Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 mars 2020, M. E... G... A..., représenté par Me Philippon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 mars 2020 ;
2°) de renvoyer en conséquence l'affaire devant le tribunal administratif de Nantes ;
3°) subsidiairement, d'annuler les arrêtés du 6 mars 2020 du préfet de Maine-et-Loire ;
4°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer un récépissé dans le délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le délai de quarante-huit heures, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier : les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ont été méconnues dès lors que l'ensemble des signatures n'apparaît pas sur la copie du jugement qu'il a reçue ; le requérant comme son avocat ne se sont pas présentés à l'audience à laquelle était inscrite le dossier suite à l'annonce, le 16 mars 2020, par le tribunal administratif sur son site internet du renvoi de l'ensemble des audiences à l'exception des audiences du juge des référés ; le premier juge a méconnu les règles de procédures en lui opposant un document non traduit rédigé en anglais ;
- l'arrêté portant transfert aux autorités belges est irrégulier : il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, lu au regard de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'il n'a disposé des informations exigées par l'article 4 du règlement précité que postérieurement à sa prise d'empreinte ; les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 sont méconnues en ce qu'il n'a pu faire valoir la présence de ses deux soeurs sur le territoire national ainsi que le soutien d'une association d'aide aux personnes homosexuelles, révélant ainsi un défaut d'examen sérieux de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Rivas a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant burkinabé né le 9 septembre 1983, a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français le 22 décembre 2019 où il a sollicité l'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique le 31 décembre suivant. Suite au relevé de ses empreintes et à la consultation du fichier VISABIO, il a été constaté qu'il était en possession d'un visa en cours de validité délivré par les autorités belges. Consécutivement à leur saisine par le préfet de la Loire-Atlantique, ces autorités ont explicitement accepté son transfert. Par deux arrêtés du 6 mars 2020, le préfet de Maine-et-Loire a, d'une part, ordonné la remise de M. A... à ces autorités et, d'autre part, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... relève appel du jugement du 19 mars 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, la minute du jugement ne serait pas signée manque en fait.
3. En deuxième lieu, M. A... soutient que le jugement est intervenu au terme d'une procédure irrégulière dès lors que, convoqué le 11 mars 2020, ainsi que son avocat, pour une audience prévue le mardi 17 mars 2020 au tribunal administratif de Nantes, un communiqué publié sur le site internet de ce tribunal a ensuite indiqué, au titre des "mesures sanitaires COVID 19", que les audiences étaient renvoyées à l'exception des audiences du juge des référés. Or l'audience a été tenue le 17 mars 2020 à 11 heures en son absence et en celle de son conseil. Toutefois, la simple production d'une copie d'écran du site public du tribunal comportant au demeurant deux dates, les 13 mars 2020 et 16 mars 2020, ne permet pas d'établir la date et l'heure à laquelle l'information concernant des reports d'audience aurait été donnée au public. Surtout, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'a reçu aucune information du greffe de ce même tribunal l'informant d'un renvoi de son affaire, alors qu'a été mis à la disposition de son conseil, le 16 mars 2020 à 17H21, le mémoire en défense du préfet de Maine-et-Loire. Enfin, l'audience s'est tenue le 17 mars à 11 heures, soit avant l'heure de la limitation des déplacements annoncée la veille à 20 H par le Président de la République. Par suite, et alors que la page internet dont se prévaut M. A... indiquait également le maintien d'un accueil téléphonique avec mentions d'un numéro de téléphone et d'une adresse de courriel du greffe, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est intervenu au terme d'une procédure irrégulière.
4. En troisième lieu, M. A... soutient que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a méconnu les règles de la procédure contentieuse en lui opposant que les autorités belges ont donné leur accord explicite à son transfert par référence à un document rédigé en langue anglaise, communiqué par le préfet, et qui n'a pas été traduit en français. Toutefois, si ce document émanant de l'application " Dublinet " est rédigé en anglais, cette circonstance n'a privée M. A... d'aucune garantie dès lors, d'une part, que les autorités belges ont bien donné leur accord explicite à son transfert et que, d'autre part, l'arrêté litigieux fait état de cet accord lui permettant ainsi de le contester. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier en raison de l'absence de traduction dudit document.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ".
6. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
7. M. A... fait valoir qu'il a reçu tardivement, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile à la préfecture, l'information prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 alors qu'elle aurait dû lui être délivrée au plus tard lors du recueil des empreintes. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé s'est vu remettre, le 31 décembre 2019, soit le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées, en langue française. Il a indiqué que ces documents lui ont été remis dans une langue qu'il déclare comprendre et que leur contenu lui a été communiqué oralement et qu'il les a comprises. Dès lors, et nonobstant les dispositions de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, relatif à l'entretien individuel : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 5. L'entretien individuel (...) est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. (...) ".
9. M. A... soutient qu'il a été dissuadé lors de l'entretien individuel conduit en préfecture en application de ces dispositions de mentionner la présence en France de deux de ses soeurs disposant d'un droit au séjour, ainsi que son accompagnement par une association d'aide aux personnes homosexuelles. D'une part, une telle circonstance n'est pas établie par les pièces du dossier. D'autre part, l'arrêté préfectoral contesté mentionne explicitement la présence en France, en situation régulière, de l'une de ses soeurs chez qui il résiderait depuis son arrivée en Loire-Atlantique et plus largement sa situation personnelle et familiale. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. Il s'ensuit que les moyens tirés de la violation de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et du défaut d'examen complet de sa situation ne peuvent qu'être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 6 mars 2020 du préfet de Maine-et-Loire. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. E... G... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.
Lu en audience publique, le 2 octobre 2020.
Le rapporteur,
C. Rivas
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01148