3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Caen la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que, s'il est exact qu'elle a déjà obtenu par une ordonnance de référé en date du 9 décembre 2008 la désignation d'un expert judiciaire afin de déterminer si des fautes avaient été commises lors de sa prise par le centre hospitalier universitaire de Caen (CHU) et qu'elle n'a pas été en mesure à l'époque de s'acquitter du paiement de l'allocation provisionnelle conditionnant le déroulement des opérations d'expertise, c'est à tort que le premier juge a estimé que, par la lettre qu'elle avait alors transmise à l'expert, elle entendait renoncer à son action ; elle est en droit de solliciter à nouveau une expertise.
Par des mémoires enregistrés les 11 et 30 mai 2016, le centre hospitalier universitaire de Caen, représenté par MeG..., conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que la demande d'expertise présentée par Mme E...n'est pas fondée.
Par un mémoire enregistré le 23 mai 2016, la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance attaquée du 1er avril 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Caen ;
2°) d'ordonner l'expertise médico-légale sollicitée et de la rendre commune à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).
Elle fait valoir que :
- aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que Mme E...aurait " informé l'expert qu'elle entendait renoncer à son action " ; à supposer le propos établi, il ne saurait emporter aucune conséquence juridique, n'équivalant pas à un désistement ;
- elle a intérêt à l'expertise sollicitée dès lors que le montant des débours exposés pour son assurée sociale s'élève à la somme de 67 596,70 euros et que son action est justifiée, contrairement à ce qu'avance le juge des référés, par des perspectives contentieuses ;
- l'expertise sollicitée ne saurait être confiée à nouveau au docteur Desplanches, qui a été sanctionné par le conseil régional de l'ordre des médecins de Haute-Normandie à la suite d'une initiative qu'elle avait prise à son encontre ;
- ses débours, qui sont composés exclusivement de dépenses de santé actuelles, s'élèvent à la somme de 67 596,70 euros et ne sont donc pas susceptibles de concours avec les dépenses exposées par la victime ;
- elle s'en rapporte à la justice sur la participation de l'ONIAM aux opérations d'expertise sollicitées.
Par un mémoire enregistré le 26 mai 2016, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par MeB..., demande à la cour de prendre acte de ce qu'il conteste sa mise en cause, de définir la mission de l'expert de manière précise et de mettre à la charge de Mme E...l'avance des frais d'expertise.
II) Vu la procédure suivante dans l'instance 16NT01237 :
Par une requête enregistrée le 14 avril 2016, la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance attaquée du 1er avril 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Caen ;
2°) d'ordonner l'expertise médico-légale sollicitée et de la rendre commune à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).
Elle fait valoir les mêmes moyens que dans l'instance n°16NT01217 visée ci-dessus.
Par un mémoire enregistré le 26 mai 2016 l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par MeB..., demande à la cour de prendre acte de ce qu'il conteste sa mise en cause, de définir la mission de l'expert de manière précise et de mettre à la charge de Mme E...l'avance des frais d'expertise.
Par un mémoire enregistré le 31 mai 2016, le centre hospitalier universitaire de Caen, représenté par MeG..., conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que la demande d'expertise présentée par la CPAM du Calvados n'est pas fondée.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.
