Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 27 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2019 du préfet du Calvados ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", à titre subsidiaire, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou " étudiant ", ou à titre très subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il entre dans les prévisions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors, en particulier, qu'il ne présente aucune menace pour l'ordre public et que ses liens avec son pays d'origine sont limités ; le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du même code dès lors qu'il est père d'un enfant né sur le territoire français à l'entretien duquel il contribue et qu'il encourt des risques en cas de retour au Nigeria ; la décision de refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination sont insuffisamment motivées ; elles violent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3 de la même convention et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français durant deux ans n'entre pas dans le champ d'application du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires, enregistrés les 18 mars 2020 et 21 juillet 2020, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., qui a déclaré être né le 6 février 1999 à Benin City (Nigéria) et être de nationalité nigériane, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 20 novembre 2015. Par une ordonnance provisoire du procureur de la République de Caen du 18 mars 2016 et par un jugement d'assistance éducative du 6 avril 2016, il a été confié à l'aide sociale à l'enfance. Il a bénéficié par la suite d'un contrat d'accueil provisoire " jeune majeur " jusqu'au 31 août 2019. Le 30 novembre 2017, sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 16 novembre 2018. Le 13 décembre 2018, M. A... a déposé une demande de titre de séjour en qualité d'étranger confié à l'aide sociale à l'enfance. Par un arrêté du 17 juillet 2019, le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Cet arrêté a été retiré par un arrêté du 17 septembre 2019 et un arrêté du même jour a été pris à l'encontre de M. A... lui refusant le séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par un jugement du 27 décembre 2019, dont il est relevé appel, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de M. A..., qu'il a regardée comme tendant exclusivement à l'annulation de ce second arrêté.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, le requérant reprend en appel le moyen invoqué en première instance et tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ce moyen par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".
4. En l'espèce, d'une part, ainsi que l'a retenu le préfet, il n'est pas établi que M. A... n'ait pas conservé des liens avec son père, demeurant au Nigéria. D'autre part, ainsi que l'a d'ailleurs admis l'intéressé lors de son audition à huis-clos devant la CNDA, il a commis dans son pays d'origine plusieurs meurtres dans le cadre d'une bande organisée, la confrérie de la " Black Axe ", dont il a défendu, devant le juge de l'asile, le bien-fondé. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet a estimé que M. A... n'était pas au nombre des étrangers qui, à titre exceptionnel, peuvent se voir délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-15 cité au point précédent.
5. En troisième lieu, M. A... est, ainsi qu'il a été précisé, entré en France en novembre 2015. Certes, il y a, par la suite, suivi des cours de langue française et une formation en chaudronnerie avec assiduité et est le père d'une enfant née en France d'une mère de nationalité nigériane le 3 février 2018. Toutefois, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il vivrait conjointement avec ces dernières ou, à tout le moins, aurait maintenu des liens d'une intensité particulière avec elles. Dans ces conditions, et eu égard à ce qui a été dit au point précédent, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet n'a ni commis d'erreur manifeste d'appréciation ni porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination :
6. En premier lieu, le requérant reprend en appel le moyen invoqué en première instance tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination. Il y a lieu d'écarter ce moyen par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par les premiers juges.
7. En deuxième lieu, si le requérant encourt des risques avérés en cas de retour au Nigéria, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que celui-ci prévoit son éloignement à destination de " tout pays dans lequel il serait légalement admissible, à l'exception du Nigéria ". Or, aucun élément du dossier ne permet de supposer qu'il risquerait de subir des traitements inhumains ou dégradants hors du Nigéria. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par les motifs exposés au point 5 ci-dessus.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
9. Le requérant reprend en appel les moyens invoqués en première instance tirés de ce que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français durant deux ans méconnaît le champ d'application du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par les premiers juges au point 21 du jugement attaqué.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2020.
Le rapporteur,
T. B...Le président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00281
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