, et notamment de ce qui a été dit au point 15, il n'est pas établi, contrairement à ce que soutient le requérant, que l'administration aurait commis une faute dans l'organisation du service du fait son comportement passif et vexatoire de l'administration et d'une mise à l'écart dont il aurait fait l'objet.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'université de Nantes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
20. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme que l'université de Nantes demande à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'université de Nantes présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et à l'université de Nantes.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente ;
- M. Catroux, premier conseiller ;
- M. L'hirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe 11 mars 2022.
Le rapporteur,
X. CATROUXLa présidente,
C. BRISSON
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00160