1. Considérant que les requêtes n° 16NT01217 présentée par Mme E...et n° 16NT01237 présentée par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Calvados sont dirigées contre une même ordonnance et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise (...) " ; que l'octroi d'une telle mesure est subordonné à son utilité pour le règlement d'un litige principal, appréciée en tenant compte notamment de l'existence d'une perspective contentieuse recevable, des possibilités ouvertes au demandeur pour arriver au même résultat par d'autres moyens et de l'intérêt de la mesure pour le contentieux né ou à venir ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme E...a été hospitalisée au centre hospitalier universitaire de Caen du 6 janvier au 1er février 2008 pour une intervention chirurgicale de plastie mitrale et double pontage ; que de nombreuses complications ont suivi cette intervention ; que MmeE..., estimant que la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Caen était susceptible d'être engagée, a, le 31 octobre 2008, saisi le juge des référés du tribunal administratif de Caen d'une demande d'expertise médicale afin de déterminer si des fautes ou des manquements avaient été commis par le centre hospitalier universitaire de Caen (CHU) lors de sa prise en charge ; que, par une ordonnance du 9 décembre 2008, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a fait droit à cette demande et désigné le docteur Desplanches en qualité d'expert ; que cependant, Mme E...ayant fait savoir à cet expert qu'elle n'était pas en mesure d'assurer le paiement de l'allocation provisionnelle qui lui était accordée et qu'elle entendait " renoncer à poursuivre sa plainte ", le même juge des référés a, par une ordonnance du 5 décembre 2012, décidé de " mettre fin " à l'expertise qui avait été précédemment ordonnée par lui ; que, saisi à nouveau le 31 décembre 2015 par MmeE..., le juge des référés du tribunal administratif de Caen a, par une ordonnance du 1er avril 2016, rejeté la nouvelle demande d'expertise présentée par elle ; que, par les requêtes respectivement enregistrées sous les n° 16NT01217 et 16NT01237, Mme E...et la CPAM du Calvados relèvent appel de cette ordonnance ;
4. Considérant que les circonstances rappelées ci-dessus dans lesquelles il a été mis un terme à la mesure d'expertise ordonnée le 9 décembre 2008 ne sauraient, à supposer même que le courrier adressé à l'expert par Mme E...eût l'apparence d'un désistement d'instance, priver l'intéressée de la faculté qu'elle conserve de rechercher devant le juge, dans le délai prescrit par les dispositions de l'article L.1142-29 du code la santé publique, la responsabilité du centre hospitalier, au besoin après avoir recouru à une nouvelle mesure d'expertise ; que la demande de désignation d'expert formulée par elle le 31 décembre 2015 était, de même que la demande à laquelle il avait été fait droit le 9 décembre 2008, justifiée par des perspectives contentieuses ; qu'au surplus la CPAM du Calvados, qui est en droit de poursuivre le remboursement des débours exposés pour son assurée sociale dans les suites de l'intervention litigieuse, a également intérêt à l'organisation d'une expertise ; que, dans ces conditions, l'expertise sollicitée par Mme E...présentait, contrairement à ce qu'a estimé le juge de première instance, un caractère d'utilité au sens de l'article R. 532-1 du code de justice administrative ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...et la CPAM du Calvados sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a rejeté la demande d'expertise présentée par MmeE... ; qu'il y a lieu d'annuler cette ordonnance et de faire droit à la demande des requérantes en assignant à l'expert la mission définie dans le dispositif du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
6.Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CHU de Caen le versement à Mme E...de la somme de 800 euros qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1502588 du juge des référés du tribunal administratif de Caen du 1er avril 2016 est annulée.
Article 2 : Il sera procédé à une expertise médicale contradictoire entre les parties. L'expertise est déclarée commune à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Article 3 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président du tribunal administratif.
