o les dispositions de l'article 4 de la directive sont précises et inconditionnelles ; la directive permet aux Etats membres de ne pas confier la compétence de l'instruction des dossiers Dublin à l'autorité qui instruit les demandes d'asile, à condition que le personnel de cette autorité reçoive une formation nécessaire ; cette obligation résulte également de l'article 35 § 3 du règlement Dublin III ;
o en n'ayant pas édicté des dispositions internes pour permettre la qualification et l'identification de la personne chargée de l'entretien individuel, la France méconnait le règlement Dublin ;
- les dispositions de l'article 5. 6 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues ; le compte-rendu d'entretien est sommaire et n'indique même pas les questions posées ;
- il n'y a pas eu d'examen de sa situation personnelle, le préfet n'a pas pris en compte les éléments de son parcours, notamment en Espagne, et de sa vulnérabilité ;
- les dispositions de l'article 17 du règlement Dublin ont été méconnues ;
- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2019, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 1er février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant guinéen né en mars 1995, est entré en France, selon ses déclarations, en septembre 2018. Il a déposé, dans ce pays, une demande d'asile qui a été enregistrée le 1er octobre 2018. Par une décision du 25 octobre 2018, le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile. M. A... relève appel du jugement du 20 novembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 octobre 2018 portant transfert auprès des autorités espagnoles.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si M. A... soutient que le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a omis de répondre au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, il ressort des pièces du dossier que ce moyen n'avait été soulevé qu'à l'appui du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, sans plus de précision. Il ressort également des énonciations du jugement attaqué que le tribunal s'est bien prononcé sur ce moyen en indiquant, notamment, que " le requérant n'établit pas que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne mettant pas en oeuvre la possibilité dérogatoire prévue à l'article 17 précité ". Il suit de là que M. A... n'est pas fondé à invoquer un quelconque défaut de motivation.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ". Aux termes de l'article 35 du même règlement : " 1. Chaque Etat membre notifie sans délai à la Commission les autorités chargées en particulier de l'exécution des obligations découlant du présent règlement et toute modification concernant ces autorités. Les Etats membres veillent à ce qu'elles disposent des ressources nécessaires pour l'accomplissement de leur mission et, notamment, pour répondre dans les délais prévus aux demandes d'informations, ainsi qu'aux requêtes aux fins de prise en charge et de reprise en charge des demandeurs. / (...) 3. Les autorités visées au paragraphe 1 reçoivent la formation nécessaire en ce qui concerne l'application du présent règlement (...) ". Aux termes de l'article 1er de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale : " La présente directive a pour objet d'établir des procédures communes d'octroi et de retrait de la protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE ". Aux termes de l'article 4 de la même directive : " 1. Les Etats membres désignent pour toutes les procédures une autorité responsable de la détermination qui sera chargée de procéder à un examen approprié des demandes conformément à la présente directive. (...) / 2. Les Etats membres peuvent prévoir qu'une autorité autre que celle mentionnée au paragraphe 1 est responsable lorsqu'il s'agit : / a) de traiter les cas en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 (...). / 4. Lorsqu'une autorité est désignée conformément au paragraphe 2, les Etats membres veillent à ce que le personnel de cette autorité dispose des connaissances appropriées ou reçoive la formation nécessaire pour remplir ses obligations lors de la mise en oeuvre de la présente directive (...) ".
4. D'une part, si M. A... soutient qu'aucune disposition n'a été édictée pour assurer la transposition en droit interne des objectifs de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 rappelés au point 3 du présent arrêt, celles du paragraphe 5 de l'article 5 du règlement n° 604/2013 prévoyant que l'entretien individuel dont bénéficie le demandeur d'asile afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat responsable est " mené par une personne qualifiée en droit national ", sont, en tout état de cause, d'effet direct en droit interne. L'absence de texte spécifique précisant en droit français la notion de " personne qualifiée " au sens de ces dernières dispositions ne fait, par ailleurs, pas par elle-même obstacle à ce que les préfets de département territorialement compétents prennent les mesures nécessaires pour s'assurer que les agents placés sous leur autorité et affectés à l'accueil des demandeurs d'asile présentent une qualification suffisante pour l'accomplissement de cette mission, en particulier en leur assurant une formation ou, à tout le moins, l'accès à une information suffisante comme le prévoit la directive.
5. D'autre part, il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. A... qu'il a bénéficié, le 1er octobre 2018, soit avant l'intervention de la décision contestée, au sein des services de la préfecture de Maine-et-Loire, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement du 26 juin 2013. En l'absence notamment de tout élément permettant de supposer un défaut de formation ou d'accès à une information suffisante de l'agent ayant mené cet entretien, il ne ressort pas du dossier que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national.
6. Enfin, il ressort des pièces du dossier et notamment du compte-rendu de l'entretien mené le 1er octobre 2018, compte-rendu signé par M. A..., que les principales informations concernant la situation de l'intéressé ont été recueillies au cours de l'entretien, lequel vise en particulier à permettre de déterminer l'Etat membre responsable de la demande d'asile. L'appelant n'a aucunement fait état, avant d'apposer sa signature, de ce que le compte-rendu comporterait des informations inexactes ou que des informations pertinentes sur sa situation y feraient défaut. Dès lors, et alors qu'aucune disposition n'impose une citation des questions posées à l'intéressé, il ne ressort nullement des pièces du dossier que l'entretien du 1er octobre 2018 se serait déroulé dans des conditions non conformes.
7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 6 du présent arrêt que le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 et des dispositions de l'article 4 de la directive du même jour doit être écarté, dans toutes ses branches.
8. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté du 25 octobre 2018 ni des autres pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A... et n'aurait pas pris en compte les spécificités de son parcours avant de prononcer son transfert auprès des autorités espagnoles.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ". Si la mise en oeuvre, par les autorités françaises, des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 doit être assurée à la lumière des exigences définies par les dispositions du second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, en vertu desquelles les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif, la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
10. Si M. A... invoque les violences dont il aurait fait l'objet dans son pays d'origine ou l'état d'errance dans lequel il se serait trouvé au Maroc, la décision contestée du 25 octobre 2018 n'a ni pour objet, ni pour effet de l'obliger à se rendre en Guinée ou au Maroc. En outre, l'appelant n'apporte aucune précision ni aucune justification à l'appui de son allégation selon laquelle il n'aurait reçu aucune assistance médicale en Espagne ou quant aux craintes d'agression dans ce pays. Dans ces conditions, il n'est pas établi que les conditions de la prise en charge de M. A... et d'examen de sa demande d'asile en Espagne ne présenteraient pas les garanties exigées par le respect du droit d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile de M. A..., le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 octobre 2018 portant transfert auprès des autorités espagnoles.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées pour le compte de M. A... doivent donc être rejetées.
Sur les frais du litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande en application de ces dispositions et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique le 11 octobre 2019.
La rapporteure,
M. E...Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
M. C... La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°19NT00715 2