Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 juin 2020, Mme C... A..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 11 juin 2020 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 26 mai 2020 du préfet de Maine-et-Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer un récépissé dans le délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de deux mois et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 48 heures, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
en ce qui concerne la régularité du jugement : il n'est pas établi que le jugement aurait été signé ; c'est à tort que le magistrat n'a pas rouvert l'instruction pour communiquer les documents médicaux qu'elle lui a présentés après la clôture d'instruction mais avant la lecture du jugement ;
en ce qui concerne l'arrêté de transfert :
- il est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation particulière et l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile avec un risque de violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard au risque réel de renvoi en Erythrée et à son état de santé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A..., ressortissante érythréenne née le 20 octobre 1962, est entrée irrégulièrement en France le 10 février 2020, selon ses déclarations, et a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique qui a été enregistrée le 13 février suivant. A la suite du relevé de ses empreintes digitales, il a été constaté que l'intéressée avait déposé une demande d'asile auprès des autorités suédoises, ses empreintes digitales ayant été enregistrées en tant que demandeur d'asile dans le fichier Eurodac par ces autorités. Consécutivement à leur saisine le 14 février 2020, les autorités suédoises ont explicitement accepté de la reprendre en charge le 17 février 2020 sur le fondement du d) du I de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 Par deux arrêtés du 26 mai 2020 le préfet de Maine-et-Loire a décidé, d'une part, de transférer l'intéressée aux autorités suédoises et, d'autre part, de l'assigner à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de 45 jours. Par un jugement du 11 juin 2020, dont Mme A... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de ces arrêtés.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.
3. Il ressort des pièces du dossier que postérieurement à l'audience qui s'est tenue le 9 juin 2020 à 14H30 au tribunal administratif de Nantes, le conseil de Mme A... a communiqué au tribunal des pièces médicales concernant cette dernière, introduites par un bordereau. Ces pièces constituées d'une biochimie plasmatique, d'un hémogramme, des résultats d'une analyse de sang, d'une convocation pour une consultation ainsi que d'ordonnances médicales, au demeurant datant de quelques mois, n'étaient pas constitutives de circonstances de fait que le premier juge ne pouvait ignorer ou qu'il devait relever d'office. Par suite, c'est sans entacher le jugement attaqué d'irrégularité que la production de ces documents a été visée mais qu'ils n'ont pas été communiqués.
4. En second lieu, le moyen tiré de ce que, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, la minute du jugement ne serait pas signée manque en fait.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.
6. La décision litigieuse de transfert de Mme A... auprès des autorités suédoises vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que diverses dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application. Elle relève que l'intéressée a présenté une demande d'asile en France et que les recherches entreprises sur le fichier Eurodac ont fait apparaître qu'elle a déposé une première demande d'asile en Suède. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision ne satisferait pas à l'exigence légale de motivation doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)". L'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
8. D'une part, Mme A... ne produit pas de documents médicaux qui permettent de démontrer que son état de santé la placerait dans une situation d'exceptionnelle vulnérabilité alors même qu'elle justifie de traitements médicaux pour une pathologie diabétique de type 2, d'une hypothyroïdie, d'une sténose aortique et de troubles anxieux et dépressifs. Il ressort en revanche des pièces produites que l'intéressée a déjà été prise en charge pour ces différentes pathologies lorsqu'elle séjournait en Suède. D'autre part, l'arrêté litigieux n'a ni pour objet ni pour effet de la renvoyer dans son pays d'origine. Les documents produits n'attestent pas que, de retour en Suède, elle ne pourrait faire valoir tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation qui prévaut en Erythrée. Il n'est par ailleurs pas établi qu'elle aurait été obligée de quitter le territoire suédois pour l'Erythrée en 2020 alors que le document produit indique que son éventuel départ est subordonné à la demande par l'intéressée d'un document de voyage valide auprès des autorités Erythréennes. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché la décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement précité et aurait méconnu, par ricochet, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En troisième lieu, pour les motifs exposés au point précédent, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation et des conséquences de son transfert en Suède, au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile et de son état de santé.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 26 mai 2020 du préfet de Maine-et-Loire. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 novembre 2020.
Le rapporteur,
C. B...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01719