Par un second jugement n° 1904316 du 25 novembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 21 août 2019 en tant qu'il porte refus de titre de séjour, a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de délivrer à M. C... un titre de séjour.
Procédure devant la cour :
I - Par une requête et des mémoires enregistrés sous le n° 19NT03655 les 12 septembre, 28 octobre et 28 novembre 2019, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes du 10 septembre 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rennes.
Il soutient que :
- la production ultérieure de documents d'identité authentiques ne suffit pas à écarter le caractère frauduleux des premiers documents sur la base desquels a été délivré le visa ; M. C... est connu dans le fichier Visabio pour avoir produit un passeport sénégalais, sous un prénom et une date de naissance différents, afin d'obtenir un visa de court séjour pour se rendre en France à l'invitation d'un club de foot ;
- c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a estimé que le préfet ne pouvait pas écarter les documents d'identité produits au simple motif de la consultation du fichier Visabio ;
- s'agissant de la décision portant refus de départ volontaire, il y a lieu de substituer au motif initialement retenu celui tiré, sur le fondement du e) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tiré de ce que le risque de fuite est avéré en raison de l'usage de faux documents ;
- en dépit de l'erreur d'adresse dont elle est affectée, qui constitue une simple erreur de plume, la décision portant assignation à résidence n'est pas entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé ;
- M. C... ne justifie pas avoir exposé des frais dans le cadre de la première instance.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 novembre 2019 M. C..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet
d'Ille-et-Vilaine de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, et à ce que soit mis à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il fait valoir que les moyens invoqués par le préfet d'Ille-et-Vilaine ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 octobre 2019.
II - Par une requête enregistrée sous le n° 19NT04625 le 3 décembre 2019 le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 novembre 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rennes.
Il invoque les mêmes moyens que ceux soulevés dans l'instance n°19NT03655 visée
ci-dessus.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 mars 2020 M. C..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il fait valoir que les moyens invoqués par le préfet d'Ille-et-Vilaine ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 février 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., se disant ressortissant malien né le 31 décembre 2000, a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département d'Ille-et-Vilaine à compter du 13 juin 2017. Il a sollicité le 3 août 2018 la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et s'est vu opposer un refus par une décision du préfet d'Ille-et-Vilaine du 21 août 2019 assortie d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, de la fixation du Sénégal comme pays de destination et d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le même préfet a par ailleurs également pris à son encontre un arrêté du même jour portant assignation à résidence.
2. Par un premier jugement n° 1904316 du 10 septembre 2019, dont le préfet
d'Ille-et-Vilaine relève appel dans le cadre de l'instance enregistrée sous le n° 19NT03655, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté de ce préfet du 21 août 2019 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français pendant une période d'un an, ainsi que l'arrêté du même jour portant assignation à résidence, a mis à la charge de l'Etat le versement à Me E... le versement de la somme de 800 euros au titres des frais d'instance et a renvoyé devant une formation collégiale les conclusions de la demande de M. C... tendant à l'annulation du premier arrêté en tant qu'il porte refus de titre de séjour ainsi que les conclusions à fin d'injonction. Par un second jugement n° 1904316 du 25 novembre 2019, dont le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel dans le cadre de l'instance enregistrée sous le n° 19NT04625, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté de ce préfet du 21 août 2019 en tant qu'il porte refus de titre de séjour et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me E... de la somme de 1 000 euros au titres des frais exposés. Il y a lieu de joindre ces deux instances.
Sur la légalité de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 21 août 2019 portant refus de titre de séjour :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. "
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
5. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
6. Pour refuser de délivrer à M. C... un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L.313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le préfet s'est fondé sur les motifs tirés de ce que, d'une part, les documents d'état civil maliens produits à l'appui de la demande de titre de séjour en litige étaient entachés de fraude dès lors que le fichier Visabio a révélé que l'intéressé était déjà connu sous l'identité de M. B... C... né le 8 février 1995 de nationalité sénégalaise et, d'autre part, il était également connu du fichier national des étrangers sous le nom de M. B... C... né le 8 février 1995, de nationalité mauritanienne. Il en a déduit que seule l'identité de l'intéressé indiquée dans le système Visabio devait être retenue, de sorte que l'intéressé était âgé de 22 ans lors de sa demande.
7. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, M. C... a produit un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance n° 63 du tribunal de première instance de Kayes (Mali) du 3 mai 2017 ainsi que l'extrait de l'acte de naissance n° 63 du 29 mai 2017 dressé dans les registres de l'état civil en transcription de ce jugement supplétif. Il n'est pas contesté que ces documents, de même que l'extrait d'acte de naissance et le passeport également produits, dont les mentions relatives à l'état civil et à l'âge de l'intéressé sont concordantes, ont été reconnus authentiques par les services de la police de l'air et des frontières, saisie par le préfet aux fins de vérification. Par suite, en se bornant à faire prévaloir l'âge de 22 ans résultant du fichier Visabio, sans autre argumentation ni remise en cause de l'authenticité des documents d'état civil produits, pour refuser de délivrer à l'intéressé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet d'Ille-et-Vilaine a fait une application erronée des dispositions précitées de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celles de l'article 47 du code civil.
8. Il résulte de ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Rennes a annulé, d'une part, l'arrêté du 21 août 2019 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C..., lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une période d'un an et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel il a assigné M. C... à résidence.
Sur les frais d'instance :
9. En premier lieu, les premiers juges n'ont, en mettant à la charge de l'Etat le versement à M. C..., aux conclusions duquel il était fait droit, des sommes demandées par lui au bénéfice de son avocat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pas fait une inexacte application de ces dispositions.
10. En second lieu, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Ainsi son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Sous réserve que
Me E... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 1 500 euros à lui verser au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1 : Les requêtes n° 19NT03655 et n° 19NT04625 du préfet d'Ille-et-Vilaine sont rejetées.
Article 2 : L'Etat versera à Me E... la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2020.
Le rapporteur
M. D...Le président
I. PerrotLe greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos19NT03655, 19NT04625