Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 mars 2020 Mme D..., représentée par
Me A..., demande à la cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 14 février 2020 ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 22 octobre 2019 ;
4°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Elle soutient que :
- le préfet d'Ille-et-Vilaine a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
- l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale, protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante géorgienne née le 13 janvier 1956, déclare être entrée en France le 15 janvier 2010. Le 6 janvier 2017, elle a demandé un titre de séjour en raison de son état de santé, qui lui a été refusé par un arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du
25 juillet 2017 qui a toutefois été annulé par un jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 avril 2018. Le préfet d'Ille-et-Vilaine, auquel il avait été enjoint de réexaminer la situation de Mme D..., a pris le 22 octobre 2019 un nouvel arrêté confirmant son refus initial, obligeant l'intéressée à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée d'office. Mme D... relève appel du jugement du 14 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté son recours tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
2. Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juin 2020. Par conséquent, sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle est devenue sans objet.
Sur la légalité de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine :
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ".
4. Le préfet d'Ille-et-Vilaine a pris l'arrêté contesté en se fondant sur un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 30 novembre 2018 selon lequel l'état de santé de Mme D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Géorgie et est en état de voyager vers ce pays.
5. Mme D... a été victime en 2016 d'un accident vasculaire cérébral dont elle conserve une paresthésie du membre supérieur droit et de l'hémiface droite. Elle souffre également d'un diabète de type 2, d'asthme et d'une tendinopathie chronique de l'épaule droite. Toutefois, elle ne produit aucun document établissant qu'elle ne pourrait bénéficier effectivement du suivi et des soins dont elle a besoin en Géorgie. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rappelées au point 3.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Mme D..., qui déclare être entrée en France en 2010, y a toujours résidé en situation irrégulière. Sa fille et son fils vivent en France sous couvert pour la première d'une autorisation provisoire de séjour et pour le second d'un récépissé de demande de renouvellement d'une carte de séjour qui ne leur confère pas un droit au séjour pérenne. Mme D... ne justifie pas que sa situation, notamment son état de santé, rendrait nécessaire la présence de ses enfants à ses côtés. En dépit de la durée de son séjour en France, elle ne produit aucun élément attestant d'efforts d'insertion dans la société française. Elle a enfin vécu en Géorgie jusqu'à l'âge de 54 ans et n'établit pas, alors même que son époux est décédé, n'avoir plus aucune attache familiale ou privée dans ce pays. Dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, contraire aux stipulations rappelées au point précédent.
8. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
9. Mme D..., pour les raisons déjà exposées aux points 5 et 7, n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté aurait méconnu ces stipulations.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle présentée par Mme D....
Article 2 : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. B..., premier conseiller,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 janvier 2021.
Le rapporteur
E. B...Le président
C. Brisson
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00921