Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 10 décembre 2021 et le 16 février 2022, Mme A..., représentée par Me Néraudau, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 octobre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de la décision portant transfert vers l'Espagne ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 16 septembre 2021 décidant son transfert aux autorités espagnoles ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de transfert aux autorités espagnoles, qui ne précise pas l'article du règlement du 26 juin 2013 sur lequel elle se fonde, n'est pas suffisamment motivée ; son état de grossesse, qui renforce sa situation de vulnérabilité, n'est pas mentionné ; sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux puisque son état de santé et sa situation de vulnérabilité liée à sa grossesse y compris au plan psychique n'ont pas été examinés ;
- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas effectivement reçu, par la remise des brochures Dublin et Eurodac et par une information actualisée sur le règlement général sur la protection des données, dès le début de la procédure, par écrit ou si nécessaire oralement et dans une langue qu'elle comprend, les informations prévues à l'article 4, paragraphe 1, du règlement du 26 juin 2013 ;
- il n'est pas établi que l'entretien individuel se soit déroulé dans des conditions conformes à l'article 5 du règlement n° 604/2013 ; elle n'a pas été questionnée sur son état de santé ainsi que sur les motifs pour lesquels elle a quitté l'Espagne et n'a pas été informée de l'utilité de transmettre des justificatifs médicaux attestant de ses problèmes de santé et de sa vulnérabilité liée à son état de grossesse, ce qui interroge sue la qualité de l'agent ayant mené l'entretien ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; le préfet aurait dû appliquer la clause discrétionnaire prévue par ces dispositions car elle a fui la Guinée pour échapper à des persécutions graves et personnelles ;
- la prise en charge médicale des demandeurs d'asile et leurs conditions matérielles d'accueil sont insatisfaisantes en Espagne et cette situation est exacerbée par la crise sanitaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme A... n'est fondé.
Mme A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guéguen, premier conseiller,
- et les observations de Me Néraudau, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C... A..., ressortissante guinéenne née en 1999, déclare être entrée irrégulièrement en France le 29 juin 2021. Le 5 juillet 2021, elle a sollicité l'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé que ses empreintes digitales avaient été relevées en Espagne le 22 mars 2021, le préfet de Maine-et-Loire a saisi le 25 juin 2021 les autorités espagnoles, sur le fondement du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, d'une demande de prise en charge à laquelle ces autorités ont donné un accord implicite intervenu le 25 août 2021. Par deux arrêtés du 16 septembre 2021, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert de Mme A... aux autorités espagnoles et prononcé son assignation à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de quarante-cinq jours. Mme A... relève appel du jugement du 19 octobre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 16 septembre 2021 du préfet de Maine-et-Loire, en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de la décision portant transfert vers l'Espagne.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert aux autorités espagnoles :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ". En application de ces dispositions, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
3. En l'espèce, l'arrêté contesté vise le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, notamment ses articles 7 et suivants et 18, et mentionne que Mme A..., qui a déclaré être entrée irrégulièrement sur le territoire français le 29 juin 2021, a présenté une demande d'asile à la préfecture de la Loire-Atlantique le 5 juillet 2021, que les recherches entreprises sur le fichier Eurodac ont fait apparaître que l'intéressée avait franchi irrégulièrement la frontière espagnole au cours des douze mois précédant le dépôt de sa demande d'asile dès lors que les empreintes digitales de l'intéressée avaient été enregistrées en Espagne le 22 mars 2021 et que les autorités espagnoles, saisies le 9 juillet 2021 d'une requête en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé, ont implicitement accepté leur responsabilité, de sorte que l'Espagne doit être regardée comme étant l'Etat responsable de la demande d'asile de la requérante, en application du règlement précité. Ce même arrêté précise que Mme A... a déclaré avoir des problèmes de santé, maux de tête et de ventre, sans produire de justificatifs médicaux, que ses problèmes de santé n'ont pas constitué un obstacle à ses déplacements en France et en Europe et qu'après un examen attentif de la situation de l'intéressée, celle-ci ne présente pas une vulnérabilité particulière et ne remet pas en cause l'application du règlement n° 604/2013 précité. Ces motifs permettent de comprendre, contrairement aux affirmations de la requérante, que le préfet de Maine-et-Loire a entendu faire application des dispositions du 1 a) de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et qu'il a saisi les autorités espagnoles d'une demande de prise en charge de Mme A... en application des dispositions de l'article 21 du même règlement. Dans ces conditions, l'arrêté en litige énonce les motifs de droit et de fait sur lesquels il se fonde et est ainsi suffisamment motivé. Si cet arrêté ne fait pas état de ce que Mme A... a effectué, le 10 septembre 2021, un test de grossesse qui s'est révélé positif, il est constant que le préfet n'en a été informé que postérieurement à la date de l'arrêté contesté. Par ailleurs, il ne ressort pas de cette motivation en fait et en droit ni d'ailleurs des autres pièces du dossier que l'arrêté de transfert litigieux n'aurait pas été précédé d'un examen suffisant de la situation personnelle de Mme A....
