Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 septembre 2018 M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 1er juin 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 23 avril 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il soutient que :
- la mesure d'éloignement contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors notamment qu'il prend soin de sa fille née en France ;
- le préfet ne pouvait légalement lui refuser un délai de départ volontaire dans la mesure où il dispose de garanties de représentation suffisantes, qu'il ne s'est pas précédemment soustrait à une mesure d'éloignement et qu'il ne menace pas l'ordre public ;
- la décision fixant le pays de destination est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Berthon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant russe, déclare être entré en France en septembre 2012. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 octobre 2014, confirmée le 21 mai 2015 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Il a déposé une demande de réexamen de sa demande d'asile qui a également été rejetée par une décision du directeur de l'OFPRA du 8 décembre 2015, confirmée le 20 octobre 2016 par la CNDA. Par un arrêté du 23 avril 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office. M. A... relève appel du jugement du 1er juin 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté contesté, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux doits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
3. M. A...a entretenu une relation avec une compatriote en situation régulière avec laquelle il a eu une fille née le 20 novembre 2015 en France, qui avait donc moins de trois ans à la date de la décision contestée. M. A...produit une dizaine de témoignages concordants émanant de la famille maternelle de sa fille, de collègues, d'amis et d'un directeur de crèche selon lesquels il participe activement et régulièrement aux soins et à l'éducation de sa fille, qu'il va notamment chercher le soir à la crèche et qu'il garde pendant les périodes d'indisponibilité de sa mère. La valeur probante de ces témoignages, qui ne saurait être mise en doute au seul motif qu'ils sont postérieurs à la décision contestée, est confirmée par la production de vingt-huit photographies attestant de la présence de M. A...auprès de sa fille à sa naissance, à ses anniversaires, lors de sorties et de voyages. Enfin, M. A...produit des factures démontrant qu'il subvient, dans la mesure de ses possibilités, à l'entretien de sa fille en lui achetant notamment des vêtements et des jouets. Par suite, eu égard à la réalité et à l'intensité des liens noués par M. A...avec son jeune enfant, l'arrêté contesté a méconnu les stipulations précitées de la convention internationale relative aux doits de l'enfant. Par suite, cet arrêté doit être annulé.
4. Il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, l'annulation prononcée par le présent arrêt, eu égard au motif qui la fonde, implique que, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, le préfet délivre à M. A...une autorisation provisoire de séjour et réexamine sa situation. Il y a lieu d'adresser au préfet d'Ille-et-Vilaine une injonction en ce sens et de fixer à deux mois le délai imparti pour son exécution.
Sur les frais de l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser au conseil de M. A... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1801870 du tribunal administratif de Rennes en date du 1er juin 2018 et l'arrêté du 23 avril 2018 du préfet d'Ille-et-Vilaine sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer la situation de M. A...et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à MeB..., conseil de M.A..., la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mars 2019.
Le rapporteur,
E. BerthonLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT03594