Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 octobre 2016 et 7 mars 2017 M. B...-L...H..., M. B...H..., M. A...H..., M. D...H..., Mme E...H...et Mme G...H..., représentés par MeF..., demandent à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rennes du 30 septembre 2016 ;
2°) de condamner l'établissement public de santé mentale Jean-Martin Charcot à leur verser, à titre de provision, la somme de 85 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de cet établissement hospitalier le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la responsabilité de l'établissement public de santé mentale Jean-Martin Charcot ressort sans conteste des rapports d'enquête de gendarmerie et du rapport d'examen médico-légal ; le décès de MmeH... résulte d'une faute de l'établissement ;
- la carence du personnel soignant, qui a reconnu ignorer les consignes d'utilisation de la contention, est la cause directe du décès, alors que le fabricant avait indiqué la nécessité d'assortir la contention de la pose de barrières latérales de lit ; par ailleurs l'établissement ne disposait pas de matériel adapté ;
- à supposer que le décès ait pour origine une crise d'épilepsie, il n'est pas établi que le personnel hospitalier se soit assuré de la prise, par la patiente, de son traitement anti-épileptique au bon dosage ;
- le préjudice d'angoisse de mort imminente sera évalué à la somme de 10 000 euros et les souffrances endurées par Mme H...à la somme de 20 000 euros ;
- la durée de vie commune, la douleur de connaître les circonstances particulièrement brutales du décès de son épouse, ainsi que sa situation de solitude, justifient l'allocation à M. B... H...d'une somme de 20 000 euros au titre de la douleur morale et des troubles dans ses conditions d'existence ;
- la douleur morale et les troubles dans les conditions d'existence des deux fils de Mme H..., Jean-Laurent et Eric, justifient l'allocation à chacun d'une somme de 10 000 euros ;
- les trois petits enfants de MmeH..., Paul, Sonia et Camille ont toujours entretenu des relations affectives continues et stables avec leur grand-mère et leur douleur morale sera justement appréciée par l'allocation à chacun d'une somme de 5 000 euros.
Par un mémoire enregistré le 8 mars 2017 l'établissement public de santé mentale Jean-Martin Charcot, représenté par MeK..., conclut au rejet de la requête des consorts H...et à ce que soit mise à leur charge la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que les moyens invoqués par les consorts H...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Perrot,
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.
1. Considérant que Mme J...H..., née en 1940, épileptique et atteinte de démence, a été hospitalisée à compter du 16 janvier 2014 à l'établissement public de santé mentale Jean-Martin Charcot à Caudan (Morbihan) ; qu'elle a été retrouvée morte dans sa chambre au matin du 10 février 2014 ; que son mari, M. B...H..., ses fils Jean-Laurent et Eric et ses petits-enfants Paul, Sonia et Camille ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes de condamner l'établissement hospitalier à leur verser une provision de 85 000 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices résultant pour eux de ce décès ; que, par une ordonnance du 30 septembre 2016, le président du tribunal, juge des référés, a rejeté leur demande ; que les consorts H...relèvent appel de cette ordonnance ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier des pièces de la procédure pénale et du rapport d'autopsie, que Mme J...H...a été victime, dans sa chambre de l'établissement public de santé mentale, d'un syndrome asphyxique par suffocation alors qu'elle avait été, en raison de son état de santé, attachée pour la nuit à son lit par une ceinture de contention abdominale à deux points de fixation ; que, selon les prescriptions non contestées du fabricant du matériel de contention, ce mode de contention ne devait être utilisé qu'accompagné des barrières de protection latérale afin d'éviter les risques de strangulation ; qu'il n'est, en l'état actuel de l'instruction, contesté ni par le personnel infirmier ni par le médecin chargé du suivi médical de Mme H...qu'aucune barrière latérale n'avait été fixée au lit de cette dernière au cours de la nuit du 9 au 10 février 2014 ; que, quelle que soit la cause - crise d'épilepsie ou geste de démence - qui a provoqué le basculement de la patiente sur le côté du lit et entraîné son décès par asphyxie sur suspension abdominale ou thraco-abdominale, il n'est pas contestable que la présence de barrières de protection latérales aurait fait obstacle à cette cause avérée du décès ; que, par suite, l'obligation dont se prévalent les consorts H...à l'encontre de l'établissement public de santé mentale Jean-Martin Charcot présente, en l'état de l'instruction et contrairement à ce qu'a estimé le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, le caractère non sérieusement contestable requis par les dispositions précitées du code de justice administrative ;
4. Considérant que le préjudice d'angoisse de mort imminente et les souffrances endurées par Mme H...ne sont, quel que soit l'état de conscience dans lequel elle a pu alors se trouver, pas contestables dans leur principe ; qu'il en est de même de la souffrance morale et des troubles dans les conditions d'existence endurés par son mari, ainsi que du préjudice moral subi par les enfants et petits-enfants de la victime ; qu'en l'état de l'instruction le montant total de ces préjudices peut, à titre de provision, être évalué à 30 000 euros ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts H...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée du 30 septembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ; qu'il y a lieu de condamner l'établissement public de santé mentale Jean-Martin Charcot à leur verser à titre de provision les somme de 30 000 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des consortsH..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par l'établissement public de santé mentale Jean-Martin Charcot ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les consorts H...et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1603663 du 30 septembre 2016 du président du tribunal administratif de Rennes, juge des référés, est annulée.
Article 2 : L'établissement public de santé mentale Jean-Martin Charcot est condamné à verser aux consorts H...la somme provisionnelle globale de 30 000 euros.
Article 3 : L'établissement public de santé mentale Jean-Martin Charcot versera aux consorts H...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par l'établissement public de santé mentale Jean-Martin Charcot au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...-L...H..., M. B...H..., M. A...H..., M. D...H..., Mme E...H...et Mme G...H...et à l'établissement public de santé mentale Jean-Martin Charcot.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2017 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique le 31 mars 2017.
Le président-rapporteur,
I . Perrot
L'assesseur,
O. Coiffet
Le greffier,
M. I...
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT03396