Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a retenu que la décision était entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'autre moyen soulevé par M. C... devant le tribunal administratif de Caen est inopérant et non fondé.
La requête a été communiquée à M. C..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
II. Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 6 juin 2019 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe a ordonné son maintien en régime contrôlé de détention.
Par un jugement n° 1902359 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Caen a annulé cette décision.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 septembre 2020 sous le numéro 20NT02978, le Garde des Sceaux ministre de la justice demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1902359 du tribunal administratif de Caen du 17 juillet 2020 ;
2°) de rejeter la demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif de Caen.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a retenu que la décision était entachée d'inexactitude matérielle des faits ;
- les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Caen ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. C..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Béria-Guillaumie, première conseillère,
- et les conclusions de M. Pons, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 20NT02974 et 20NT02978, présentées par le Garde des Sceaux, ministre de la Justice concernent la situation d'une même personne et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
2. M. B... C..., incarcéré au sein du centre pénitentiaire d'Alençon Condé-sur-Sarthe (Orne) depuis février 2017, a été placé en régime contrôlé de détention à compter du 1er février 2018. Par une décision du 27 septembre 2018, puis par une nouvelle décision du 6 juin 2019, le directeur du centre pénitentiaire a prolongé son placement en régime contrôlé de détention, avec des périodes d'observation minimale respectivement d'un mois et de quinze jours. Le Garde des Sceaux, ministre de la Justice relève appel des jugements des 17 juillet 2020 par lesquels le tribunal administratif de Caen a annulé les décisions du directeur du centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe des 27 septembre 2018 et 6 juin 2019.
3. L'article 717-1 du code de procédure pénale dispose que : " Dès leur accueil dans l'établissement pénitentiaire et à l'issue d'une période d'observation pluridisciplinaire, les personnes détenues font l'objet d'un bilan de personnalité. Un parcours d'exécution de la peine est élaboré par le chef d'établissement et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation pour les condamnés, en concertation avec ces derniers, dès que leur condamnation est devenue définitive. Le projet initial et ses modifications ultérieures sont portés à la connaissance du juge de l'application des peines. / La répartition des condamnés dans les prisons établies pour peines s'effectue compte tenu de leur catégorie pénale, de leur âge, de leur état de santé et de leur personnalité. Leur régime de détention est déterminé en prenant en compte leur personnalité, leur santé, leur dangerosité et leurs efforts en matière de réinsertion sociale. Le placement d'une personne détenue sous un régime de détention plus sévère ne saurait porter atteinte aux droits visés à l'article 22 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire (...) ". Aux termes de l'article D. 92 du même code : " Des modalités de prise en charge individualisées peuvent, pour l'application du deuxième alinéa de l'article 717-1, être appliquées, au sein de chaque établissement pénitentiaire, aux personnes détenues, en tenant compte de leur parcours d'exécution de la peine et de leur capacité à respecter les règles de vie en collectivité. Les modalités de prise en charge de chaque personne détenue sont consignées dans le parcours d'exécution de la peine ".
4. Par ailleurs, l'article 728 du code de procédure pénale dispose que : " Des règlements intérieurs types, prévus par décret en Conseil d'Etat, déterminent les dispositions prises pour le fonctionnement de chacune des catégories d'établissements pénitentiaires ". Aux termes de l'article R. 57-6-18 du même code : " Le règlement intérieur type pour le fonctionnement de chacune des catégories d'établissements pénitentiaires, comprenant des dispositions communes et des dispositions spécifiques à chaque catégorie, est annexé au présent titre. / Le chef d'établissement adapte le règlement intérieur type applicable à la catégorie dont relève l'établissement qu'il dirige en prenant en compte les modalités spécifiques de fonctionnement de ce dernier. Il recueille l'avis des personnels ". La fiche 1 du règlement intérieur de la maison centrale d'Alençon-Condé-sur-Sarthe, rédigé le 8 avril 2013, dispose que " 1. Régime de détention. / En maison centrale, les portes de cellules sont fermées. / Le régime de détention est l'encellulement individuel, conformément à l'article D. 93 et suivants du CPP. / La détention comprend 3 bâtiments principaux le QMC1 incluant le quartier arrivant, le QMC2 et le QMC3 ainsi que deux autres quartiers, le disciplinaire et l'isolement. / Le régime de détention du QMC1 impose des règles de vie plus strictes consistant principalement à une prise en charge spécifique par le personnel pénitentiaire se déclinant par l'accompagnement constant des personnes détenues lors de leur déplacement. / Le QMC1 accueille les condamnés dont le profil pénal répond aux critères d'affectation en maison centrale comme il en est disposé à l'article D. 80 du CPP ou ceux qui sont affectés sur ce type de structure en vertu de l'article D. 82 du CPP. / Les QMC2 et QMC3 accueillent des condamnés à de longues peines ne nécessitant pas d'un niveau de sécurité de type MC1. / Les modalités de leur prise en charge se réfèrent à l'article D. 92 du CPP pris en application de l'article 89 de la loi pénitentiaire, les personnes détenues sont placées à l'emprisonnement individuel (...) ".
