Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 janvier 2015 et le 11 décembre 2015, Mme G...I..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 novembre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2012 du préfet de la Sarthe ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé en ce qu'il ne se prononce pas sur chacun des critères prévus à l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime et en particulier sur la situation de Mme B...l'un des deux exploitants antérieurs des terres ; par ailleurs, le visa de la demande d'autorisation constitue une motivation insuffisante ;
- le dossier de demande d'autorisation est incomplet, le préfet s'étant fondé sur les allégations du demandeur non appuyées de justifications ; le dossier ne comporte pas l'identification des propriétaires des terres concernées par la demande d'autorisation d'exploiter, ni les références cadastrales et comporte des indications fausses s'agissant de la qualité de propriétaire des 59ha48a alors qu'elle est personnellement propriétaire de 42 ha 94 a70ca ;
- cette demande d'autorisation ne mentionne que le placement à la retraite de M. A...B... ; Mme B...est depuis lors, seule à mettre en valeur les parcelles objet de l'autorisation d'exploiter ; cette situation n'est pas mentionnée dans le dossier de demande d'autorisation ;
- il n'est pas établi que l'administration a mis en oeuvre les mesures de publicité prévues à l'article R. 331-4 du code rural ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation de la situation ; en effet, elle entendait reprendre personnellement l'ensemble de ses biens et n'a pas été informée par les preneurs en place de l'installation potentielle de leur fils et n'a pas pu, de ce fait, utiliser la possibilité de les contraindre à quitter les lieux en fin de bail ; le préfet s'est, par ailleurs, fondé sur une demande d'installation incomplète, fausse et mensongère et n'a pas apprécié les conditions de cession du bail ;
- M. H...B..., bénéficiaire de l'autorisation en litige, exerçait une activité extérieure incompatible avec les dispositions des 1° et 3° de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime ; sa demande d'autorisation d'exploiter devait être examinée dans le cadre de l'installation d'un exploitant pluri-actif ; M. B...ne justifie pas qu'il remplit les conditions de capacité professionnelle ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2015, M. H...B...représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme I... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme I...ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2015, le ministre de l'agriculture de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme I...ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 4 janvier 2016 la clôture d'instruction a été reportée au 15 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Specht,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
1. Considérant que Mme I...est propriétaire sur la commune d'Auvers Le Hamon (Sarthe) de différentes parcelles de terres pour une superficie de 42 ha 94 a 70 ca, qui ont été données à bail à M. A...B...et à son épouse Mme F...par acte notarié du 4 octobre 2004, pour la période du 1er novembre 2003 au 1er novembre 2012 ; que le 9 décembre 2011, M. H...B..., fils des preneurs à bail, a adressé une demande d'autorisation d'exploiter 60 ha 68 a situés sur la commune de Auvers Le Hamon, comprenant l'ensemble des terres exploitées par ses parents, qui souhaitent faire valoir leurs droits à la retraite ; que par un arrêté du 1er février 2012, pris après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, le préfet de la Sarthe a fait droit à cette demande ; que Mme I...a formé le 27 mars 2012 un recours gracieux contre cet arrêté qui a fait l'objet d'un rejet implicite ; qu'elle relève appel du jugement du 7 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2012 et du rejet implicite opposé à son recours gracieux ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant, qu'ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, Mme I..., qui n'est propriétaire que d'une partie des parcelles faisant l'objet de l'autorisation d'exploiter accordée à M. B...par l'arrêté contesté du 1er février 2012, ne justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de cet arrêté qu'en tant qu'il autorise M. H... B... à exploiter les parcelles dont elle est propriétaire, soit 42 ha 94 a 70 ca ;
Sur la légalité de l'arrêté du 1er février 2012 du préfet de la Sarthe :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable à la date de la décision préfectorale litigieuse : " Le contrôle des structures des exploitations agricoles s'applique à la mise en valeur des terres agricoles ou des ateliers de production hors sol au sein d'une exploitation agricole, quels que soient la forme ou le mode d'organisation juridique de celle-ci, et le titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée. / (...) L'objectif prioritaire du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive. / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 331-3 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. / (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 331-4 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " La demande de l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 est établie selon le modèle défini par le ministre de l'agriculture et accompagnée des éléments justificatifs dont la liste est annexée à ce modèle. / Si la demande porte sur des biens n'appartenant pas au demandeur, celui-ci doit justifier avoir informé par écrit de sa candidature le propriétaire. / (...) Si la demande d'autorisation est relative à l'agrandissement ou à la réunion d'exploitations et porte sur une surface supérieure à la moitié de l'unité de référence, le service chargé de l'instruction fait procéder à une publicité par affichage (...) / " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 331-6 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " (...) II. - La décision d'autorisation ou de refus d'exploiter prise par le préfet doit être motivée au regard des critères énumérés à l'article L. 331-3. / (...) Lorsque l'autorisation est conditionnelle ou temporaire, les obligations imposées au demandeur, le délai qui lui est imparti pour y satisfaire et la durée de l'autorisation sont précisés et motivés au regard des critères prévus à l'article L. 331-3. / (...) " ;
