Par une décision n° 365548 du 11 février 2015, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt du 15 novembre 2012 et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nantes.
Procédure devant la cour :
Avant cassation
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 mai 2011 et le 9 mars 2012, le GAEC de Pors Clochet, représentée par Me Dervillers, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 mars 2011 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de M. D...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande présentée en première instance par M. D...qui avait obtenu, le 22 octobre 2007, l'autorisation d'exploiter les terres en litige n'était pas recevable ; il ne justifie pas, en effet, d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre l'arrêté contesté du 30 janvier 2008 qui n'a pas préjudicié à ses droits ; par ailleurs, l'autorité administrative peut délivrer plusieurs autorisations d'exploiter pour des terres convoitées par plusieurs personnes ; l'obtention d'une autorisation d'exploiter ne préjuge pas de la détention d'un titre légal d'occupation à solliciter auprès du propriétaire ;
- au fond, le tribunal a, à tort, estimé que les dispositions du schéma directeur départemental des structures agricoles du département des Côtes-d'Armor en date du 21 mars 2007 avaient été méconnues et que l'installation de M. D...sur les terres en cause, regardées comme une exploitation viable, devait être considérée comme prioritaire par rapport à sa candidature ; le préfet n'était pas tenu de prendre en compte les priorités définies par le schéma départemental dès lors que les terres litigieuses n'étaient pas disponibles au moment où il a été autorisé à les exploiter, Mme G...les exploitant préalablement ; cette dernière a d'ailleurs été nommée gérante du GAEC de Pors Clochet à compter du 1er mars 2008 ; M. D...ne peut utilement contester l'autorisation qui a été délivrée au GAEC alors qu'il ne conteste pas celle délivrée le 30 janvier 2008 à MmeG..., laquelle exploitait les terres litigieuses avec son mari.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2011, M. B...D...conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge du GAEC de Pors Clochet au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a bien intérêt à demander l'annulation de l'arrêté contesté du 30 janvier 2008 ;
- le GAEC de Pors Clochet n'établit pas la qualité d'exploitante effective de
Mme G...qui, en raison de son invalidité, ne pourrait participer aux activités agricoles du GAEC ; elle ne verse pas aux débats les titres de propriété, les baux, les documents établissant sa prétendue qualité de chef d'exploitation.
Par un mémoire, enregistré le 15 décembre 2011, le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire conclut à l'annulation du jugement attaqué et à ce que soit mise à la charge de M. D...la somme de 1 255,80 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir :
- que la demande présentée en première instance par M. D...était irrecevable ; que l'autorisation contestée ne portait en elle-même aucune atteinte aux intérêts de M. D...et ainsi ne lui faisait pas personnellement grief, dès lors que l'intéressé n'était pas propriétaire ni exploitant des parcelles en cause et qu'il n'avait pas non plus la qualité de candidat évincé puisqu'il avait obtenu antérieurement sur les mêmes parcelles l'autorisation de les exploiter ; que l'autorisation contestée n'a eu ni pour objet ni pour effet de retirer ou d'abroger l'autorisation d'exploiter accordée à M. D...;
- que le jugement attaqué, qui n'a pas analysé la situation du GAEC de Pors Clochet, n'est pas suffisamment motivé et est, par suite, entaché d'irrégularité ;
- que l'autorisation d'exploiter contestée n'est entachée d'aucune illégalité ; que la commission départementale d'orientation de l'agriculture puis le préfet des Côtes-d'Armor ont successivement examiné les deux candidatures concurrentes et estimé qu'elles se situaient sur le même rang de priorité qui est visé au a) du I A de l'article 3 du schéma directeur départemental des structures agricoles des Côtes-d'Armor - " installation d'un jeune agriculteur à titre individuel ou en société " - dès lors que l'opération sollicitée par le GAEC visait à l'installation de Mme G...et que celle de M. D...concernait sa propre installation.
