Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 août 2019 et le 19 mars 2020, la société Gaudin Ingénierie, en la personne de son liquidateur amiable la SCP Thievenot-Perdereau-Maniere-El Baze, représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 5 août 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Rennes en ce qu'elle la condamne au versement de 4 680 euros TTC au titre des désordres affectant la régulation thermique des locaux d'une maison de santé, 1 305,44 euros TTC au titre de la mise à disposition d'un bungalow, 1 053,26 euros TTC au titre des dépens et 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par la commune de Josselin devant le juge des référés du tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge des parties succombantes la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance est irrégulière en ce qu'elle n'est pas motivée s'agissant du partage de responsabilité relatif à la mise à disposition d'un bungalow (point 25) ;
- c'est à tort qu'une provision est mise à sa charge au titre de la régulation thermique des locaux ; aucun désordre n'a été constaté ; les réglages des débits hydrauliques et aérauliques à parfaire ne relèvent pas de la garantie décennale mais révèlent une négligence des occupants de la maison de santé ;
- c'est à tort qu'une somme à été mise à sa charge au titre des dépens alors qu'il existe des contestations sérieuses au regard de sa responsabilité ;
- c'est à tort qu'une somme a été mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative alors qu'aucune condamnation ne devait la concerner.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2020, la commune de Josselin, représentée par la société Cabinet Coudray, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la société Gaudin ingénierie, prise en la personne de son liquidateur amiable la SCP Thievenot-Perdereau-Maniere-El Baze, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Gaudin ingénierie ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 20 mars 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 28 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me I..., représentant la société Gaudin Ingénierie.
Considérant ce qui suit :
1. En 2008, la commune de Josselin a engagé un projet de construction d'une maison de santé pluridisciplinaire. Dans ce cadre, elle a confié la maîtrise d'oeuvre de l'opération à un groupement composé des sociétés " Atelier d'architecture D... - F... ", mandataire du groupement, du bureau d'études ETSB, chargé de la structure du bâtiment, du béton, de la charpente et du bardage, du bureau d'études Gaudin Ingénierie, en charge de la régulation thermique et des fluides, et de la société d'études et de réalisations pour la diminution du bruit (SERDB), chargée de l'acoustique du bâtiment. La commune a ensuite attribué les travaux de son projet notamment aux sociétés Gouedard pour le lot " Menuiseries intérieures ", Jean-Noël Texier pour le lot " Chauffage VMC " et Coyac pour le lot " Plafonds suspendus ". La réception de ces travaux a été prononcée le 16 avril 2012 avec effet au 11 avril 2012, assortie d'une série de réserves qui ont été levées entre octobre et novembre 2012. A compter de cette date, différents désordres, dont des défauts portant sur l'isolation acoustique, la régulation thermique, le revêtement de sol thermoplastique, le système de ventilation, le chauffage et les portes extérieures ont été constatés. Par courrier du 14 mars 2013, la commune de Josselin a mis en demeure le groupement de maîtrise d'oeuvre et les entrepreneurs concernés de remédier aux désordres avant le 11 avril 2013. Les travaux de réfection des désordres n'ayant pas été réalisés, le maître d'ouvrage a décidé, le 13 mai 2013, de proroger le délai de garantie de parfait achèvement et a obtenu, par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rennes du 6 mai 2013, la désignation d'un expert M. H... B... qui a déposé son rapport le 22 avril 2015. La commune de Josselin a alors demandé au juge des référés du même tribunal, la condamnation des défendeurs à réparer les désordres constatés, à titre principal, sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, et à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs. Par une ordonnance du 5 août 2019 le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a notamment condamné la société Gaudin ingénierie à verser à la commune de Josselin les sommes de 4 680 euros TTC au titre des désordres affectant la régulation thermique des locaux, 1 305,44 euros TTC au titre de la mise à disposition d'un bungalow, 1 053,26 euros TTC au titre des dépens et 1 500 euros, solidairement avec les sociétés Gouedard, Atelier d'architecture D...-F..., SERBD, Texier et Sarpic, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La société Gaudin ingénierie relève appel de cette ordonnance en tant qu'elle concerne les condamnations mises à sa charge.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. L'ordonnance attaquée, en son point 25, reconnaît l'existence d'un préjudice indemnisable au bénéfice de la commune de Josselin, justifié par l'implantation temporaire d'un bungalow raccordé aux réseaux destiné à abriter les occupants de la maison médicale pendant les travaux de réparation des désordres et dont le coût d'installation est réparti entre diverses sociétés, dont la société Gaudin industrie. En indiquant l'évaluation des frais de ces prestations de relogement provisoire établie par l'expert et en mentionnant que " Compte tenu du pourcentage que représente le coût des travaux de reprise mis à leur charge sur l'intégralité du coût des travaux de reprise des désordres constatés la commune de Josselin est fondée à solliciter les condamnations de (...) ", le juge des référés a satisfait à l'obligation de motivation du montant de l'indemnisation mise à la charge de la société Gaudin ingénierie. Par suite cette dernière n'est pas fondée à soutenir que l'ordonnance devrait être annulée pour l'irrégularité alléguée.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