4. Considérant, en premier lieu, que si le préfet doit, en application des dispositions précitées de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime, motiver sa décision, il ne saurait être tenu de se prononcer expressément sur chacun des critères dont ces dispositions prescrivent de tenir compte ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté préfectoral contesté, après avoir visé les textes applicables et le schéma directeur départemental des structures agricoles, a indiqué, s'agissant du bénéficiaire de l'autorisation contestée, que M. H...B...a présenté une demande d'autorisation d'exploiter pour la reprise de parcelles exploitées par M. A...B..., dans le cadre de son installation en qualité de jeune agriculteur bénéficiaire d'aides ; que, par ailleurs, si M. A... B...et Mme D...F...épouseB..., son épouse, étaient tous deux titulaires du contrat de bail consenti par MmeI..., il ressort des pièces du dossier que M. A...B...était le seul chef d'exploitation ; qu'ainsi, en examinant seulement la situation de ce dernier en cette qualité, le préfet de la Sarthe a suffisamment motivé sa décision au regard de la situation des exploitants précédents ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que si Mme I...soutient que le bénéficiaire de l'autorisation ne justifie pas de sa qualification professionnelle, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté est fondé notamment sur la qualité de " jeune agriculteur " de M. H...B...bénéficiaire, à ce titre, du dispositif d'aide à l'installation des jeunes agriculteurs prévu aux articles D. 343-3 et suivants du code rural et de la pêche maritime et vise la demande présentée par l'intéressé en cette qualité ; que les conditions d'octroi de ces aides, prévues par l'article D. 343-4 du code rural et de la pêche maritime, reposent notamment sur la possession de diplômes et de qualifications professionnelles agricoles et la validation par le préfet d'un plan de professionnalisation personnalisé ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...dispose des diplômes exigés et que son plan de professionnalisation personnalisé a été validé par le préfet de la Sarthe le 21 septembre 2009 ; que, par suite, M. H...B...remplissait, contrairement à ce que soutient la requérante, les conditions personnelles et professionnelles, en particulier s'agissant de la qualification professionnelle requise, permettant son installation conformément aux dispositions de l'article D. 343-4 du code rural et de la pêche maritime ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande d'autorisation d'exploiter était complet et mentionnait les renseignements concernant l'identification des propriétaires des parcelles, que les références cadastrales des parcelles concernées figuraient sur papier libre, daté et signé du demandeur et que, par ailleurs, la rubrique n° 3 du formulaire qui concerne l'exploitant cédant identifié comme M. A...B...et son épouse Mme D...B..., mentionnait l'exploitation en fermage d'une superficie de 59 ha 48a dans le cadre de plusieurs baux ruraux, dont celui consenti par Mme I..., et la cession de l'exploitation ; que par suite, contrairement à ce que soutient la requérante, le dossier de demande d'autorisation était complet et ne comportait pas d'informations erronées quant à la l'identité des cédants ni quant à la superficie exploitée et qu'il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier que le demandeur M. H...B...entendait poursuivre l'exploitation avec sa mère ; que le moyen ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que la demande d'autorisation déposée par M. B... n'était relative ni à un agrandissement ni à une réunion d'exploitation mais à une installation ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation d'affichage de cette demande prévue à l'article R. 331-4 du code rural et de la pêche maritime ne peut qu'être écarté comme inopérant ;
8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime " I - Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : / (...) 3° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole : / (...) Il en est de même pour les exploitants pluriactifs remplissant les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle dont les revenus extra-agricoles du foyer fiscal excèdent 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance ; /(...) " ; que si Mme I...soutient que M. B... exercerait une activité extérieure et que sa demande d'installation devait ainsi être appréciée au regard des dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime relatives aux demandes présentées par des exploitants pluri-actifs, ses affirmations, qui ne sont assorties d'aucune précision, ne sont pas établies alors qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...est immatriculé auprès de la Mutualité sociale agricole en qualité d'aide familial ;
9. Considérant, en sixième lieu, que si Mme I... soutient qu'elle avait manifesté sa volonté de reprendre personnellement les biens lui appartenant au plus tard en 2014, date de départ à la retraite des épouxB..., cette circonstance qui est relative au litige en cours devant le tribunal paritaire des baux ruraux en ce qui concerne la cession du bail portant sur ces biens, concerne un litige distinct et est sans incidence sur la légalité de l'arrêté préfectoral contesté, lequel au demeurant mentionne que l'autorisation d'exploitée est accordée à M. H...B...sous réserve de l'accord des propriétaires ;
10. Considérant, en septième et dernier lieu, que l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable à la date de la décision préfectorale litigieuse, prévoit que l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles se prononce " en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande " et qu'elle doit notamment " 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande (...) " ; qu'en vertu de l'article premier du schéma directeur départemental des structures agricoles de la Sarthe, les priorités de la politique d'aménagement des structures agricoles dans le département de la Sarthe répondent aux objectifs suivants " - Favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive . / (...) " ;
11. Considérant que contrairement à ce que soutient la requérante dans le dernier état de ses écritures et ainsi qu'il a été rappelé au point 6., il ne ressort pas des pièces du dossier que le demandeur M. H...B...entendait poursuivre l'exploitation avec sa mère ; qu'en l'absence de demande concurrente le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en accordant à M. B...l'autorisation sollicitée au regard de son projet d'installation en qualité de jeune agriculteur bénéficiaire d'aides et de la situation des exploitants cédants, ses parents, qui souhaitent prendre leur retraite ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme I... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé et n'est pas entaché d'omission à statuer, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme I... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de Mme I... le versement à M. H...B...d'une somme de 1 500 euros au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme G... I...est rejetée.
Article 2 : Mme G... I...versera à M. H...B...la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...I..., au ministre de l'agriculture de l'agroalimentaire et de la forêt et à M. H...B....
Copie en sera adressée au Préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- Mme Specht, premier conseiller,
- Mme Gélard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 18 février 2016.
Le rapporteur,
F. SpechtLe président,
O. Coiffet
Le greffier,
A. Maugendre
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture de l'agroalimentaire et de la forêt en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT00078