Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 18 septembre 2015 et 2 mars 2016, Mme A...B..., représentée par Me Leudet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 mars 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2014 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sous deux mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours ;
4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de prendre dans les meilleurs délais les mesures nécessaires pour qu'elle rentre en France, si elle le désire, munie soit d'une carte de séjour temporaire, soit d'une autorisation provisoire de séjour sans visa ou autre autorisation.
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la circonstance que la mesure d'éloignement a été exécutée ne rend pas sa requête sans objet ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et entaché d'une omission à statuer ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure dès lors que le médecin de l'agence régionale de santé n'a pas indiqué si elle pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine ;
- le préfet a entaché son arrêté d'une erreur de fait et s'est fondé sur des faits matériellement inexacts ;
- l'arrêté contesté est contraire au 11° de l'article L. 313-11 et au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur de droit dans la mesure où les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'autorise pas l'administration à refuser la délivrance d'un titre de séjour lorsque le traitement approprié existe dans un pays où l'étranger dispose d'un droit au séjour ;
- le préfet a méconnu les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2016, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que Mme B... ayant quitté le territoire français, sa requête est devenue sans objet.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 août 2015.
La clôture de l'instruction a été fixée au 4 mars 2016 à 16 heures par une ordonnance du 7 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- et les observations de Me Leudet, avocat de MmeB....
1. Considérant que Mme A...B..., qui est née en Arménie, relève appel du jugement du 6 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 octobre 2014 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de renvoi ;
Sur le non-lieu à statuer :
2. Considérant que la circonstance que la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme A...B..., contenue dans l'arrêté susvisé du 20 octobre 2014, ait été exécutée ne rend pas sans objet la requête présentée par l'intéressée tendant à l'annulation de cet arrêté ; que par suite, les conclusions à fin de non-lieu à statuer présentées par le préfet de la Loire-Atlantique ne sauraient être accueillies ;
Sur la régularité du jugement :
3. Considérant qu'à l'appui de sa demande devant le tribunal administratif, Mme B... soutenait notamment que le préfet de la Loire-Atlantique avait entaché son arrêté d'une erreur de droit en refusant de lui délivrer un titre de séjour pour raison de santé ; que le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant, et a ainsi entaché son jugement d'une omission à statuer ; qu'il y a lieu, par suite d'annuler ce jugement et de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes et devant le cour ;
Sur la légalité de l'arrêté du 20 octobre 2014 :
4. Considérant que l'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme B...et l'obliger à quitter le territoire français ; qu'il précise notamment les circonstances de son entrée en France après avoir séjournée en Russie ; que l'article 3 de cet arrêté prévoit que l'intéressée pourra être reconduite à destination de son pays d'origine ou de son pays d'accueil, la Russie, ou de tout autre pays dans lequel elle serait admissible ; que par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté serait insuffisamment motivé ;
5. Considérant que, dans son avis émis le 16 avril 2014, le médecin de l'agence régionale de santé des Pays-de-la-Loire a estimé que l'état de santé de Mme B...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié ; qu'ainsi, il n'était pas tenu, en application des dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, de préciser si l'intéressée pouvait voyager sans risque vers ce pays ; qu'en outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'état de santé de Mme B...aurait pu susciter des interrogations sur ce point ; que, par suite le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté ;
6. Considérant que si le préfet a indiqué de façon erronée dans son arrêté du 20 octobre 2014 que la demande d'asile présentée par Mme B...avait été rejetée par la cour nationale du droit d'asile " le 16 décembre 2013 " et que l'intéressée avait fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français " le 31 mars 2014 ", il ne ressort pas des pièces du dossier que ces erreurs aient eu une influence sur le refus de titre de séjour qui lui a été opposé le 20 octobre 2014 dès lors que cette décision répondait à une demande présentée par l'intéressée le 27 novembre 2013, soit à une date antérieure à la décision de la cour nationale du droit d'asile du 31 mars 2014 et ne se fondait pas sur le fait que l'intéressée aurait fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, en réalité inexistante ; que par suite le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur de fait, ou se serait fondé sur des faits matériellement inexacts, ne peut qu'être rejeté ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ; que Mme B...soutient que le préfet de la Loire-Atlantique a commis une erreur de droit dans la mesure où les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " n'autorise pas l'administration à refuser la délivrance d'un titre de séjour lorsque le traitement approprié existe dans un pays où l'étranger dispose d'un droit au séjour " ; qu'il résulte toutefois des dispositions précitées que l'étranger ne peut être admis au séjour que s'il n'existe pas de traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine et que le préfet peut, dans le cas contraire, refuser de lui délivrer un titre de séjour et assortir cette décision d'une obligation de quitter le territoire français ; que par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit soulevé par la requérante ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des éléments produits par MmeB..., qu'elle souffre de troubles psychiatriques nécessitant un traitement médical ; que le préfet de la Loire-Atlantique a justifié de la possibilité pour l'intéressée de bénéficier du traitement dont elle a besoin par la production de la fiche sanitaire de son pays d'origine mentionnant l'existence d'une offre de soins pour les troubles mentaux et du comportement et la délivrance des médicaments que leur traitement nécessite et d'un document du service de l'immigration et des naturalisations du ministère de l'intérieur des Pays-Bas, très précis, confirmant que l'offre de soins psychiatriques, y compris pour le traitement du syndrome de stress post-traumatique, est bien développée en Arménie et que les médicaments relatifs aux troubles psychiatriques existent ; que si la requérante soutient que tous les médicaments nécessaires à son traitement ne sont pas disponibles dans ce pays, le préfet produit suffisamment d'éléments pour établir que des molécules de substitution existent ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles ne présenteraient pas les mêmes propriétés que les médicaments pris en France par Mme B... ; que, dans ces conditions, le préfet a pu légalement s'écarter de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé et refuser de délivrer à la requérante un titre de séjour en qualité d'étranger malade sans méconnaître les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
9. Considérant que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent du bénéfice de ces dispositions ; qu'il résulte de ce tout ce qui précède que, Mme B... ne pouvant prétendre à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire, le préfet de la Loire-Atlantique n'était pas tenu de consulter cette commission avant de statuer sur sa demande et n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
10. Considérant que Mme B... soutient qu'en raison des menaces proférées par la famille de son ancien compagnon décédé lors d'un accident de voiture qui s'est produit en sa présence, elle a dû fuir la Russie, pays dans lequel elle vivait depuis l'âge de 4 ans et dont elle aurait la nationalité ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que l'intéressée encourrait des risques de traitements dégradants ou humiliants en cas de retour soit en Arménie, soit en Russie ; que par suite, la requérante, qui est célibataire et sans enfant et qui n'établit pas être dépourvue de toutes attaches familiales dans l'un de ces deux pays, n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant son pays de renvoi, dont les termes ont été rappelés au point 4, serait contraire aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée devant le tribunal administratif de Nantes par Mme B... doit être rejetée ;
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et à ce qu'il soit enjoint par ailleurs au ministre de l'intérieur de prendre les mesures nécessaires pour qu'elle puisse rentrer en France dans les meilleurs délais, doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1410646 du tribunal administratif de Nantes en date du 6 mars 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus de ses conclusions présentées devant la cour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M. Lemoine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 juin 2016
Le rapporteur,
V. GélardLe président,
O. Coiffet
Le greffier,
A. Maugendre
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT02872