Mme A...a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'arrêté du 10 décembre 2018 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a renouvelé son assignation à résidence.
Par un jugement 1811754 du 14 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 18NT03894 le 30 octobre 2018 et le 11 décembre 2018, Mme A..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 octobre 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 24 septembre 2018 du préfet de Maine-et-Loire prononçant sa remise aux autorités espagnoles et l'assignant à résidence ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
en ce qui concerne la décision de réadmission en Espagne :
- les dispositions de l'article 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
- les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Espagne ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2019, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme A... n'est fondé.
Un mémoire présenté par le préfet de Maine-et-Loire a été enregistré le 18 février 2019.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 19NT00098 le 10 janvier 2019, MmeA..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 décembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2018 du préfet de Maine-et-Loire renouvelant son assignation à résidence ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- cet arrêté est illégal du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Espagne ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire, enregistré le 23 janvier 2019, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme A... n'est fondé.
Un mémoire présenté par le préfet de Maine-et-Loire a été enregistré le 18 février 2019.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions en date du 20 novembre 2018 et du 14 janvier 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Allio-Rousseau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. . Les requêtes n°18NT03894 et n°19NT00098 de Mme A...sont relatives à une même situation et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. Mme B...A..., née le 17 mai 1994 en Guinée-Bissau, déclare être entrée irrégulièrement sur le territoire français le 5 juillet 2018 et y a sollicité l'asile, le 20 juillet 2018, auprès des services de la préfecture de Maine-et-Loire. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Espagne le 17 juillet 2018. Par deux arrêtés du 24 septembre 2018, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné sa remise aux autorités espagnoles, qui avaient accepté explicitement sa prise en charge le 17 août 2018, et son assignation à résidence. Par un nouvel arrêté du 10 décembre 2018, le préfet de Maine-et-Loire a renouvelé l'assignation à résidence de MmeA.... Cette dernière relève appel des jugements du 4 octobre 2018 et du 14 décembre 2018 par lesquels les magistrats désignés par le président du tribunal administratif de Nantes ont rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces trois décisions.
Sur l'arrêté de transfert aux autorités espagnoles :
3. En premier lieu, compte tenu de l'objet de la décision de remise aux autorités espagnoles, qui par elle-même n'a pas pour effet d'éloigner Mme A...en Guinée-Bissau, le moyen tiré de ce que Mme A...serait exposée à des risques en cas de retour dans son pays d'origine doit être écarté comme inopérant.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre.
5. En se bornant à faire valoir qu'elle serait mariée avec un ressortissant sénégalais, qui faisait par ailleurs l'objet d'une obligation de quitter le territoire français notifiée le 30 juin 2018, qu'elle est enceinte, la naissance étant prévue pour le printemps 2019, et que les autorités espagnoles seraient dans l'incapacité d'examiner sa demande d'asile dans les meilleures conditions dès lors qu'elle ne parle pas l'espagnol, Mme A... n'établit pas que, compte tenu de cette situation, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision de remise aux autorités espagnoles d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles 3 et 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de sa situation personnelle. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 17 du même règlement doit être écarté.
6. En troisième lieu, pour les mêmes raisons et compte tenu de son entrée particulièrement récente en France à la date de l'arrêté en litige, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur les arrêtés portant assignation à résidence :
7. En premier lieu, il résulte des points 2 à 6 du présent arrêt que Mme A...n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités espagnoles.
8. En deuxième lieu, il ressort des pièces des dossiers que, par son arrêté du 24 septembre 2018, le préfet de Maine-et-Loire a prescrit à Mme A...de se présenter tous les jours sauf les week-ends et jours fériés à un commissariat de police situé dans la commune où elle réside. Le préfet de Maine-et-Loire a allégé cette obligation dans l'arrêté du 10 décembre 2018 en prescrivant à Mme A...de se présenter les mardis et jeudis hors jours fériés au même endroit. Si Mme A...produit un certificat médical établi le 7 décembre 2018 faisant état de ce qu'elle ne peut plus se déplacer avec facilité du fait de douleurs multiples, il ne ressort pas des pièces des dossiers que les modalités de son assignation à résidence à son domicile et celles de son renouvellement sont incompatibles avec son état de grossesse et son suivi médical. Par suite, la décision d'assignation à résidence et le renouvellement de cette assignation ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 6, la décision par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a décidé de renouveler l'assignation à résidence de Mme A...ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, les magistrats désignés par le président du tribunal administratif de Nantes ont rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, des décisions du préfet de Maine-et-Loire du 24 septembre 2018 et, d'autre part, de la décision du 10 décembre 2018. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes n° 18NT03894 et n° 19NT00098 de Mme A... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 26 février 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2019.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLa présidente,
N. Tiger-Winterhalter
Le greffier,
M. C... La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT03894 et 19NT00098