Sur la décision de maintien en régime contrôlé de détention du 27 septembre 2018 :
5. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui se trouvait déjà en régime contrôlé de détention, au sein du centre pénitentiaire d'Alençon Condé-sur-Sarthe, a fait l'objet de nombreux comptes rendus d'incidents dont la fréquence s'est multipliée au cours du mois d'août 2018. Il a ainsi été relevé que l'intéressé s'exprimait auprès du personnel pénitentiaire d'un ton menaçant, les 7 et 12 août 2018, ou par des insultes, les 12, 13 et 14 août 2018, qu'il avait détérioré du matériel ou déclenché un début d'incendie les 14, 30 et 31 août 2018. Il ressort également des pièces du dossier que les 30 août 2018 et 20 septembre 2018, M. C... s'était vu infliger trois sanctions disciplinaires de 10 jours de cellule disciplinaire, 20 jours puis 12 jours respectivement en raison des insultes proférées les 13 et 14 août 2018, de coups portés le 15 août 2018 à un surveillant pénitentiaire, et du début d'incendie initié le 30 août 2018. Dans ces conditions, compte tenu des documents produits pour la première fois en appel par le ministre de la Justice, en prolongeant, par la décision du 27 septembre 2018 le placement en régime contrôlé de détention de M. C..., dont le comportement instable perdurait, le directeur du centre pénitentiaire d'Alençon Condé-sur-Sarthe n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation.
6. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. C... devant le tribunal administratif de Caen.
7. L'article R. 57-6-19 du code de procédure pénale dispose que : " Le règlement intérieur de l'établissement, de même que ses éventuelles modifications, est transmis pour approbation au directeur interrégional. Il est adressé pour information au juge de l'application des peines, au président du tribunal judiciaire et au procureur de la République ".
8. Devant le tribunal administratif de Caen, M. C... a invoqué, par voie d'exception, l'illégalité du règlement intérieur du centre pénitentiaire d'Alençon Condé-sur-Sarthe au motif que ce règlement n'aurait pas été transmis à la commission de surveillance, au directeur interrégional des services pénitentiaires et au juge de l'application des peines. Néanmoins, il ressort des pièces du dossier, notamment de la copie du règlement produite seulement en appel par le Garde des Sceaux, que le directeur interrégional des services pénitentiaires de Bretagne, Basse-Normandie et Pays de la Loire a apposé sa signature sur le règlement intérieur adopté en avril 2013, lui donnant ainsi son approbation. Par ailleurs, il résulte des dispositions citées au point précédent que le règlement intérieur est seulement transmis au juge de l'application des peines et que le défaut de cette transmission n'est pas une cause d'illégalité du règlement. Enfin aucune disposition législative ou règlementaire n'impose que le règlement intérieur de l'établissement soit communiqué à la commission de surveillance, les dispositions de l'article D. 255 du code de procédure pénale invoquées par l'intéressé ayant été abrogées le 4 mai 2013.
9. Il résulte de ce qui précède que le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement n° 1802812 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du directeur du centre pénitentiaire d'Alençon Condé-sur-Sarthe du 27 septembre 2018 ordonnant le maintien en régime contrôlé de détention de M. C....
Sur la décision de maintien en régime contrôlé de détention du 6 juin 2019 :
10. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui se trouvait déjà en régime contrôlé de détention, au sein du centre pénitentiaire d'Alençon Condé-sur-Sarthe, a continué à faire l'objet de plusieurs comptes rendus d'incidents dont la fréquence s'est multipliée au cours du mois de mai 2019. Il a ainsi été relevé que l'intéressé a insulté le personnel pénitentiaire, les 20 et 21 mai 2019, a eu des gestes menaçants à l'encontre du personnel, le 23 mai 2019, qu'il avait de nouveau détérioré du matériel, les 22 et 27 mai 2019. Il ressort également des pièces du dossier que les 5 décembre 2018 et 17 janvier 2019, M. C... s'était vu infliger de nouvelles sanctions disciplinaires. Dans ces conditions, compte tenu des documents produits pour la première fois en appel par le ministre de la Justice, en prolongeant par la décision du 6 juin 2019 le placement en régime contrôlé de détention de M. C..., dont le comportement instable perdurait voire s'aggravait, le directeur du centre pénitentiaire d'Alençon Condé-sur-Sarthe n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation.
11. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Caen.
12. En premier lieu, la décision du 6 juin 2019, produite en appel par le Garde des Sceaux, ministre de la Justice a été signée par M. D... A..., directeur du centre pénitentiaire d'Alençon Condé-sur-Sarthe lui-même. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision n'est donc pas fondé et doit être écarté.
13. En second lieu, aux termes de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de l'agent est respecté ". Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la décision du 6 juin 2019 a été signée par le directeur du centre pénitentiaire dont le nom, le prénom et la qualité figurent bien sur la décision qui a été notifiée à M. C... le 18 juin suivant. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.
14. En dernier lieu, les incidents répétés, notamment au mois de mai 2019, qui fondent la décision de prolongation du régime contrôlé de détention sont détaillés de manière précise sur le relevé des comptes rendus d'incident figurant dans le dossier de M. C.... L'intéressé n'apporte aucun élément de nature à établir que ces comptes rendus, dont il a été avisé, sont inexacts ni même ne le soutient. Dans ces conditions, la matérialité des faits fondant la décision contestée doit être regardée comme établie.
15. Il résulte de ce qui précède que le Garde des Sceaux, ministre de la Justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1902359 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du directeur du centre pénitentiaire d'Alençon Condé-sur-Sarthe du 6 juin 2019 ordonnant le maintien en régime contrôle de détention de M. C.... Les demandes à fin d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées pour M. C... devant le tribunal administratif de Caen doivent donc être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : Les jugements n° 1802812 et n° 1902359 du tribunal administratif de Caen du 17 juillet 2020 sont annulés.
Article 2 : Les demandes de M. C... devant le tribunal administratif de Caen sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au Garde des Sceaux, ministre de la Justice.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2021.
La rapporteure,
M. BERIA-GUILLAUMIELe président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au Garde des Sceaux en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02974, 20NT02978