Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 novembre et 19 décembre 2018 Mme C..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) de prononcer son admission provisoire à l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Rennes du 30 octobre 2018 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2018 ;
4°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ainsi qu'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de cette notification, le tout sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Elle soutient que :
- en se fondant sur des éléments non versés au dossier, le premier juge a entaché son jugement d'irrégularité ;
- il appartenait au premier juge de relever d'office l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté ;
- l'auteur de l'arrêté contesté n'avait pas compétence pour le signer ;
- cet arrêté a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- le préfet n'a pas examiné sa situation au regard des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ;
- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête et le mémoire ont été communiqués les 5 et 19 décembre 2018 au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit de mémoire.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante arménienne, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 2 juin 2017, confirmée le 12 juin 2018 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 11 septembre 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de délivrer à Mme C... un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 30 octobre 2018 par lequel le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Il est constant que Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 3 janvier 2019. Par suite, ses conclusions tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, il appartient au juge, dans l'exercice de son pouvoir d'instruction, de rechercher, afin d'établir les faits sur lesquels reposera sa décision, tous les éléments d'information utiles. Il peut à ce titre utiliser, sans les verser au dossier, les éléments d'information générale librement accessibles au public dont il doit alors indiquer l'origine dans sa décision. Après avoir relevé que les allégations de Mme C... ne permettaient pas, compte tenu de leur caractère général et convenu, d'établir l'existence de risques personnels en cas de retour dans son pays d'origine, le premier juge a par ailleurs repris, en indiquant la source, des informations du département d'Etat américain relatives à la situation générale des fidèles de l'église des témoins de Jéhovah en Arménie. En se référant, sans le verser au dossier, à cet élément d'information générale dont il n'est pas contesté qu'il était librement accessible au public, le premier juge n'a pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure.
4. En second lieu, s'il est de l'office du juge de vérifier la compétence de l'auteur de l'acte et notamment l'existence d'une délégation de signature régulièrement publiée, celui-ci n'est pas tenu, à peine d'irrégularité de la décision juridictionnelle, de se prononcer de manière expresse sur la réalité de cette compétence ou la régularité de cette délégation lorsque le moyen n'a pas été soulevé par les parties. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier au motif que les premiers juges ne se seraient pas expressément prononcés sur ce moyen, qui n'avait pas été soulevé par Mme C..., ne peut qu'être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 11 septembre 2018:
5. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par un arrêté du 29 août 2016, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture sous le n° 444, le préfet d'Ille-et-Vilaine a donné délégation à M. Denis Olagnon, secrétaire général de la préfecture, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence dont serait entaché l'arrêté contesté doit être écarté.
6. Dans le cas où le préfet se borne à rejeter une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile, sans examiner d'office d'autres motifs d'accorder un titre à l'intéressé, ce dernier ne peut utilement soulever, devant le juge de l'excès de pouvoir saisi de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus du préfet, des moyens de légalité interne sans rapport avec la teneur de la décision contestée.
7. Le préfet d'Ille-et-Vilaine, qui n'était pas tenu d'examiner d'office si Mme C... était susceptible de se voir délivrer une autorisation de séjour à un autre titre, s'est borné à rejeter la demande d'autorisation de séjour que celle-ci avait présentée au titre de l'asile. Par suite, les moyens tirés de ce la décision portant refus de titre de séjour contestée aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que des dispositions du 7° de l'article L. 313-11, de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés.
8. Si Mme C..., entrée irrégulièrement en France le 16 octobre 2016 selon ses déclarations, soutient que sa mère s'y trouve également, ainsi que sa soeur et la sépulture son père, elle ne justifie pas de ce que sa mère se trouverait en situation régulière sur le territoire français ou aurait vocation à y demeurer. Il ressort en outre des pièces du dossier que l'intéressée, qui n'a été admise à séjourner en France qu'à titre provisoire en qualité de demandeur d'asile, n'établit pas être dépourvue de toute attache dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions du séjour en France de Mme C..., la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressée.
9. Si la requérante invoque la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce moyen est inopérant contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
10. Mme C... soutient qu'elle-même et sa famille ont fait l'objet de pressions et menaces récurrentes en raison de leur appartenance à la communauté des témoins de Jéhovah, que son père a été arrêté et violenté en 2014 à la suite de la tenue d'une réunion religieuse à son domicile et que la plainte qu'elle a déposée est restée sans suite. Toutefois, l'intéressée, dont la demande d'asile a été rejetée, ainsi qu'il a été dit au point 1, par une décision du 2 juin 2017 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 12 juin 2018 par la Cour nationale du droit d'asile, n'apporte à l'appui de ses allégations aucun élément de nature à établir ni qu'elle serait personnellement exposée à des risques graves et actuels en cas de retour dans son pays d'origine ni qu'elle ne pourrait, le cas échéant, y bénéficier de la protection des autorités. Par suite, la décision contestée par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine, dont il n'est pas établi qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de la requérante, a fixé le pays de destination n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 avril 2019.
Le rapporteur
O. Coiffet
Le président
I. Perrot
Le greffier
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18NT041702