Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2015, MmeC..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes du 22 juin 2015 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 12 juin 2015 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a, d'une part, décidé sa remise aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, d'autre part, prononcé son assignation à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de quarante-cinq jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
s'agissant de la décision de remise aux autorités espagnoles :
- elle est insuffisamment motivée ;
- les dispositions de l'article 18 du règlement CE n°2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 n'ont pas été respectées, ni celles des articles 4 et 28 du règlement CE n°604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la décision lui refusant le droit au séjour provisoire au titre de l'asile est illégale, car prise en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit, en ce que le préfet s'est estimé lié par les critères de réadmission ;
s'agissant de la décision portant assignation à résidence :
- elle est insuffisamment motivée ;
- la décision de remise aux autorités espagnoles qui lui sert de fondement est illégale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2015, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 juillet 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11décembre 2000 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lainé, président de chambre.
1. Considérant que MmeC..., ressortissante guinéenne, entrée irrégulièrement en France le 28 mars 2015, a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié auprès des services de la préfecture de Maine-et-Loire le 21 mai 2015 ; que, la consultation du fichier Eurodac ayant révélé que ses empreintes avaient déjà été enregistrées en Espagne le 7 octobre 2014, le préfet de Maine-et-Loire a refusé de l'admettre provisoirement au séjour par un arrêté du 5 juin 2015 ; qu'après acceptation par les autorités espagnoles de la prise en charge de l'intéressée, le préfet de Maine-et-Loire a, par arrêté du 12 juin 2015, décidé sa remise à ces autorités ; que, par décision du même jour, il a en outre prononcé l'assignation à résidence de Mme C...pour une durée de quarante cinq jours ; que Mme C...relève appel du jugement du 22 juin 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 12 juin 2015 ;
2. Considérant, en premier lieu, que le préfet, après avoir visé les textes dont il a fait application, rappelle les conditions d'entrée et de séjour de la requérante en France, les étapes de la procédure administrative suivie et le fait que le relevé de ses empreintes a révélé qu'elles avaient été enregistrées en Espagne ; qu'il précise qu'il a en conséquence saisi les autorités espagnoles d'une demande de reprise en charge, après avoir vérifié que la situation de l'intéressée ne relevait pas des dérogations prévues aux articles 16 et 17 du règlement UE n°604/2013 du 26 juin 2013, et prononcé un refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile par décision du 5 juin 2015, que les autorités espagnoles ont accepté sa prise en charge, et que sa décision ne porte pas atteinte à sa vie privée et familiale et qu'enfin il n'est pas établi que la remise aux autorités espagnoles lui ferait courir un risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile ; qu'ainsi, le moyen tiré du caractère insuffisant de la motivation de la décision attaquée ne saurait prospérer ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement UE 604/2013 du 26 juin 2013 relatif au droit à diverses informations concernant l'application de ce règlement n'est de nature à affecter directement que la seule légalité de l'arrêté du 5 juin 2015 du préfet de Maine-et-Loire refusant à la requérante l'admission au séjour ; qu'étant invoqué à l'encontre de la seule décision du 12 juin 2015 ordonnant sa remise aux autorités espagnoles, il est inopérant et doit, par suite, être écarté ; qu'est également inopérant, pour la même raison, le moyen tiré de ce qu'elle n'aurait pas bénéficié des informations énumérées à l'article 18 du règlement CE n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 relatives à la procédure " Eurodac " ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 27 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " (...) 1. Le demandeur (...) dispose d'un droit de recours effectif, sous la forme d'un recours contre la décision de transfert ou d'une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction. / 2. Les États membres accordent à la personne concernée un délai raisonnable pour exercer son droit à un recours effectif conformément au paragraphe 1. / 3. Aux fins des recours contre des décisions de transfert ou des demandes de révision de ces décisions, les États membres prévoient les dispositions suivantes dans leur droit national : / (...) / c) la personne concernée a la possibilité de demander dans un délai raisonnable à une juridiction de suspendre l'exécution de la décision de transfert en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision. Les États membres veillent à ce qu'il existe un recours effectif, le transfert étant suspendu jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la première demande de suspension. La décision de suspendre ou non l'exécution de la décision de transfert est prise dans un délai raisonnable, en ménageant la possibilité d'un examen attentif et rigoureux de la demande de suspension. La décision de ne pas suspendre l'exécution de la décision de transfert doit être motivée. / (...) " ;
