Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 juin 2017 et 15 février 2018, l'association des citoyens contribuables de Touraine et de Bretagne (CCTB), représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 avril 2017 ;
2°) d'annuler le contrat de délégation de service public conclu entre le département du Morbihan et la compagnie Océane, ainsi que la délibération du 18 novembre 2014 autorisant sa conclusion ;
3°) de mettre à la charge solidaire de la région Bretagne, venant aux droits du département du Morbihan, et de la société Compagnie Océane la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son recours contre le contrat est recevable ;
- la délibération du 18 novembre 2014 autorisant la signature de la convention de délégation est illégale en raison de l'absence de publicité de la séance du conseil général, de l'absence d'information suffisante des conseillers généraux, de l'insuffisance des visas et de l'absence des annexes, de l'absence de consultation du comité technique paritaire, de l'absence de mention de l'avis de ce comité, de l'irrégularité de la délégation de signature au bénéfice du directeur général des services, de l'irrégularité de la composition de la commission consultative des services publics locaux, de l'irrégularité du rapport du président sur la DSP et de l'intervention de sous-traitant ;
- le contrat doit être requalifié en marché public ;
- les tarifs sont inadaptés et contraires à l'intérêt général.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 27 septembre 2017 et le 19 février 2018, la région Bretagne conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'association des citoyens contribuables de Touraine et de Bretagne en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable ;
- la demande de première instance n'était pas recevable ;
- aucun des moyens soulevés n'est fondé ;
- les moyens soulevés ne sont pas opérants.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2017, la société Compagnie Océane conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'association des citoyens contribuables de Touraine et de Bretagne en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable ;
- les moyens soulevés sont inopérants ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 8 mars 2018, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des transports ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lainé, président de chambre,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant l'association citoyens contribuables de Touraine et de Bretagne, de MeE..., représentant la SAS Océane, et de MeA..., représentant la région Bretagne.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 18 novembre 2014, le conseil général du Morbihan, aux droits duquel vient la région Bretagne en vertu de l'article L. 5431-1 du code des transports, a décidé de déléguer l'exploitation du service public de desserte en biens et personnes des îles de Belle-Ile-en-Mer, Groix, Houat et Hoëdic, pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2020, à la société Compagnie Océane et a autorisé son président à signer la convention de délégation avec celle-ci. Ce contrat a été signé le 3 décembre 2014. Par un jugement du 6 avril 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de l'association des citoyens contribuables de Touraine et de Bretagne et de M. et Mme F...tendant à l'annulation de ce contrat. L'association relève appel de ce jugement et demande en appel, non seulement l'annulation du contrat signé le 3 décembre 2014 mais également de la délibération du conseil général du Morbihan du 18 novembre 2014.
2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Ce recours doit être exercé dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini.
3. L'intérêt à agir s'apprécie à la date d'introduction de la demande devant le tribunal administratif. En l'espèce, le 19 janvier 2015, lorsqu'elle a introduit sa demande devant le tribunal administratif de Rennes, l'association aujourd'hui dénommée association des citoyens contribuables de Touraine et de Bretagne, était dénommée association des citoyens contribuables de Touraine et ses statuts, silencieux quant à son ressort géographique à l'exception de la mention figurant dans sa dénomination, mentionnaient comme siège social le domicile de son président dans le département d'Indre-et-Loire. À cette date, en l'absence de toute autre mention dans ses statuts, l'association devait donc être regardée comme ayant un ressort géographique limité à la Touraine. Si elle a complété sa dénomination et précisé son objet social en cours de procédure de première instance, par une modification de la rédaction de l'article 2 de ses statuts en vertu d'une décision de son assemblée générale extraordinaire du 18 septembre 2015 qui a fait l'objet d'une déclaration du 21 septembre publiée au JORF du 3 octobre 2015, en y ajoutant la mention de la Bretagne, cette modification n'existait pas à la date d'introduction de sa demande devant le tribunal administratif de Rennes. Dans ces conditions, eu égard au seul champ d'intervention résultant de ses statuts alors applicables, elle ne pouvait se prévaloir d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine par le contrat signé le 3 décembre 2014 entre le département du Morbihan et la société Compagnie Océane pour l'exploitation du service public de desserte des personnes et des biens des îles bretonnes de Belle-île-en-Mer, Groix, Houat et Hoëdic. Ainsi, la demande de première instance était irrecevable en tant qu'elle émanait de l'association " citoyens contribuables de Touraine ", alors même que celle-ci est devenue ultérieurement l'association " citoyens contribuables de Touraine et de Bretagne ".
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête d'appel et d'examiner les moyens de celle-ci, que l'association des citoyens contribuables de Touraine et de Bretagne n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 6 avril 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en contestation de la validité du contrat de délégation de service public signé le 3 décembre 2014 entre le département du Morbihan et la société Compagnie Océane.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. D'une part, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Bretagne et de la société Compagnie Océane la somme que l'association des citoyens contribuables de Touraine et de Bretagne, partie perdante, demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association, au titre des frais de même nature exposés par la région Bretagne et la société Compagnie Océane, le versement d'une somme de 1 000 euros chacune.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'association des citoyens contribuables de Touraine et de Bretagne est rejetée.
Article 2 : L'association des citoyens contribuables de Touraine et de Bretagne versera à la région Bretagne et à la société Compagnie Océane une somme de 1 000 euros (mille euros) chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association des citoyens contribuables de Touraine et de Bretagne, à la région Bretagne et à la société Compagnie Océane.
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 novembre 2018.
Le président de chambre, rapporteur,
L. LAINÉ
L'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,
N. TIGER-WINTERHALTER
Le greffier,
M. D...
La République mande et ordonne au préfet de la région Bretagne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 17NT01733