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable (...) ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ". Enfin, selon les dispositions de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a attesté par sa signature avoir validé la teneur du compte rendu de son entretien individuel en préfecture du 5 juillet 2021, réalisé en peul guinéen, langue qu'elle a déclaré comprendre, par l'entremise de l'association ISM qui en a assuré l'interprétariat par téléphone. Ce compte rendu, signé par l'intéressée, indique, par une mention cochée à cet effet par elle, que les brochures mentionnées au point 4 lui ont été communiquées dans une langue qu'elle comprend. Par ailleurs, il est constant que le contenu des brochures a été porté oralement à la connaissance de Mme A... grâce à l'assistance de l'interprète en langue peul guinéen dont elle a bénéficié. Dans ces circonstances, les informations prévues à l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 précité doivent être regardées comme ayant été transmises à Mme A.... Si cette dernière soutient que ces informations ne lui ont été remises qu'au moment de l'entretien, ce qui ne lui aurait pas permis de faire valoir utilement ses observations, il ressort des diverses observations portées sur le résumé de l'entretien du 5 juillet 2021 que Mme A... a pu mentionner les différents Etats qu'elle avait successivement traversés depuis novembre 2018 et préciser qu'elle n'avait pas demandé l'asile en Espagne faute de comprendre la langue espagnole, qu'elle n'avait pas bénéficié d'hébergement en Espagne et qu'elle n'avait pas rencontré de médecin depuis son arrivée en Europe, malgré ses maux de tête et ses douleurs au ventre. En tout état de cause, si les informations prévues à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été communiquées à Mme A... lors de l'enregistrement de sa demande d'asile par les services de la préfecture de la Loire-Atlantique, en leur qualité de guichet unique des demandeurs d'asile, le 24 juin 2021, soit postérieurement à la date à laquelle l'intéressée se serait présentée dans une structure de premier accueil des demandeurs d'asile, une telle circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors qu'il ne résulte pas des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 que les informations en cause doivent être délivrées préalablement à l'enregistrement de la demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas régulièrement reçu une information complète sur ses droits et dans des conditions satisfaisantes, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
7. En troisième lieu, l'obligation d'information prévue à l'article 29 paragraphe 1 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés et ne peut être utilement invoquée à l'encontre de la décision par laquelle l'Etat français remet un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande. Pour le même motif, le moyen tiré de l'article 13 du règlement UE n° 2016/673 est inopérant et doit être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".
9. Il ressort des mentions figurant sur le résumé de l'entretien signé par Mme A... qu'elle a bénéficié le 5 juillet 2021, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu, ainsi qu'il a été dit, avec l'assistance, par téléphone, d'un interprète en langue peul guinéen, langue que Mme A... a déclaré comprendre. Il n'est donc pas établi que la requérante n'aurait pas été en mesure de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation au cours de l'entretien, ainsi que cela ressort du résumé qui en a été établi. A cet égard, compte tenu de la teneur des propos de Mme A... relatifs à son état de santé, qui n'a alors évoqué que des maux de tête et des douleurs au ventre, il n'apparaît pas que la circonstance, à la supposer établie, que l'agent ayant conduit l'entretien n'aurait pas expressément demandé la production de justificatifs médicaux à la requérante soit susceptible d'entacher cet entretien d'une irrégularité. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que l'entretien du 5 juillet 2021 n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 572-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La procédure de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ne peut être engagée dans le cas de défaillances systémiques dans l'Etat considéré mentionné au 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ". Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Et aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". La faculté laissée aux autorités françaises, par ces dispositions, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement précité, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
11. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
12. Si Mme A... indique avoir remis aux services du préfet de Maine-et-Loire, le 20 septembre 2021, postérieurement à la date de l'arrêté contesté, les résultats positifs de son test de grossesse, il ne ressort cependant d'aucune pièce du dossier que cette grossesse ait alors présenté un risque pour la santé de l'intéressée, y compris avant son interruption volontaire intervenue le 27 septembre 2021. Mme A... soutient néanmoins que la décision de transfert aux autorités espagnoles méconnaît l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du même règlement dès lors que, compte tenu de la situation sanitaire en Espagne et de l'incapacité des autorités espagnoles à prendre en charge de façon satisfaisante les migrants, le préfet aurait dû faire application de la clause de suspension prévue au paragraphe 2 de l'article 3 précité et de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 également cité au point 10. Toutefois, le seul renvoi à des documents d'ordre général, tels que des articles de presse et des rapports d'associations, ne permet ni d'établir la réalité des affirmations de Mme A... sur les risques personnels qu'elle encourrait en cas de transfert en Espagne, ni de caractériser l'existence de défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays, y compris dans le cadre de la crise sanitaire de la covid-19. En outre, si la requérante fait valoir qu'elle est intrinsèquement vulnérable du fait de son état de grossesse, qu'elle bénéficie d'un hébergement et d'un suivi médical en France et craint de ne pouvoir avoir accès à une prise en charge équivalente en Espagne, il ne ressort pas des pièces du dossier que le déroulement de sa grossesse, avant l'IVG du 27 septembre 2021, ni davantage son état de santé actuel présenteraient des risques physiques ou psychiques ou susciteraient des réserves d'ordre médical quelconque. Si l'intéressée a certes pu présenter, dans une telle situation, une vulnérabilité particulière, les éléments à caractère général qu'elle verse aux débats, datés de 2018 à 2020, ne sont pas de nature à établir qu'elle ne pourrait pas bénéficier à ce jour en Espagne des soins adaptés et du suivi nécessaire à son état de santé actuel. Dans ces conditions, il n'apparaît pas qu'en écartant l'application de la clause discrétionnaire précitée, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision de transfert de la requérante aux autorités espagnoles d'une erreur manifeste d'appréciation.
13. Il résulte de tout de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme A..., n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale ou de réexaminer sa situation doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... A..., à Me Néraudau et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 22 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- M. Guéguen, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2022.
Le rapporteur,
J.-Y. GUEGUEN Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT03488