3. Selon l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.
En ce qui concerne le désordre affectant la régulation thermique des locaux :
4. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.
5. En premier lieu, ainsi que le relève l'ordonnance attaquée en son point 16 par référence au rapport d'expertise, la maison de santé a été affectée d'un dérèglement thermique interne au bâtiment en raison de bouches d'insufflation et d'extraction d'air aux débits mal contrôlés. D'une part, un tel désordre affectant une maison de santé, eu égard aux services qu'elle propose et aux usagers la fréquentant, était de nature à la rendre impropre à sa destination et à engager la responsabilité décennale de la maitrise d'oeuvre, à laquelle concourrait la société Gaudin ingénierie au titre de la régulation thermique et des fluides. D'autre part, il n'est pas contesté que cette société était en charge, dans le cadre de cette mission de maitrise d'oeuvre, notamment de l'établissement d'une étude de modélisation du système de régulation thermique général de la construction, qui n'a jamais été produite. A cet égard cette même société ne peut se borner à invoquer sa "situation juridique" pour expliquer une telle abstention.
6. En second lieu, il résulte du rapport d'expertise que pour pallier les dysfonctionnements observés, il est nécessaire, non pas d'effectuer un simple réglage du dispositif existant, mais de poser des régulateurs de débit de l'air et de procéder à un ultime réglage de l'ensemble de l'installation. Or cette dernière prestation, incombant à la seule entreprise Texier en charge du lot " VMC-Chauffage", nécessite l'examen préalable de l'étude générale et de modélisation du dispositif thermique global dont la société Gaudin ingénierie avait la charge.
7. Par suite, c'est sans méconnaitre son office tel que rappelé au point 3 que le juge des référés a condamné la société Gaudin ingénierie à verser à la commune de Josselin la somme provisionnelle de 4 680 euros TTC, correspondant au montant de l'étude thermique attendue, en réparation de ce désordre.
En ce qui concerne les dépens :
8. L'ordonnance attaquée met à la charge de la société Gaudin Ingénierie une somme de 1 053,26 euros TTC au titre des dépens, correspondant à une quote-part du montant des frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 18 004,49 euros TTC par une ordonnance du 30 avril 2015 de la présidente du tribunal administratif de Rennes. Or il résulte de ce qui précède que la société Gaudin Ingénierie n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne devait pas être condamnée au paiement des sommes provisionnelles mises à sa charge par l'ordonnance attaquée du 5 août 2019. Par voie de conséquence, par le seul rappel de cette contestation, la société Gaudin ingénierie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort qu'elle a été condamnée à verser 1 053,26 euros TTC à la commune de Josselin au titre des dépens, en proportion de la part mise à sa charge du montant total de la provision accordée à la commune.
En ce qui concerne les frais de première instance :
9. Eu égard à la qualité de partie perdante de la société Gaudin Ingénierie en première instance, cette société n'est pas fondée à soutenir qu'il n'y avait pas lieu de la condamner à verser solidairement à la commune de Josselin la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Gaudin ingénierie n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée du juge des référés du tribunal administratif de Rennes du 5 août 2019.
Sur les frais d'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la société Gaudin Ingénierie. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de cette dernière, sur le fondement des mêmes dispositions, une telle somme au titre des frais exposés par la commune de Josselin.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Gaudin Ingénierie est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Josselin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Gaudin Ingénierie et à la commune de Josselin.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2020.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19NT03407