5. Considérant que l'arrêté du 12 juin 2015 portant remise aux autorités espagnoles a été notifié à Mme C...en même temps que la mesure prononçant son assignation à résidence ; que l'introduction d'un recours sur le fondement du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable dans cette hypothèse, a par elle-même pour effet de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement en vue de laquelle l'assignation à résidence de l'étranger a été décidée ; que, saisi au plus tard dans les quarante-huit heures suivant la notification de la décision d'assignation à résidence, le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne se prononce dans des conditions d'urgence, et au plus tard en soixante douze heures ; que, statuant dans ce cadre, il dispose d'un pouvoir d'annulation non seulement de la mesure d'éloignement mais également de la mesure d'assignation à résidence ; que ce délai de recours de quarante-huit heures non prorogeable, compte tenu notamment de la nature et de l'objet de la décision contestée et des garanties procédurales dont dispose le requérant, n'est pas contraire aux dispositions précitées des paragraphes 1 à 3 de l'article 27 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui prévoient que le ressortissant étranger d'un pays tiers à l'Union européenne doit disposer d'un recours effectif et suspensif pour attaquer les décisions de transfert devant une juridiction ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision de remise aux autorités espagnoles serait intervenue en méconnaissance de son droit à un recours effectif ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que Mme C...soutient que la décision de remise aux autorités espagnoles serait illégale en raison de l'illégalité affectant la décision du 5 juin 2015 refusant de l'admettre provisoirement au séjour en qualité de demandeur d'asile qui aurait été prise en méconnaissance des obligations d'information prévues par l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, d'une part, elle ne précise pas les informations qui ne lui auraient pas été données ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que lui a été remis le 21 mai 2015 le guide du demandeur d'asile, qui contient l'énumération des indications et des documents que le demandeur d'asile doit présenter à l'appui de sa demande, et que, par ailleurs, lui ont été remises les brochures, qui figurent en annexe au règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003, intitulées " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ' " (brochure A), et " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce-que cela signifie ' " (brochure B), qui permettent aux demandeurs d'asile de bénéficier d'une information complète sur l'application du règlement du 26 juin 2013 ; que Mme C... n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas bénéficié de l'ensemble des informations correspondant à sa situation de demandeur d'asile ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que l'arrêté litigieux serait illégal en raison de l'illégalité qui affecte la décision du 5 juin 2015 du préfet de Maine-et-Loire rejetant sa demande d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile, ne peut être accueilli ;
7. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'a pas examiné la possibilité, prévue par les articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, d'instruire la demande d'asile présentée par Mme C...et relevant de la compétence de l'Espagne en considération d'éléments tenant à la situation personnelle de la demandeuse ainsi qu'aux défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil dans le pays désigné par la décision de réadmission ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que Mme C...serait susceptible d'être traitée par les autorités espagnoles dans des conditions non conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions sus-évoquées et de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet en s'estimant lié par les critères de détermination de l'Etat responsable doivent être écartés ;
8. Considérant, en sixième lieu, que si Mme C...soutient que l'arrêté portant remise aux autorités espagnoles est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation, dès lors qu'elle n'a aucune attache en Espagne et que toutes ses attaches se situent en France, elle n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de ces allégations ; qu'au contraire il ressort des pièces du dossier que sa fille ainsi que ses parents et ses frères et soeurs résident toujours en Guinée ; que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;
9. Considérant, en septième lieu, que l'arrêté assignant à résidence Mme C...comporte un exposé suffisant des considérations de droit et de fait pour lesquelles l'intéressée fait l'objet d'une telle assignation ; qu'ainsi, le moyen tiré de son insuffisante motivation ne saurait être accueilli ;
10. Considérant, en huitième et dernier lieu, que Mme C...n'est pas fondée à exciper, par voie d'exception, de l'illégalité de l'arrêté prononçant sa remise aux autorités espagnoles dès lors que, comme indiqué aux considérants 2 à 8 du présent arrêt, cet arrêté n'est pas illégal ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 février 2016.
Le président-rapporteur,
L. LAINÉL'assesseur le plus ancien,
C. LOIRAT
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT02280