Par des mémoires en production de pièces, enregistrés les 28 juin 2012 et 30 juillet 2012, le préfet des Côtes-d'Armor verse aux débats une copie, d'une part, de l'arrêté préfectoral du 21 mars 2007 portant règlement d'exécution du schéma directeur des structures agricoles des Côtes d'Armor et, d'autre part, du dossier de demande d'autorisation d'exploiter déposé le 24 avril 2008 par le GAEC de Pors Clochet, demande qui a fait l'objet d'un récépissé de déclaration le 25 avril 2009 et d'un arrêté préfectoral du 14 octobre 2009 relatif à la dérogation de distance.
Il indique, en outre, que, s'agissant de l'autorisation d'exploiter de MmeG..., cet élevage bovin relevait du règlement sanitaire départemental avant le regroupement avec le GAEC de Pors Clochet et que, dès lors, aucune autorisation d'exploiter ne lui a été délivrée.
Après cassation
Par deux mémoires, enregistrés le 24 juillet 2015 et le 14 décembre 2015, M. B...D..., représenté par MeF..., persiste dans ses précédentes écritures et demande que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge du Gaec de Pors Clochet et de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2015, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt indique qu'il n'a pas de nouvelle observation à formuler.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller,
- les conclusions de Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de Me Boisset, avocat du GAEC de Pors Clochet.
1. Considérant que, le 22 octobre 2007, le préfet des Côtes d'Armor a accordé à M. D...l'autorisation d'exploiter 62 hectares 37 ares de terres situées sur le territoire des communes de Carnoët et Plourac'h, jusque là exploitées et mises en valeur par M. A...G..., leur propriétaire, qui prenait sa retraite le 20 novembre 2007 ; que, par un arrêté du 30 janvier 2008, le préfet des Côtes-d'Armor a autorisé le GAEC de Pors Clochet à exploiter 59 hectares 36 ares, soit la quasi-totalité de ces mêmes terres, sous réserve de l'entrée effective de Mme E...G..., épouse de M. A...G..., dans le groupement en tant qu'associée à part entière ; qu'à la demande de M.D..., le tribunal administratif de Rennes a, par un jugement du 15 mars 2011, annulé cet arrêté du 30 janvier 2008 ; que par un arrêt du 15 novembre 2012, la présente cour, faisant droit à l'appel du GAEC de Pors Clochet, a annulé le jugement et rejeté la demande de M.D... ; que par une décision du 11 février 2015, le Conseil d'Etat a cassé cet arrêt pour erreur de droit et a renvoyé l'affaire à la cour ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'en précisant que dés lors que les terres constituaient une exploitation viable et que le projet de M. D...constituait l'installation d'un jeune agriculteur, le préfet était tenu de rejeter la demande du GAEC de Pors Clochet, d'un ordre de priorité inférieur à celui de M. D...au regard des dispositions du schéma directeur départemental des structures agricoles des Côtes d'Armor, le tribunal administratif de Rennes a suffisamment motivé son jugement du 15 mars 2011 ; qu'il suit de là que le ministre n'est pas fondé à soutenir que le jugement litigieux serait irrégulier ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. Considérant que M.D..., qui avait obtenu lui-même le 22 octobre 2007 une autorisation d'exploiter les mêmes terres, s'est trouvé, à raison de l'autorisation d'exploiter accordée par l'arrêté du 30 janvier 2008 du préfet des Côtes-d'Armor au GAEC de Pors Clochet, en situation de concurrence avec le groupement pour participer à la mise en valeur des terres litigieuses ; que cette situation, qui lui faisait grief, justifiait, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, qu'il disposât d'un intérêt lui donnant qualité pour déférer au juge de l'excès de pouvoir l'autorisation délivrée au GAEC de Pors Clochet ; que la circonstance, à la supposer établie, qu'une autorisation d'exploiter aurait été délivrée préalablement à MmeG..., épouse du précédent exploitant, et que M. D...se serait abstenu de contester cette autorisation est, à cet égard, sans incidence ; qu'il s'ensuit que les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire et par le GAEC requérant et tirées d'un défaut d'intérêt à agir de M. D...doivent être écartées ;
Sur la légalité de l'arrêté du 30 janvier 2008 :
4. Considérant que l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable à la date de la décision préfectorale litigieuse, prévoit que l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles se prononce " en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande " et qu'elle doit notamment " observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande (...) " ; qu'aux termes de l'article 3A du schéma directeur départemental des structures agricoles des Côtes-d'Armor : " Si les biens disponibles constituent une exploitation viable l'ordre de priorité est le suivant : Installation en l'état d'un ou plusieurs jeunes agriculteurs à titre individuel ou en société (...) " ;
4. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions législatives précitées que le préfet doit, pour statuer sur les demandes d'autorisations d'exploiter des terres agricoles, observer l'ordre des priorités établi par le schéma directeur départemental des structures agricoles ; qu'ainsi, lorsqu'une autorisation a déjà été délivrée, le préfet, saisi d'une nouvelle demande portant sur les mêmes terres ne peut légalement y faire droit que si l'auteur de cette demande justifie d'une priorité égale ou supérieure à celle de la personne déjà autorisée ;
5. Considérant, d'autre part, qu'un bien " disponible ", au sens des dispositions de l'article 3A du schéma directeur départemental des structures agricoles des Côtes d'Armor, qui fixe l'ordre de priorité applicable lorsqu'un tel bien constitue une exploitation viable, est un bien exploité conformément à la législation sur le contrôle des structures des exploitations agricoles ;
6. Considérant en premier lieu, que si, le 25 octobre 2007 M. G...a décidé de retirer de la vente les terres litigieuses et si, après le départ à la retraite de son mari en novembre 2007, Mme G...soutient avoir continué à exploiter seule ces terres en litige en qualité de chef d'exploitation, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle y aurait été autorisée par l'autorisation dont bénéficiait son mari avant son départ à la retraite ou par une nouvelle autorisation d'exploitation à son nom ; que dans ces conditions, le 30 janvier 2008, date de l'arrêté attaqué, les terres litigieuses devaient être regardées comme des biens disponibles, dont il est constant qu'ils constituent une exploitation viable au sens des dispositions précitées de l'article 3A du schéma directeur départemental des structures agricoles des Côtes d'Armor ;
7. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de M.D..., né le 21 août 1980, titulaire d'un B.P.A.E en agro-équipement et alors salarié dans l'agriculture en qualité de technicien polyculture élevage depuis 2001, présente les caractères d'un projet d'installation d'un jeune agriculteur ; qu'en revanche, le projet du GAEC de Pors Clochet, créé en 1996, qui exploite déjà 128 hectares de terres, ne constitue pas, même avec l'entrée de Mme G...dans le GAEC comme associée, un projet d'installation d'un jeune agriculteur mais plutôt un projet d'extension grâce à la reprise des terres auparavant exploitées par M. G...; que par suite, au regard de l'ordre des priorités fixé par l'article 3A précité du schéma directeur départemental des structures agricoles, le préfet des Côtes d'Armor ne pouvait pas accorder une autorisation au GAEC de Pors Clochet, dont le projet relevait d'un ordre de priorité inférieur à celui de M.D..., autorisé à exploiter ces mêmes terres par un arrêté du 22 octobre 2007; qu'il suit de là que c'est à bon droit que le tribunal administratif de Rennes a estimé que l'arrêté litigieux du 30 janvier 2008 était contraire aux dispositions précitées de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime et de l'article 3A du schéma directeur départemental des structures agricoles des Côtes d'Armor ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le GAEC de Pors Clochet n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 15 mars 2011, le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de M.D..., l'arrêté du préfet des Côtes d'Armor du 30 janvier 2008 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de M.D..., qui n'est pas la partie perdante, les sommes demandées par le GAEC de Pors Clochet et par l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
10. Considérant en revanche qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et du GAEC de Pors Clochet la somme de 750 euros chacun au titre des frais exposés par M. D...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du GAEC de Pors Clochet est rejetée.
Article 2 : Le GAEC de Pors Clochet et l'Etat verseront chacun à M. D...une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D..., au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et au GAEC de Pors Clochet.
Une copie en sera transmise au préfet des Côtes d'Armor.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 février 2016.
Le rapporteur,
S. RIMEULe président,
L. LAINE
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT00900