Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 septembre 2017, M. C...A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 mai 2017 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 13 avril 2017 du préfet de la Sarthe ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 700 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
. s'agissant de la décision de remise aux autorités norvégiennes :
- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;
- la décision est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013, qui permettent de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile ;
. s'agissant de la décision portant assignation à résidence : la décision est illégale en raison de l'illégalité qui entache la décision de remise aux autorités norvégiennes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2017, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. C...A...n'est fondé.
M. C...A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 août 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Besse.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...A..., ressortissant soudanais né le 1er janvier 1989, qui déclare être entré en France le 10 janvier 2017, a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de Maine-et-Loire le 24 janvier 2017. Les recherches effectuées sur le fichier Eurodac ayant révélé que ses empreintes avaient été précédemment relevées en Norvège le 13 juillet 2015, où sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 23 juin 2016, confirmée le 27 novembre 2016, le préfet de Maine-et-Loire a saisi le 24 mars 2017 les autorités norvégiennes d'une demande de reprise en charge de l'intéressé sur le fondement du d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le 25 janvier 2017, les autorités norvégiennes ont accepté cette reprise en charge. Par deux arrêtés du 13 avril 2017, notifiés le 16 mai 2017, le préfet de la Sarthe a décidé la remise de M. C... A...aux autorités norvégiennes et son assignation à résidence. M. C... A...relève appel du jugement du 19 mai 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
En ce qui concerne la décision de remise aux autorités norvégiennes :
2. En premier lieu, l'arrêté portant remise de M. C...A...aux autorités norvégiennes a été signé par M. Thierry Baron, secrétaire général de la préfecture de la Sarthe, qui disposait d'une délégation régulièrement consentie par le préfet de la Sarthe, par un arrêté du 6 mars 2017 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Sarthe du 21 mars 2017, à l'effet de signer " tous les arrêtés, décisions, circulaires et avis, relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Sarthe ", à l'exception de certains actes limitativement énumérés au nombre desquels ne figurent pas les décisions relatives à la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur du signataire de l'arrêté doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement,(...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...). ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de ne pas instruire la demande de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la natures desdites informations, leur délivrance complète par l'autorité administrative, notamment par la remise de la brochure prévue par les dispositions précitées, constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions figurant sur le formulaire qu'il a signé à l'issue de l'entretien individuel dont il a bénéficié le 24 janvier 2017, assisté d'un interprète en langue arabe, que M. C...A...a, à cette occasion, déclaré comprendre l'arabe, qui constitue au demeurant la langue officielle du Soudan. Il ressort en outre des mentions du compte rendu de cet entretien que M. C... A...a reçu communication du guide du demandeur d'asile, d'une brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure " Dublin " (guide B) et d'une brochure d'information sur le règlement Dublin contenant une information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes (guide A), rédigés dans cette langue et comprenant l'ensemble des informations requises par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par ailleurs, ce compte rendu d'entretien révèle que si M. C... A...déclare mal maîtriser l'arabe en raison de son appartenance au groupe ethnique Erenga, il a été mis à même de relater son parcours migratoire, d'exposer sa situation personnelle et familiale et de faire part des problèmes de santé dont il souffre. Dans ces conditions, et dès lors qu'il n'est pas démontré qu'il n'a pas été en mesure de bénéficier, par écrit et dans une langue qu'il comprend, des informations mentionnées à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, M. C... A..., n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux serait intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions précitées.
5. En troisième lieu, si M. C...A..., dont l'épouse réside au Soudan et qui n'établit pas ni même n'allègue disposer d'attaches familiales en France, fait valoir qu'il réside depuis plusieurs mois sur le territoire français où il démontre sa volonté de s'intégrer à la société française, ces circonstances ne sont pas de nature à établir qu'en décidant sa remise aux autorités norvégiennes, le préfet de la Sarthe aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. En quatrième et dernier lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". La décision de transfert de M. C...A...vers la Norvège n'ayant ni pour objet ni pour effet de le contraindre à retourner dans son pays d'origine, mais seulement de le remettre aux autorités de ce pays, l'intéressé, qui ne justifie pas au demeurant être personnellement exposé au risque de se voir infliger des traitements inhumains ou dégradants contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut utilement se prévaloir d'un tel risque en cas de retour dans son pays d'origine pour contester l'arrêté de remise aux autorités norvégiennes. Ainsi, les moyens tirés de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, l'arrêté contesté aurait été pris en méconnaissance des dispositions des articles 3.2 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
7. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet peut prendre une mesure d'assignation à résidence à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile et qui présente des garanties propres à prévenir le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement.
8. Compte-tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 5 du présent arrêt, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant remise de M. C...A...aux autorités norvégiennes doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 13 avril 2017 par lesquels le préfet de la Sarthe a décidé sa remise aux autorités norvégiennes et l'a assigné à résidence. Ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E...C...A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...C...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 novembre 2018.
Le rapporteur,
P. BesseLe président,
L. Lainé
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02913