Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 4 décembre 2014, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par MmeB....
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car la demande de première instance, qui ne comportait aucun moyen contestant le motif retenu par le préfet dans ses décisions, était irrecevable ; que la circonstance que des moyens ont été ultérieurement développés par l'intéressée dans un mémoire du 8 mars 2014 demeure sans incidence sur cette irrecevabilité dès lors que le délai de recours à l'encontre des décisions contestées expirait le 30 août 2011 ;
- l'activité de pension d'équidés de même que celle de chambre d'hôtes exercées par Mme B...ne sont pas des activités agricoles au sens de l'article L.311-1 du code rural et de la pêche maritime du contrôle ; la circonstance que Mme B...a effectué des démarches pour obtenir le diplôme du brevet d'aptitude professionnelle d'assistant animateur technicien de la jeunesse et des sports (BAPAAT) et le fait qu'elle a obtenu un partenariat avec un haras qui lui confie des jeunes chevaux est sans incidence sur la nature non agricole de son activité ; c'est à tort que le tribunal a estimé que l'activité de chambre d'hôtes était également agricole puisqu'ayant comme support l'exploitation dès lors que cette exploitation était inexistante ;
- dès lors que l'activité de prise en pension d'équidés n'est pas une activité agricole au sens des dispositions de l'article L.311-1 du code rural et de la pêche maritime et que Mme B...n'a jamais exercé d'activité agricole et n'a donc jamais respecté les engagements énoncés par l'article D.343-18-2, c'est à bon droit que le préfet a pu prononcer une décision portant déchéance de ses droits aux aides et procéder au déclassement de ses prêts bonifiés ;
- la circonstance que Mme B...ait été ou non affiliée à la MSA en qualité de chef d'exploitation sur le fondement de l'article L.722-1 du code rural et de la pêche maritime demeure sans incidence sur l'engagement qu'elle avait pris d'exercer une activité agricole au sens de l'article L.311-1 du même code.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 février 2015, Mme B...conclut au rejet du recours du ministre et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.
1. Considérant que MmeB..., propriétaire de la ferme de Bel Air à Muzillac (Morbihan), a, par une décision du 2 août 2005 du préfet du Morbihan, obtenu le bénéfice des aides à l'installation des jeunes agriculteurs, sous la forme de la dotation jeune agriculteur (DJA) et de bonification de prêts à moyen terme spéciaux (MTS-JA) en vue de réaliser son projet de prendre en pension des chevaux et d'assurer également une activité d'hébergement sous forme de chambres d'hôtes ; que le préfet du Morbihan a délivré le 23 février 2006 à l'intéressée le certificat attestant que l'installation était effective à compter du 1er janvier 2006 et conforme au projet agréé ; qu'à la suite d'un contrôle effectué par les services de la mutualité sociale agricole qui a conduit à la remise en cause de la nature agricole de l'activité de Mme B...quant à son affiliation sociale, le préfet du Morbihan a diligenté un contrôle par ses propres services qui a conduit aux décisions des 28 juin et 29 juin 2011 portant déchéance de l'intéressée de ses droits aux aides à l'installation des jeunes agriculteurs et déclassement de ses prêts MTS-JA ; que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt relève appel du jugement du 10 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes, faisant droit aux conclusions dont l'avait saisi MmeB..., a annulé les quatre décisions contestées ;
Sur la légalité des décisions des 28 juin et 29 juin 2011 prononçant la déchéance Mme B...de ses droits aux aides à l'installation des jeunes agriculteurs :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime : " Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation. Les activités de cultures marines sont réputées agricoles, nonobstant le statut social dont relèvent ceux qui les pratiquent. Il en est de même des activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation, à l'exclusion des activités de spectacle. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 343-5 du même code : " Le jeune agriculteur, candidat aux aides mentionnées à l'article D. 343-3, doit en outre (...) 5° S'engager à exercer dans un délai d'un an et pendant dix ans la profession d'agriculteur en qualité de chef d'exploitation sur un fonds répondant aux conditions fixées par la présente section en retirant au moins 50 % de son revenu professionnel global d'activités agricoles au sens de l'article L. 311-1. Le bénéficiaire des aides s'engage à mettre en valeur personnellement son exploitation et à participer effectivement aux travaux pendant dix ans ; / (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article D. 343-18-1 du code rural et de la pêche maritime: " Sauf dans le cas où la situation du bénéficiaire des aides résulte d'un cas de force majeure au sens de l'article 39 du règlement (CE) n° 817-2004 du 29 avril 2004, le préfet peut prononcer la déchéance totale des aides lorsque le bénéficiaire : (...) cesse d'exercer la profession d'agriculteur dans les cinq premières années qui suivent son installation en violation de l'engagement prévu au 5° de l'article D. 343-5 ; (...) ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas sérieusement contesté que l'activité de Mme B...consiste, depuis qu'elle a commencé à l'exercer, uniquement à panser les chevaux, les alimenter, nettoyer les boxes, les entretenir, vérifier les clôtures, entretenir la carrière et remettre en état le paddock ; que de telles tâches ne peuvent être regardées comme se rattachant, au sens des dispositions énoncées ci-dessus de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, à " la préparation et à l'entrainement des animaux en vue de leur exploitation ", activités qui recouvrent, outre le débourrage et le dressage, la préparation et l'entraînement d'un équidé domestique en vue de son exploitation ; qu'elles ne constituent ainsi par une activité agricole ; que c'est, par suite, par une inexacte application de ces dispositions que les juges de première instance ont, pour prononcer l'annulation des décisions contestées du préfet du Morbihan des 8 juin et 29 juin 2011, estimé que l'activité de pension d'équidés avec six boxes exercée par l'intéressée était constitutive d'une activité agricole par nature et qu'il en allait de même par voie de conséquence de l'activité de chambre d'hôtes avec deux chambres dès lors qu'elle avait pour support l'exploitation, pour enfin affirmer que, contrairement aux motifs retenus par le préfet, l'intéressée satisfaisait aux conditions réglementaires énoncées au 5° de l'article R. 343-5 du code rural et de la pêche maritime ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif, que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est fondé à soutenir c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à la demande de MmeB..., laquelle n'a, ni en première instance, ni en appel, soulevé d'autres moyens ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1103224 du 10 octobre 2014 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Rennes et ses conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement et à Mme A...B....
Une copie sera transmise au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- M. Lemoine, premier conseiller,
Lu en audience publique le 18 février 2016.
Le rapporteur,
O. Coiffet
Le président,
I. Perrot
Le greffier,
A. Maugendre
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT03125