Article 4 : L'expert aura pour mission de :
- prendre connaissance du dossier médical complet de Mme E...et se faire communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de l'intéressée et, notamment, tous documents relatifs aux soins, actes, interventions pratiqués sur elle lors de sa prise en charge par le centre hospitalier universitaire de Caen du 6 janvier au 1er février 2008 et, le cas échéant, entendre toute personne du service hospitalier ou tout praticien ayant donné des soins à Mme E...;
- examiner MmeE..., décrire son état de santé avant et après les interventions subies et les soins administrés auprès du centre hospitalier universitaire de Caen, décrire son état de santé actuel et retracer en tant que de besoin son histoire médicale ;
- déterminer si les interventions et soins dont elle a fait l'objet étaient justifiés au regard de sa situation médicale et si un autre traitement aurait permis d'éviter les conséquences de l'évolution de son état de santé ;
- réunir tous éléments permettant d'apprécier si Mme E...a été informée du risque, notamment d'infection, lié aux interventions et actes médicaux qu'elle a subis ;
- apporter tous éléments permettant au tribunal d'apprécier si les obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales ont été respectées par le centre hospitalier universitaire de Caen ;
- d'une manière générale, réunir tous éléments devant permettre de déterminer si des fautes médicales, de diagnostic, de soins, dans l'organisation ou le fonctionnement du service ont été commises lors de la prise en charge de l'intéressée par le centre hospitalier universitaire de Caen du 6 janvier au 1er février 2008 au sein de cet établissement ;
- dire si les préjudices subis par Mme E...sont directement imputables à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins ;
- dire si Mme E...a, en lien direct avec les soins ou actes dispensés au centre hospitalier universitaire de Caen, été victime d'une infection de type nosocomial ; dans l'affirmative, dire quel acte médical ou paramédical a été rapporté comme étant à l'origine de l'infection et par qui il a été pratiqué ; le cas échéant, préciser à quelle date ont été constatés les premiers signes d'infection, a été porté le diagnostic et a été mise en oeuvre la thérapeutique, déterminer l'origine de l'infection et les causes possibles de cette infection et préciser si l'infection résulte d'une cause étrangère, liée notamment à la personne de Mme E... ou à sa pathologie initiale ;
- indiquer si l'état de santé de Mme E...est ou non consolidé ; dans la négative, préciser s'il est susceptible d'amélioration ou d'aggravation, ainsi que le délai à l'issue duquel il pourra être procédé à un nouvel examen ;
- dégager l'ensemble des éléments propres à justifier l'indemnisation des préjudices subis, sous tous ses aspects, en relation stricte avec cette infection, en particulier :
les préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :
- les dépenses de santé actuelles,
- les pertes de gains professionnels actuels,
- les frais divers.
les préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation) :
- les dépenses de santé futures,
- les pertes de gains professionnels futurs,
- l'incidence professionnelle,
- les frais de logements et de véhicules adaptés,
- l'assistance par une tierce personne,
- les frais divers.
les préjudices extrapatrimoniaux temporaires (avant consolidation) :
- le déficit fonctionnel temporaire,
- les souffrances endurées,
- le préjudice esthétique temporaire.
les préjudices extrapatrimoniaux permanents (après consolidation) :
- le déficit fonctionnel permanent,
- le préjudice esthétique permanent,
- le préjudice sexuel,
- le préjudice d'agrément,
- les autres préjudices éventuels.
L'expert disposera des pouvoirs d'investigation les plus étendus. Il pourra entendre tous sachants, recueillir tous documents et renseignements, faire toutes constatations ou vérifications propres à faciliter l'accomplissement de sa mission. Il est enjoint aux parties, tant demanderesse que défenderesse, dans le délai de huit jours à partir de la demande qui leur en sera adressée par lettre recommandée avec accusé de réception par l'expert, d'avoir à fournir toutes les pièces qu'elles pourraient détenir et dont la production s'avérerait nécessaire à l'accomplissement de la mission ici définie.
Article 5 : Le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la cour en deux exemplaires et l'expert en notifiera des copies aux parties, dans le délai de quatre mois suivant la prestation de serment, notification qui pourra s'opérer sous forme électronique avec l'accord des parties.
Article 6 : L'expert appréciera l'utilité, pour lui, de soumettre au contradictoire des parties un pré-rapport qui, s'il est rédigé, ne pourra avoir pour effet de conduire à dépasser le délai fixé à l'article 5 ci-dessous.
Article 7 : Les frais et honoraires de l'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président du tribunal liquidera et taxera ces frais et honoraires.
Article 8 : Le CHU de Caen versera à Mme E...la somme de 800 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...E..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados, au centre hospitalier universitaire de Caen et à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des maladies iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Lemoine, premier conseiller.
Lu en audience publique le 30 juin 2016.
Le rapporteur,
O. CoiffetLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. D...
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT01217, 16NT01237